Débat sur peine de mort pour trafic de drogue au Conseil des droits de l’homme

Normes internationales

Publié par Elisa Bellotti, le 30 septembre 2015

Qu’advient-il lorsque des politiques censées protéger la vie des gens finissent par la détruire ?

Tel fut l’un des sujets discutés lors de la table ronde organisé par The Advocate for Human Rights, ECPM, FIDH, la Coalition mondiale contre la peine de mort et Iran Human Rights, quelques heures avant le Panel sur l’impact du problème mondial de la drogue sur la jouissance des droits de l’homme du Conseil des droits de l’homme à Genève.
La table ronde a permi d’approfindir le sujet de la peine capitale pour trafic de drogue deux semaines avant le 10 octobre 2015, 13ème Journée mondiale contre la peine de mort. Le panel a quant à lui, permis d’entamer une action de lobbying en vue de la prochaine Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies sur le problème mondial des drogues (UNGASS).

La Peine capitale est une arme contradictoire dans la lutte contre le trafic de drogue

Raphaël Chenuil-Hazan, directeur exécutif d’ECPM, a ouvert la table ronde en présentant la situation actuelle de la peine de mort pour les infractions liées aux drogues. Même si, depuis les années 1980, une tendance vers l’abolition de la peine de mort s’est développée, 33 pays et territoires maintiennent la peine de mort pour trafic de drogues. Les exécutions pour trafic de drogues ont augmentées récemment et il est encore plus consternant d’apprendre que les condamnations à mort sont souvent appliquées aux personnes reconnues coupables de consommation, trafic ou possession des drogues douces, comme le cannabis. De toute évidence, cela va à l’encotre de la tendance à la dépénalisation des drogues douces, comme le cannabis. Le fait que dans certains pays il est possible de consommer du cannabis, même pour des usages non-médicaux, tandis que dans des autres pays c’est un crime passible de la peine de mort, est intolérable.
 
La peine de mort ne réduit pas les crimes liés aux drogues
 
Au cours du panel du Conseil des droits de l’homme, la délégation de Singapour a soutenu que la peine de mort est un "moyen de dissuasion efficace" pour contrebalancer le trafic de drogue dans son pays. Cependant, aucune étude empirique a jamais prouvé les effets dissuasifs de la peine capitale. 
Au contraire, la directrice exécutive de International Drug Policy Consortium, Ann Fordham, a affiché les effets négatifs provoqué par la peur de sanctions pénales. Par exemple, les personnes qui font usage de drogues sont souvent empêchées d’utiliser les services de réduction des risques par crainte d’encourir des sanctions pénales.
Un autre point soulevé durant les débat concerne le fait que la peine de mort est loin d’affecter les acteurs majeurs du trafic de drogue. Par contre, bon nombre de personnes condamnées à mort sont les plus vulnérables, exploitées par les narcotrafiquants. Ainsi, la peine de mort ne parvient pas à briser le commerce illicite de drogues.

L’ONUDC se doit d’assumer ses responsabilités
 
L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) porte sa part de responsabilité dans les politiques anti-drogue agressives mises en œuvre dans certains pays. Elizabeth Zitrin, présidente de la Coalition mondiale contre la peine de mort, a souligné le rôle de l’ONUDC dans la lutte contre le trafic de drogue. Même si l’ONUDC préconise l’abolition de la peine de mort, dans la pratique, ses méthodes finissent par encourager les condamnations à mort. Sur cette question, Mahmood Amirt-Moghaddam, porte-parole d’Iran Human Rights, a présenté le cas de l’Iran. En Iran, ni la stricte politique anti-drogue, souvent encouragée par l’ONUDC, ni l’augmentation des exécutions, n’ont permis des progrès concernant la réduction du trafic de drogue.
Ensemble contre la peine de mort (ECPM), International Educational Development (IED), Iran Human Rights (IHR), et l’Associatoin pour les droits de l’homme au Kurdistan d’Iran-Genève (KMMK-G) ont également fait une déclaration au cours de la session du Conseil des droits de l’homme. Pendant leur intervention, ils ont demandé à l’ONUDC, et aux pays donateurs coopérant avec l’Iran, de conditionner leur coopération à un moratoire sur la peine de mort pour les crimes liés à la drogue.

Quels progrès dans le futur?
 
Ann Fordham et Flavia Pansieri, Haut Commissaire adjoint des Nations Unies aux droits de l’homme, ont affirmé la nécessité de mettre fin aux exécutions pour des infractions qui ne sont pas considérées comme « les crimes les plus graves ». Selon les dernières interprétations, les infractions liées à la drogue ne tombent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves ».
Le Conseil des droits de l’homme a aussi examiné un rapport sur ​​la peine capitale et l’application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort. L’une des conclusions du rapport est que l’imposition de la peine de mort est incompatible avec les principes fondamentaux des droits de l’homme.
L’idée de progrès sortant de la table ronde à coté du Conseil des droits de l’homme est clair et a été parfaitement résumée par l’ONG Ensemble contre la peine de mort: "Les politiques anti-drogue n’ont pas le droit de violer les droits fondamentaux."

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