Les militants taïwanais en action dans la crise politique sur la peine de mort

Asie

le 19 mars 2010

Tout commence par une déclaration que chaque abolitionniste souhaiterait entendre de la part de son gouvernement. Critiquée pour son refus de signer des ordres d’exécution, la ministre de la Justice taïwanaise Wang Ching-feng (photo) publie au début du mois une lettre ouverte réaffirmant son soutien au moratoire sur l’utilisation de la peine de mort.
Alors que les critiques s’intensifient, elle déclare lors d’une conférence de presse le 11 mars : « Je préfèrerais démissionner plutôt que de signer un ordre d’exécution … Si cela pouvait donner une occasion à ces condamnés de se réhabiliter, je serais heureuse de me faire exécuter ou d’aller en enfer à leur place. »
Mais la position courageuse de Wang lui coûte cher : tard dans la soirée, faute d’avoir obtenu le soutien du Président Ma Ying-jeou, lâchée par plusieurs membre de son parti majoritaire Komintang à l’approche des élections, elle doit démissionner.
Cet événement marque le début d’une bataille difficile pour l’Alliance taïwanaise pour mettre fin à la peine de mort (TAEDP) et la section taïwanaise d’Amnesty International, deux organisations membres de la Coalition mondiale.
Les militants pro-peine de mort, notamment l’artiste populaire et mère de victime de meurtre Pai Ping-ping, demandent l’exécution des 44 condamnés à mort taïwanais.

« Politiciens assoiffés de sang »

« Les médias ont largement couvert l’opposition farouche de Pai au moratoire. Cela a malheureusement encouragé d’autres politiciens assoiffés de sang à attaquer Wang sur l’arrêt des exécutions. Cela a par la suite entraîné encore plus de couverture médiatique irrationnelle et sensationnaliste sur le sujet (surtout dans les talk shows télévisés) », explique Lin Hsin-yi, directrice de la TAEDP (photo ci-dessous).
Son organisation engage alors un patient effort pour retourner l’opinion publique alors que des sondages montrent que 75 % des Taïwanais soutiennent la peine de mort. En quelques jours de travail acharné, ils parviennent à faire entendre leur voix : « Maintenant, les médias traitent les opinions opposées à la peine de mort de façon équitable. Ces derniers jours, des articles pour et contre la peine de mort avec de bons arguments sont parus dans les principaux journaux », rapport Lin.
Les abolitionnistes commencent par expliquer le rôle du ministre de la Justice dans l’exécution des condamnations à mort. « Le Code de procédure pénale stipule clairement que le rôle du ministre de la Justice représente bien plus qu’une coup de tampon sur le chemin de l’exécution. Le rôle du ministre est de s’assurer que la plus grande prudence est observée dans les affaires de peine de mort », rappelle la TAEDP dans un communiqué publié le 10 mars. Elle s’assure ensuite que le ministre de la Justice par intérim qui remplace Wang accepte cette position.

La Coalition mondiale écrit au Président Ma

En accord avec ses membres taïwanais, la Coalition mondiale adresse une lettre au Président Ma le 12 mars. Lors d’une visite il y a deux ans, ce dernier avait affirmé à Speedy Rice, professeur de droit américain et trésorier de la Coalition mondiale, que Taïwan continuerait à avancer sur le chemin de l’abolition. Dans la lettre, Rice écrit : « Les assurances publiques et officielles que vous nous avez données en 2008 ne devraient pas être mises de côté ou abandonnées du fait de débats politiques transitoires et de la résignation de Wang. »
D’autres membres de la Coalition mondiale parmi lesquels le secrétariat international d’Amnesty International, le Réseau asiatique anti-peine de mort (ADPAN) et la Fédération internationale de l’action des chrétiens contre la torture (FIACAT) ont également réagi par des déclarations publiques et des courriers aux autorités taïwanaises.
La TAEDP se mobilise aussi pour protéger la vie des condamnés à mort Taïwanais. En complément aux actions en justice menées depuis 2007 quant à la constitutionnalité des procès de 14 d’entre eux, la TAEDP a initié de nouvelles démarches en leur nom contestant la compatibilité de la peine de mort avec la constitution.
« Puisque nous ne pouvons pas prévoir la position du nouveau ministre, afin de nous assurer que nous sommes en terrain solide, nous essayons de contacter les 30 autres condamnés à mort ou leurs familles afin de leur demander qu’ils nous autorisent à solliciter une interprétation de la constitution en leur nom », écrit Lin.
« Notre priorité est de prolonger la durée du moratoire informel à Taïwan », ajoute-t-elle. Aucune exécution n’a eu lieu dans le pays depuis 2005.

En savoir plus :

La lettre de la Coalition mondiale au Président Ma
– en anglais
– en chinois

Les communiqués publiés par la TAEDP
le 10 mars
le 12 mars

Photo de Wang : VOA Photo/Chen Su

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