En Indonésie, les exécutions s’accélèrent à l’approche des élections

Asie

Publié par Emile Carreau, le 10 décembre 2013

Rei Firdha Amalia, chargé du plaidoyer international et de la campagne contre la peine de mort à KontraS, répond aux questions de Worldcoalition.org.

Quelle est la réaction de KontraS aux quatre dernières exécutions en Indonésie ?

KontraS déplore et  condamne l’exécution de cinq accusés en 2013. Nous nous opposons systématiquement à la politique du gouvernement qui a enchaîné les exécutions cette année, après la levée d’un moratoire sur la peine capitale en place depuis 2008.
Après Ademi Wilson en février 2013, le gouvernement a exécuté trois autre condamnés en juin pour meurtre : Suryadi  Swabhuana, Jurit bin Abdullah et Ibrahim bin Ujang, tous des Indonésiens du Sud de Sumatra. Plus récemment, le 17 novembre, le gouvernement a exécuté le Pakistanais Muhammad Abdul Hafeez pour une affaire de drogue.
KontraS considère la peine de mort comme un châtiment cruel et inhumain. Elle viole le droit international des droits de l’Homme, notamment le droit à la vie.
L’application de la peine de mort en Indonésie est également contraire au développement d’une nation civilisée dans le monde moderne. L’abolition de la peine capitale par des moyens légaux et politiques rendrait l’Indonésie plus digne aux yeux de la communauté internationale.
Les exécutions sont en contradiction avec la politique consistant à protéger les Indonésiens de la peine de mort à l’étranger.
Le gouvernement est ainsi engagé dans une action pour tenter de sauver Wilfrida Soik, une travailleuse migrante condamnée à mort en Malaisie pour le meurtre de son employeur.
Le gouvernement veut montrer qu’il applique la loi. Mais ces exécutions sont hypocrites. Les condamnations à mort ont tendance à viser des ressortissants de pays en développement ou de pays qui ont peu de poids politique en Indonésie.
Les dernières exécutions montrent que le ministre de la Justice souhaite en ordonner d’autres. La seule manière de stopper la peine de mort en Indonésie est donc de l’abolir en droit.

Pourquoi les exécutions sont-elles secrètes ?

Du fait du débat qui entoure la peine de mort, nous pensons que le gouvernement garde certaines exécutions secrètes pour éviter de s’attirer les remarques de la société nationale et internationale.
Le gouvernement n’est pas prêt à faire face à des critiques et à des protestations contre ces exécutions, il veut les éviter. Le secret est le meilleur moyen de faire fonctionner le processus de la peine de mort sans accroc.

Pourquoi le pays a-t-il décidé de suspendre son moratoire de quatre ans sur les exécutions ? Cela est-il lié aux élections de 2014 ?

Il est important de noter que l’année 2008 précédait les élections. Ce n’est pas un hasard si les accusés dans plusieurs affaires importantes, en particulier les terroristes de Bali, ont été envoyé devant le peloton d’exécution en novembre 2008, peu avant le scrutin du 8 juillet 2009.
Le président actuel, Susilo Bambang Yudhoyono a alors été réélu. La prochaine élection présidentielle aura lieu en 2014.
La relation étroite entre exécutions et politique est due au soutien du public pour la peine de mort. La société continue à soutenir les exécutions et le parti au pouvoir espère des réactions positives du public pour se faire réélire l’année prochaine.

Par quelle action KontraS répond-elle à cette situation ?

KontraS soutient l’abolition de la peine de mort en s’engageant sur les cas de certains condamnés à mort. Nous sommes ainsi impliqués dans la défense de Ruben Pata Sambo, un prisonnier du couloir de la mort accusé à tort du meurtre d’une famille du Sulawesi du Sud au terme d’une erreur judiciaire.
En juin, KontraS a rencontré le ministre de la Justice, Basrief Arief, qui a accepté de reporter l’exécution de Ruben et de son fils en raison de nombreuses irrégularités dans le dossier.
KontraS fait aussi campagne pour détourner l’opinion publique indonésienne du soutien à la peine de mort. Par exemple, nous avons organisé des discussions avec les étudiants de l’université de Bandung le 9 octobre 2013 pour changer leur vision des choses à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort.
Il reste une opinion bien ancrée en Indonésie selon laquelle la peine de mort est un moyen efficace de dissuader de futurs crimes, malgré les preuves du contraire.

Photo: affichage dans le hall d’arrivée d’un aéroport indonésien.
Crédit: Comicbase

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