Réforme du Code pénal à contre courant au Kazakhstan
Gouvernance
La Constitution de la République du Kazakhstan permet l’utilisation de la peine de mort pour deux catégories de crimes: le terrorisme ayant entrainé des victimes et les crimes particulièrement graves commis en temps de guerre .
Dix-huit infractions spécifiques du Code pénal kazakh prévoyaient jusqu’ici la possibilité d’une condamnation à mort. Une réforme de ce Code introduit trois nouveaux articles pour l’application de la peine capitale et en supprime deux autre, portant à 19 le nombre d’infractions passibles de la peine de mort.
Le parlement du Kazakhstan (photo ci-dessus) a adopté ce nouveau Code pénal le 11 juin 2014 .
20 ans de recul de la peine de mort
Le Code pénal de la République socialiste soviétique kazakhe de 1959 (en vigueur jusqu’en 1998) comprenait 25 crimes passibles de la peine de mort, y compris des crimes contre l’Etat, des meurtres avec préméditation et certains autres crimes particulièrement graves (principalement militaires). L’article 22 du Code définissait la peine de mort comme une peine exceptionnelle et sous réserve de sa future abolition.
Entre 1994 et 1997, le Kazakhstan a réduit de moitié le nombre d’infractions passibles de la peine de mort. Une évolution conforme à la tendance internationale et à la réforme judiciaire approuvée par le président en 1994, humanisant le droit pénal et créant les conditions préalables à une abolition progressive de la peine de mort.
Le Code pénal révisé interdisait de condamner à mort les femmes, les personnes de moins de 18 ans au moment des faits incriminés ainsi que les personnes âgées de 65 ans ou plus au moment de la détermination de la peine.
En outre, pour pouvoir prononcer la peine de mort, il fallait le consentement de tous les juges participant à l’affaire ainsi que l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date du prononcé de la peine de mort. Enfin, le nombre des peines de substitution pour certains crimes impliquant la peine de mort a été augmenté.
Moratoire officiel en 2003
La peine de mort a été appliquée pour la dernière fois au Kazakhstan le 12 mai 2003, avec l’exécution de 12 personnes.
Le président Noursoultan Nazarbaïev a officiellement introduit un moratoire sur les exécutions par décret en 2003. La prison à vie a est devenue une peine alternative à la peine de mort le 1er Janvier 2004.
Cette décision reflétait la volonté politique de l’État de ratifier tous les traités internationaux de protection des droits de l’Homme, y compris le Protocole des Nations unies sur l’abolition de la peine de mort.
La politique affichée des autorités depuis 2002 est celle d’une réduction progressive du champ d’application de la peine de mort. En 2007, le Kazakhstan a modifié sa constitution pour restreindre l’usage de la peine capitale aux crimes les plus graves.
La prochaine étape logique était donc celle d’une abolition de la peine de mort au Kazakhstan, à l’instar de deux autres pays d’Asie centrale, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan.
Sur le plan international, le pays a clairement affiché sa tendance abolitionniste en votant en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour un moratoire sur l’utilisation de la peine de mort en décembre 2012.
Situation incompréhensible
Ainsi, la situation que l’on observe aujourd’hui est assez incompréhensible.
Le 11 juin, la Chambre base « Majilis » du parlement Kazakh a approuvé le projet de code pénal du Sénat.
Trois nouveaux articles auxquels s’applique la peine de mort ont été introduits au chapitre 4 du Code pénal, intitulé Les crimes contre la paix et la sécurité : l’article 164 – l’utilisation des moyens et méthodes de guerre interdits, l’article 165 – la violation des lois ou coutumes de la guerre et l’article 253 – le terrorisme international .
L’article 164 prévoit la peine de mort pour l’utilisation d’armes de destruction massive. L’article 165 prévoit la peine capitale en cas de meurtre de personnes ayant déposé les armes ou sans recours, de blessés, de malades et de naufragés, du personnel médical, du personnel sanitaire et religieux, des prisonniers de guerre, des civils dans les territoires occupés ou dans la zone d’opérations militaires et d’autres personnes bénéficiant une protection internationale pendant les hostilités.
Enfin, l’article 253 prévoit la peine de mort pour les atteintes à la vie humaine commises dans le but de porter atteinte à la sécurité publique, d’intimider la population, d’influencer la prise de décisions par les pouvoirs publics de la République du Kazakhstan, par un État étranger ou par une organisation internationale, de provoquer une guerre ou de compliquer les relations internationales.
De plus, cet article prévoit la peine de mort pour l’atteinte à la vie d’un homme d’État ou d’une personnalité publique afin de mettre fin à son activité politique, aussi bien que pour les prises d’otages, la saisie des bâtiments, des moyens de communication, des navires ou d’autre transports en commun.
Abus et excès de pouvoir exemptés de peine de mort
Dans le même temps, la peine de mort est abolie pour deux articles susceptibles de s’appliquer en temps de guerre aux autorités : l’article 380 (l’article 448 dans le nouveau Code pénal) – abus de pouvoir et l’article 380-1 (l’article 449 dans le nouveau Code pénal) – excès de pouvoir.
L’objectif affiché par le Kazakhstan est celui de la mise en conformité de son droit national avec ses obligations internationales notamment avec les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels.
Mais comment analyser cette apparente mise en conformité ?
D’un côté, trois articles allongent la liste des crimes passibles de la peine de mort à contre-courant de la tendance du Kazakhstan de réduire depuis plus de 10 ans l’application de la peine capitale. De l’autre, on a l’abolition de la peine de mort pour des crimes qui pourraient concerner les autorités dirigeantes comme une volonté inavouée de se protéger du châtiment suprême.
Cette réforme est particulièrement préoccupante alors que la situation des droits de l’homme n’a pas cessé de se détériorer au Kazakhstan depuis plus de deux ans.