Prises de positions au plus haut niveau sur la peine de mort à l’ONU
Normes internationales
Dans un message vidéo diffusé lors d’un événement de haut niveau sur la peine de mort à la 25e session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Deuxième protocole facultatif au PIDCP visant à l’abolition de la peine de mort.
« Mon espoir sincère est de voir de nombreux instruments de ratification déposés à l’occasion du 25e anniversaire du Protocole lors de la cérémonie des traités à New York cette année », a-t-il déclaré à l’intention des participants à la rencontre du 5 mars 2014 à Genève. « Prendre la vie d’autrui est un acte trop irréversible pour qu’un être humain l’inflige à un autre. Faisons tous notre maximum pour mettre fin à cette pratique cruelle et inhumaine. »
Dans son introduction, la Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Navi Pillay a résumé les raisons qui justifient les efforts vers l’abolition universelle et appelé « le Conseil à envisager la commande d’une étude juridique complète pour faire émerger une norme tirée de la jurisprudence internationale qui interdise l’utilisation de la peine de mort dans toutes les circonstances. »
Regarder le débat ci-dessous (interventions dans la langue de chaque orateur)
« Ils s’étaient mortellement trompés »
Plusieurs orateurs ont partagé leur expérience des étapes suivies pour abolir la peine de mort dans leur pays. Le ministre de la Justice du Bénin, Valentin Djenontin-Agossou, a évoqué l’histoire de l’abolition dans son pays.
Khadija Roussi, coordinatrice du Réseau des parlementaires marocains contre la peine de mort, a encouragé les autres élus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à unir leurs forces. Kirk Bloodsworth, directeur du plaidoyer de Witness to Innocence, a présenté son point de vue de victime d’une erreur judiciaire : « Ils s’étaient mortellement trompés. Soyons honnêtes : je ne suis pas ici parce que le système a fonctionné, mais parce qu’une série de miracles a permis de m’innocenter. Cette bénédiction ne touche pas toutes les personnes condamnées à tort à la peine capitale. » Bloodsworth, qui est membre du Comité de pilotage de la Coalition mondiale, a ajouté : « Si un grand pays ne peut garantir qu’il ne tuera jamais un citoyen innocent, il ne devrait jamais tuer personne. Merci aux peuples du monde de ne jamais laisser cela se reproduire. »
Asma Jahangir, membre de la Commission internationale contre la peine de mort, a évoqué la situation en Asie. Elle a souligné les avancées en Mongolie et au Myanmar tout en regrettant l’utilisation toujours fréquente de la peine capitale dans la région.
Débat intense
Un débat intense a permis par la suite à de nombreux hauts représentants de donner leur opinion. La ministre des Affaires étrangères de Namibie a rappelé que son pays avait aboli la peine de mort dès 1990. Le ministre brésilien chargé des droits de l’Homme a évoqué la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur le moratoire.
La Coalition mondiale a fait une déclaration conjointe avec ses membres Harm Reduction International, Reprieve et Human Rights Watch sur le nombre « inacceptable » de condamnations à mort imposées pour des crimes liés aux drogues.
« Tous les bailleurs de fonds internationaux ont retiré les financements accordés au programme de répression du trafic de drogue en Iran. Des inquiétudes similaires émergent quant à l’initiative triangulaire, un programme-phare de l’ONU qui couvre l’Afghanistan, le Pakistan et l’Iran », a déclaré Aurélie Plaçais, directrice des programmes de la Coalition mondiale. « Nous appelons à la réorientation de ces fonds bienvenus vers d’autres efforts qui peuvent conduire dans les pays concernés à de vrais progrès contre la drogue– notamment la réduction de ses effets néfastes. »
Plusieurs autres membres de la Coalition mondiale ont pris la parole. Amnesty International et la FIDH ont salué les avancées vers l’abolition dans certains pays, notamment les États-Unis et Singapour, et ils ont encouragé les efforts de l’ONU en faveur d’un moratoire sur les exécutions. Cependant, ils ont souligné que cela n’était pas suffisant, comme le montre le cas du Nigeria où les exécutions ont repris.
Penal Reform International a dénoncé les conditions « cruelles, inhumaines ou dégradantes » de détention dans le couloir de la mort et appelé les gouvernements à respecter les normes internationales dans le traitement des personnes passibles de la peine de mort.
Les pays rétentionnistes en appellent à la souveraineté nationale
Les représentants de pays rétentionnistes se sont également exprimés. Le ministre de la Justice du Soudan a insisté sur l’argument de la dissuasion, tandis que le ministre des Affaires étrangères de Sierra Leone a déclaré qu’en dépit du désir de chaque nation pour l’abolition, sa réalisation dépend du contexte national. Le président de la Commission des droits de l’Homme d’Arabie saoudite a évoqué les droits des victimes, la sécurité de la société et le droit à la souveraineté.
Le représentant de Singapour a martelé que la peine de mort est une question de justice pénale et non droits de l’Homme. « L’ONU ne devrait pas s’ingérer dans des domaine qui relèvent des États », a-t-il déclaré. « La peine de mort est une question sur laquelle chaque État a le droit de prendre ses décisions. »
La peine de mort à l’agenda de l’ONU en 2014
Plusieurs événements parallèles à la session du Conseil des droits de l’Homme de mars sont programmés :
• 3 mars : événement parallèle sur la peine de mort organisé par la représentation permanente de l’Argentine ;
• 11 mars : événement parallèle sur les enfants de parents condamnés à mort ou exécutés – développements, bonnes pratiques et prochaines étapes ;
• 18 mars : événement sur l’Iran organisé par l’Association des droits de l’Homme au Kurdistan iranien – Genève (KMMK-G) avec le rapporteur spécial des Nations unies sur l’Iran Ahmed Shaheed, la lauréate du Prix Nobel de la Paix Shirin Ebadi, Rapahaël Chenuil-Hazan d’ECPM et Mahmood Moghadam-Amiry de Iran Human Rights.
Le 24 avril, le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme organise un débat à New York sur le thème peine de mort et discrimination.
En juin 2014, un événement parallèle au Conseil des droits de l’Homme marquera le 25e anniversaire du Protocole de l’ONU sur l’abolition de la peine de mort avec le Haut-commissariat aux droits de l’Homme, la Commission internationale contre la peine de mort et la Coalition mondiale.
En septembre 2014, la Cérémonie des traités de l’ONU mettra en avant le Protocole sur l’abolition de la peine de mort pendant la première semaine de l’Assemblée générale de l’ONU à New York.
En décembre 2014, l’Assemblée générale votera une nouvelle résolution appelant à un moratoire universel sur les exécutions.