Les ministres de la justice réunis, le Colisée illuminé pour la vie
Abolition
La 7e édition de la Conférence internationale des ministres de la Justice, organisée à Rome le 17 novembre par l’organisation membre de la Coalition mondiale Communauté de Sant’Egidio, a émis un « Oui » franc au respect de la vie contre la peine de mort.
Des délégations de gouvernements et de parlements ont également participé à la réunion. Vingt pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe étaient représentés, ainsi que la Suisse et l’Union européenne qui finançaient la conférence. Des représentants du Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’Homme des Nations unies et du Connecticut, le dernier Etat américain à avoir aboli la peine de mort en avril dernier, ont aussi participé.
Depuis plusieurs années, ces conférences des ministres de la justice sont une occasion unique de développer des stratégies pour soutenir les processus abolitionnistes à l’œuvre ou en gestation dans les pays participants.
C’est ce qui s’est passé récemment au Burundi, au Gabon, au Bénin, au Togo, en Ouzbékistan, au Kirghizstan, au Kazakhstan et en Mongolie, où les discussions initiées chez Sant’Egidio ont donné une impulsion au mouvement vers l’abolition. La conférence est un véritable laboratoire d’idées et de projets que les gouvernements et les sociétés civiles rapportent de Rome pour les mettre en pratique dans leurs pays d’origine.
Discriminatoire et raciste
L’événement a aussi permis de faire le point sur les forces abolitionnistes dans le monde. L’ancien ministre de la Justice français Robert Badinter a rappelé que lorsqu’il a aboli la peine de mort en 1981, la France n’était que le 37e Etat à le faire, « alors qu’aujourd’hui plus de 150 Etats l’ont abolie ou suspendue ». Badinter a également rappelé le caractère souvent discriminatoire et raciste de la peine de mort. « Je n’ai jamais vu le fils d’un banquier ou un grand avocat finir dans le couloir de la mort », a-t-il déclaré.
Mario Marazziti, porte-parole de la Communauté de Sant’Egidio et vice-président de la Coalition mondiale, l’a confirmé en présentant une étude américaine montrant que sur 15 978 condamnations à mort prononcées avant 1989 dans l’histoire des Etats-Unis, seules 30 visaient des criminels blancs dont la victime était noire.
Concernant les erreurs judiciaires, l’universitaire et officier de police du Connecticut George Kai a déclaré : « Vous pouvez commettre des méprises terribles et lorsqu’un innocent est tué, l’erreur est irréparable. »
Bonnes nouvelles d’Afrique
La ministre zimbabwéenne Theresa Makone a annoncé que son pays n’avait exécuté personne depuis 32 ans et a souligné personnellement son opposition à une justice qui s’arroge le droit de tuer. Le délégué de République centrafricaine, Dominique Panguindji, milite pour la mise en place rapide d’une commission parlementaire qui soutiendrait une proposition de loi pour l’abolition de la peine de mort en droit.
Ce cheminement ressemble à celui sur lequel la Mongolie s’est engagé il y a deux ans pour abolir la peine de mort. Après l’accession du pays au Protocole des Nations unies sur l’abolition de la peine de mort, le parlement a présenté un texte qui devrait amender le Code pénal et supprimer la peine de mort. La députée du Parti démocratique Odontuya Saldan s’est engagée à accélérer le processus après son retour de Rome.
Le constitutionnaliste Valerio Onida a rappelé qu’il n’existe pas d’exception au droit à la vie. Une exception que Marat Kakhmanov a pourtant cru se voir appliquée lorsqu’il a été condamné à mort pour un crime qu’il n’avait pas commis en 2001 en Ouzbékistan. A Rome, il a raconté aux ministres de la Justice son expérience éprouvante dans les donjons de Samarkand, de sombres lieux de torture où la fin pouvait survenir à tout moment, sans que lui-même ou sa famille ne soit averti.
Illuminer les monuments pour sensibiliser
Deux jours après la conférence a eu lieu la célébration annuelle Villes pour la Vie, notamment au Colisée de Rome. A l’initiative de Sant’Egidio, 1 600 villes du monde ont dit officiellement « Non » à la peine de mort en illuminant leurs monuments les plus emblématiques et en organisant des événements publics.
Cette célébration annuelle vise à sensibiliser la société civile au niveau international et à soutenir le consensus croissant en faveur de l’abolition de la peine capitale. La campagne est organisée en mémoire du premier Etat à avoir abandonné l’échafaud en Europe – le Grand-Duché de Toscane, le 30 novembre 1786.
Au Colisée, des représentations musicales ont alterné avec des lectures d’œuvres de Dostoïevski et Hugo et des témoignages d’anciens condamnés à mort, parmi lesquels les Américains Fernando Bermudez et Shuja Graham. L’événement a vu la présence de militants infatigables comme Dave Atwood, qui se bat contre les exécutions au Texas depuis de nombreuses années, et Tamara Chikunova, une avocate russe qui a fait annuler plus de 90 condamnations à mort en Ouzbékistan avant que la peine de mort y soit abolie le 1er janvier 2008.
Certains ministres de la Justice ont participé à la cérémonie et renouvelé leur engagement à abolir la peine capitale dans leurs pays. L’illumination du Colisée a été dédiée cette année au Connecticut, 17e Etat américain à abolir la peine de mort.
Catégories
Opinion publique