L’Union européenne restreint l’exportation d’une drogue mortelle
Abolition
La Commission a décidé de ne pas interdire totalement l’exportation de sel de sodium de thiopental et d’autres barbituriques utilisés comme anesthétiques dans les protocoles d’injection létales aux Etats-Unis.
Le texte du nouveau règlement indique : « Les médicaments concernés ont été élaborés notamment à des fins d’anesthésie et de sédation et leur exportation ne devrait donc pas faire l’objet d’une interdiction totale. »
Clare Algar, directrice exécutive de l’ONG membre de la Coalition mondiale Reprieve, a déclaré : « C’est un premier pas important dans la prévention de l’utilisation de drogues européennes dans les exécutions. Cependant, nous attendons une disposition plus large, exhaustive, pour interdire que tout produit soit utilisé dans l’application de la peine capitale et nous assurer ainsi que l’Europe ne soit plus jamais complice de la peine de mort. »
Réponse aux appels de la société civile
L’ajout du sel de sodium de thiopental à l’annexe III du règlement (CE) no 1236/2005 résulte en grande partie d’une année de plaidoyer menée par les principales organisations abolitionnistes après la découverte de lots de ce produit fabriqués en Europe dans les chambres d’exécutions américaines.
La Coalition mondiale, Amnesty International, Penal Reform International, Reprieve et d’autres organisations réputées avaient signé une demande appelant la Commission européenne à contrôler l’exportation des drogues utilisées pour des exécutions aux Etats-Unis.
Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission et représentante pour les Affaires étrangères, a déclaré : « Il s’agit d’un premier pas en réponse aux appels de la société civile et du Parlement européen réclamant un renforcement de la réglementation européenne. Il sera suivi, l’an prochain, d’un réexamen complet du règlement applicable en la matière. »
Maya Foa, un membre de Reprieve qui a participé à ce changement, explique : « Nous allons travailler à la mise en place de clauses génériques plus strictes dans la réglementation européenne afin de nous protéger contre une possible complicité à la suite de changements dans les protocoles d’injection utilisés par les services pénitentiaires américains. »
Foa ajoute : « Plu s généralement, nous travaillons avec la communauté médicale et l’industrie pharmaceutique aux Etats-Unis et ailleurs pour essayer de mettre fin à l’utilisation de toute technologie médicale dans les procédures de la peine capitale. »
Du scandale aux restrictions commerciales
Les prisons des Etats rétentionnistes américains ont commencé à rechercher du sel de sodium de thiopental à l’étranger après une rupture de stock qui menaçait les exécutions. Une exécution a eu lieu en Arizona à l’aide de produits obtenus au Royaume-Uni.
L’attention soutenue portée à Hospira Inc., le seul fabricant de cette drogue aux Etats-Unis, a décidé l’entreprise à cesser sa production début 2011 en raison de son utilisation pour mettre fin à la vie au lieu de la sauver.
La société civile a ensuite fait pression sur les gouvernements et les fournisseurs européens pour stopper les exportations du produit. Le gouvernement britannique a rapidement restreint ses conditions d’exportations, suivi par l’Italie, l’Allemagne et d’autres pays européens.
Alors que les portes du marché européen du sel de sodium de thiopental se fermaient, les prisons américaines se sont tournées vers un autre produit, le pentobarbital.
L’industriel danois Lundbeck, qui exportait cette drogue vers les Etats-Unis, a fait l’objet d’une pression politique et économique immédiate. Mi-2011, l’entreprise a assuré les abolitionnistes que son produit ne serait pas utilisé dans les exécutions.