La campagne pour Sakineh débouche sur des manifestations mondiales
Samedi 28 août prochain, des milliers de personnes manifesteront dans près de cent villes du monde pour protester contre l’exécution programmée de Sakineh Mohamadi Ashtiani. Le visage de cette veuve iranienne vu partout en photo est devenu le symbole de la cruauté et du caractère inhumain de la peine de mort. Pendant ce temps, le mouvement s’organise, des militants préparent des manifestations de Bagdad (Irak) à Brisbane (Australie), indique le site internet des organisateurs Comité international contre la lapidation.
Cette journée internationale de protestation marquera le point culminant d’une vague d’indignation qui n’a fait que croître depuis la condamnation à mort par lapidation de Sakineh, accusée d’avoir vécu une relation avec deux hommes autres que son mari décédé.
500 000 signatures
Avec les pétitions et les appels qui se sont multipliés tout l’été, il est maintenant difficile de rencontrer un dirigeant politique ou un artiste qui n’ait pas pris publiquement position contre sa lapidation. Parmi les initiatives les plus suivies, la pétition lancée sur le site internet militant Avaaz.org a recueilli plus de 500 000 signatures pour demander à l’Ayatollah Ali Khamenei et aux dirigeants iraniens de « mettre un terme définitif à la peine capitale par lapidation, et de réformer le jugement injuste adopté dans l’affaire Sakineh Mohammadi Ashtiani ».
Avaaz a également sollicite également les dons du public pour faire publier des publicités dans les médias brésiliens et turques appelant les gouvernements de Brasilia et d’Ankara à user de leur influence auprès de leur allié iranien pour soutenir Sakineh.
À l’initiative du philosophe français Bernard-Henri Lévy, plusieurs célébrités telles que les actrices Mia Farrow et Juliette Binoche, les romanciers Milan Kundera et Jorge Semprun ainsi que l’auteur oscarisée d’origine iranienne de Persépolis, Marjane Satrapi, se sont associées à la rédaction d’un éditorial publiée le 16 août dernier en première page du journal Libération et dans des médias du monde entier. De nombreux autres artistes et hommes politiques ont depuis signé cet appel pour « empêcher la lapidation de Sakineh ».
Une autre pétition publiée sur le site internet Freesakineh.org a recueilli la signature de nombreux artistes tels que Gwyneth Paltrow et Peter Gabriel, du Prix Nobel Shirin Ebadi et du maire de New-York, Michael Bloomberg. Plus de 200 000 personnes ont désormais signé cette pétition.
"Distorsion de la religion"
En Iran aussi, des militants s’expriment sur la toile. Ainsi peut-on lire sur le blog rédigé en langue Farsi Salam Sabz, proche du mouvement « Vert » opposé à la réélection controversée du président Mahmoud Ahmadinejad l’année dernière, que la lapidation est une « distorsion qui vide la religion de tout son sens ». « Les notions de pardon et de bonté divine sont ignorées tandis que colère et folie sont présentées comme les paroles de Dieu » ajoute l’auteur du blog, Sabz-e Hossein.
Alors que les enfants de Sakineh ont rejoint la campagne pour sauver leur mère, certains militants en ligne évoquent le souvenir d’une autre femme iranienne, qui n’a pas échappé à la peine de mort, Fatimeh Haqhiqhat. Dans un message enregistré posté sur YouTube, sa fille déclare: « Voilà dix ans que je subis ça. Je pleure chaque personne exécutée par le régime et je pleurerai jusqu’à la dernière personne qui sera condamnée à mort en Iran ».
De son côté, le site d’information gouvernemental Jahan News considère ce mouvement de soutien à Sakineh et les critiques relatives à l’armement nucléaire iranien comme les deux volets d’une vaste campagne organisée par l’occident pour déstabiliser l’Iran. « Pensez-vous que les États-Unis, le Royaume-Uni ou Madame Clinton soient vraiment préoccupés par le sort de cette femme qui a tué son mari ? » demande Jahan News.
"Aveux" télévisés
Cette accusation de meurtre est l’un des derniers pieds de nez des autorités iraniennes face à la mobilisation internationale en faveur de Sakineh. Alors que son avocat demandait la révision du procès, la télévision publique iranienne diffusait le 11 août dernier une soi-disant confession de Sakineh dans laquelle elle admettait avoir participé au meurtre de son mari. Le lendemain, les autorités annonçaient que Sakineh était toujours condamnée à mort mais qu’elle ne serait pas lapidée.
« Il semble que les autorités iraniennes aient orchestré cette "confession" après la demande de réexamen judiciaire de l’affaire et qu’elles aient inventé cette nouvelle accusation de meurtre », a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
De nombreux observateurs estiment que la confession a été obtenue sous la torture.
Dans une interview donnée à un intermédiaire du journal britannique The Guardian, Sakineh a indiqué craindre d’être exécutée en secret. « Ils sont très embarrassés par l’attention internationale portée à mon cas et tentent désespérément de faire distraction et de troubler les médias afin de pouvoir me tuer discrètement », aurait-elle confié.