Une conférence nationale relance le mouvement abolitionniste libanais

MENA

Publié par Thomas Hubert, le 14 février 2014

L’Association libanaise pour les droits civils (LACR), membre de la Coalition mondiale, a organisé une conférence nationale contre la peine de mort au les 24 et 25 janvier à la Maison de l’avocat de Beyrouth. Plus de 250 personnes ont pris part à l’événement préparé en partenariat avec Ensemble contre la peine de mort (ECPM) et en coopération avec le barreau de la ville.
Raphaël Cheneuil-Hazan, directeur d’ECPM et vice-président de la Coalition mondiale, a souligné le passage du Liban dans la catégorie des pays abolitionnistes de fait quelques jours avant la conférence, puisque la dernière exécution le 20 janvier 2004 date désormais de plus de 10 ans. Il a exhorté les décideurs libanais à suivre la tendance mondiale vers l’abolition en menant dès cette année des actions concrètes.
Le ministre libanais de la Justice, Chakib Cortbawi, s’est engagé à ne jamais signer d’arrêt d’exécution, car « on ne tue pas une personne au nom d’une société », sinon « il n’y a plus de différence entre nous et l’assassin ».
Il a cependant souligné la difficulté à ouvrir un vrai débat sur l’abolition en raison de l’insécurité qui affecte la population. Des attentats liés aux tensions entre communautés religieuses dans la région visent en effet le Liban presque chaque semaine.
Le bâtonnier de Beyrouth, Georges Joureij, l’initiateur de la campagne nationale contre la peine de mort, Walid Salibi, et des diplomates européens ont également pris la parole.
L’ancien ministre de la justice Ibrahim Najjar, représentant de la Commission internationale contre la peine de mort, a quant à lui estimé que les parlementaires centristes favorables à l’abolition pourraient constituer une majorité. Il a cependant reconnu que la peine de mort « ne sera pas abolie de sitôt au Liban, pour des considérations politiques, religieuses et juridiques ».

Préserver le moratoire

A court terme, la priorité est donc au maintien du moratoire. « Personne n’a envie d’exécuter, c’est cela qu’il faut conserver », rapporte Anne Souléliac, chargée des droits de l’Homme à l’international au Barreau de Paris.
La Campagne nationale contre la peine de mort va également être relancée pour agir sur la société libanaise. Les 77 associations et partis politiques qui la composent ont adopté une nouvelle organisation et prévoient d’accueillir de nouveaux membres pour élargir leur plaidoyer.
Les avocats, très impliqués dans la conférence, figurent parmi les premiers Libanais à mobiliser contre la peine capitale. Anne Souléliac a co-animé un atelier de formation à leur intention basé sur le manuel des bonnes pratiques dans la défense des condamnés à mort, distribué aux participants sur des clés USB en français et en anglais en attendant la diffusion prochaine d’une version arabe.
« Nous avons présenté quelques points du manuel pertinents au Liban au cours d’un dialogue avec Hasna Abdul Reda, une jeune avocate libanaise qui les a illustrés d’exemple locaux », explique-t-elle. La discussion sur la défense des personnes vulnérables comme les ressortissants étrangers a soulevé le problème des traductions, pour lesquelles il n’existe pas de financement public au Liban. « Me Abdul Reda a parlé de l’aide qu’elle avait pu obtenir auprès de consulats comme ceux de l’Ethiopie ou du Bangladesh pour engager des interprètes auxquels elle a fait prêter serment localement », rapporte Souléliac. Les avocats ont également évoqué l’utilisation du dossier médical du prévenu pour plaider des circonstances atténuantes.
Un autre atelier pratique visait à former des éducateurs pour dispenser un enseignement sur l’abolition de la peine de mort dans les écoles. Un réseau éducatif et un réseau de juristes contre la peine de mort poursuivront les travaux amorcés lors de ces ateliers.
Des témoignages et des moments forts ont également émaillé la conférence. La LACR a ainsi mis en musique et chanté un poème écrit par un condamné à mort de la prison de Roumieh, accompagné des jeunes qui ont jeté dans la salle des cerfs-volants représentant les condamnés.
La conférence s’est achevée par un appel aux représentants politiques libanais afin qu’ils poursuivent les initiatives en cours contre la peine de mort dans le pays et agissent pour que les conventions internationales signées par le Liban soient intégrées dans l’ordre juridique national.
Les magistrats libanais ont également été invités à utiliser toute la marge d’appréciation que la loi leur confère afin de s’abstenir de prononcer des condamnations à mort.
La conférence, organisée tous les deux à trois ans, a été financée par l’Union Européenne et la Suède. Ses actes seront publiés en arabe et en français.

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