La responsabilité partagée de la peine de mort

Normes internationales

Publié par Harm Reduction International, le 27 septembre 2011

Les États sont souvent invités à se rappeler de leur ‘‘responsabilité partagée’’ dans des questions transnationales comme la lutte contre le trafic de stupéfiants et le terrorisme.
Dans ce genre de discours, la responsabilité des États quant au respect des normes internationales relatives aux sanctions a tendance à être ignorée. Après tout, s’il est attendu de la communauté internationale de collaborer pour mettre un terme au crime transnational, quelles garanties existe-t-il que les sanctions qui découlent de cette lutte seront conformes aux normes convenues, telles que celles inscrites dans les traités des droits de l’Homme ?
La peine de mort est sans doute la sanction qui suscite le plus de débats au niveau international.
La majorité des pays ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Cependant, une minorité continue d’exécuter et, parmi ce groupe, une frange radicale met à mort des personnes impliquées dans le trafic de drogue.
Bien que 32 pays ou territoires (Taïwan et l’administration du Hamas à Gaza) interdisent en droit la peine de mort pour trafic de stupéfiants, en réalité, ces pays sont peu nombreux à appliquer la peine de mort dans les faits.
Harm Reduction International (Association internationale pour la réduction de la souffrance liée aux drogues) estime qu’au cours des cinq dernières années, environ 12 à 14 pays seulement ont exécuté des détenus pour trafic de drogues. De plus, beaucoup de ces pays ne l’ont fait que très rarement (Thaïlande, Indonésie et Pakistan).

Question épineuse

Cependant, quelques États dont la loi prévoit la peine de mort pour trafic de drogue, sont des pays producteurs de drogues ou des points de transbordement de la drogue – situation les plaçant au cœur de la coopération internationale en matière de lutte contre les stupéfiants.
Mais comment des pays comme la Suède, les Philippines, la Colombie, l’Afrique du Sud, l’Italie, le Niue, le Mozambique, le Boutant, le Népal et 130 autres pays, peuvent-ils assumer leur ‘‘responsabilité partagée’’ dans la lutte contre le trafic de drogue si leur action peut déboucher sur l’exécution de détenus, peut-être même de leurs propres citoyens ?
Ce n’est pas une question abstraite. 
Par exemple, les Philippines qui ont aboli la peine de mort en 2006, sont souvent décrites comme un partenaire actif et engagé dans la lutte contre le trafic de drogues. Pourtant, en février, 78 Philippins étaient détenus dans les couloirs de la mort en Chine, la plupart d’entre eux pour trafic de stupéfiants. 
L’Australie mène également une collaboration étroite en matière de lutte contre les stupéfiants avec un certain nombre de gouvernements, notamment en Asie du Sud-Est, pour ensuite s’efforcer de sauver ses propres citoyens du peloton d’exécution ou bien de la potence (parfois en vain).
La situation est d’autant plus révoltante qu’il existe dans le droit international de nombreuses recommandations définissant les limites d’une sanction légitime.
 
Les crimes liés au trafic de drogue ne sont pas « les crimes les plus graves »

Par exemple, l’article 6(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) restreint clairement l’application légitime de la peine de mort aux « crimes les plus graves » – ce qui, selon l’organe chargé de surveiller la mise en œuvre du traité, exclut les crimes liés au trafic de drogue.
Une restriction semblable a été incluse dans une résolution du Conseil économique et social des Nations Unies et a été par la suite adoptée par l’Assemblée Générale. 
En outre, le droit coutumier international interdit toute peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il est de plus en plus fréquent de considérer que la peine de mort, quels que soient la forme qu’elle revêt et le crime commis, enfreint cette interdiction. 
La grande majorité des États sont parties à des traités visant à réduire l’approvisionnement et la demande en drogue. Mais les gouvernements doivent trouver le bon équilibre en s’assurant que ces efforts prennent en compte leurs obligations en matière des droits de l’Homme. Cet équilibre n’est pas atteint (c’est le moins qu’on puisse dire) quand les États conviennent d’une ‘‘responsabilité partagée’’ en matière de crime sans aucun engagement relatif à des normes communes concernant les sanctions.
Les nombreux étrangers actuellement dans les couloirs de la mort et ceux exécutés en violation du droit international montrent, pour le moins, que l’abolition de la peine de mort est également une ‘‘responsabilité partagée’’.

Cliquez ici pour lire le rapport 2011 sur la peine de mort de Harm Reduction International

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