Déclaration commune sur la peine de mort et les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+
Déclaration
20 ème Journée Mondiale contre la Peine de Mort
Pour ce 20-ème anniversaire de la Journée Mondiale contre la Peine de Mort dédiée à la réflexion sur le lien entre la torture et le recours à la peine de mort et en continuation de la Journée Mondiale contre la peine de mort de 2021 sur la réalité invisible des femmes qui risquent la peine capitale, qui ont été condamnées à mort, qui ont été exécutées ainsi qu’à celles qui ont été graciées ou reconnues non-coupables, les membres de la Coalition Mondiale et allié·es des femmes et personnes LGBTQIA+ condamnées à mort se saisissent cette occasion pour :
- Attirer l’attention sur les biais de genre dans l’utilisation de la torture dans la procédure judiciaire menant à l’imposition de la peine de mort. Les femmes et personnes LGBTQIA+ sont particulièrement exposées aux abus et mauvais traitements, notamment la torture physique, sexuelle et psychologique. En outre, les femmes victimes de violences fondées sur le genre, sur-représentées dans le couloir de la mort, sont exposées au risque de faire de faux aveux lorsqu’elles sont soumises à des méthodes d’investigation coercitives, notamment quand exercées par des hommes.
- Souligner que la violence contre les femmes et personnes LGBTQIA+ en détention – y compris les abus et le harcèlement sexiste et sexuel, les attouchements inappropriés lors des fouilles, le viol et la coercition sexuelle – peut atteindre le niveau de la torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de la Convention contre la torture (CAT), entre autres.
- Insister sur les besoins spécifiques des femmes et personnes LGBTQIA+ en prison, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive, de soins médicaux et de santé mentale, de protection contre la violence sexiste et sexuelle et de services de réduction des risques pour celles et ceux qui consomment des drogues, entre autres. Ces besoins ne sont pas systématiquement pris en compte dans les prisons, ce qui peut faire de la détention une torture.
- Souligner que dans de nombreux pays, notamment ceux où la peine de mort est obligatoire, les femmes et les personnes LGBTQIA+ sont condamnées à mort sans que soient pris en compte leurs facteurs de vulnérabilité avant incarcération, comme celle de la violence fondée sur le genre, entre autres.
De manière plus générale, les membres de la Coalition Mondiale et allié·es des femmes et personnes LGBTQIA+ condamnées à mort souhaitent profiter de ce vingtième anniversaire pour :
- Souligner que, comme l’a fait le Rapporteur Spécial sur les Exécutions Extrajudiciaires, Sommaires ou Arbitraires dans son rapport de 2022, la peine de mort telle qu’elle est actuellement pratiquée peut être considérée comme de la torture.
- Attirer l’attention sur les discriminations et inégalités intersectionnelles auxquelles sont confrontées les femmes et les personnes LGBTQIA+, car elles peuvent impacter de manière négative le processus judiciaire menant à la peine de mort. Des biais de genre omniprésents dans les systèmes juridiques pénaux influencent l’enquête par des préjugés sexistes de la part des forces de l’ordre, le procès, où les femmes marginalisées et les personnes LGBTQIA+ n’ont parfois pas accès à un procès équitable, et au stade de la condamnation, où les circonstances atténuantes dont pourraient bénéficier les femmes et les personnes LGBTQIA+ condamnées à mort ne sont pas prises en compte.
- Rappelons que, en violation du droit et des normes internationales en matière de droits humains, 12 pays continuent de criminaliser les relations de même sexe consenties, imposant la peine de mort.
- Insister sur la dimension intersectionnelle des discriminations. Une analyse du profil des femmes condamnées à mort révèle que la plupart d’entre elles appartiennent à des minorités ethniques et raciales, ne sont pas alphabétisées et vivent avec des handicaps intellectuels ou psychologiques, souvent dus aux violences sexistes et sexuelles qu’elles ont subies. La discrimination fondée sur le genre ne fonctionne pas de manière isolée mais est aggravée par d’autres formes de discrimination, notamment la discrimination fondée sur l’âge, la race, l’ethnicité, la nationalité, l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, les caractéristiques sexuelles, le statut économique et le handicap, entre autres.
- Mettre en lumière l’absence de données chiffrées précisés et actualisées sur le nombre et la situation des femmes et personnes LGBTQIA+ condamnées à mort, exécutées ou dont la peine de mort a été commuées ou graciées.
Nous recommandons aux gouvernements des pays qui n’ont pas encore aboli la peine de mort :
- Abolir la peine de mort pour toutes les infractions, indépendamment du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité et de l’expression sexuelles, et des caractéristiques sexuelles ;
- Instaurer un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort, comme le demande l’Assemblée générale des Nations unies dans ses résolutions pour un moratoire universel sur l’application de la peine de mort ;
- En attendant l’abolition complète de la peine de mort, nous appelons les gouvernements à :
- Eliminer la peine de mort pour les infractions qui n’atteignent pas le seuil des « crimes les plus graves » au regard du droit et des normes internationales, y compris pour les relations de même sexe et les infractions liées à la drogue ;
- Abroger les dispositions qui permettent l’imposition obligatoire de la peine de mort, ce qui ne permet pas aux juges de tenir compte des circonstances de l’infraction pour les défenseur·seuse·s lors de la détermination de la peine ;
- Commuer les peines des femmes condamnées à mort pour avoir tué des membres de leur famille proche ayant commis des violences sexistes et sexuelles à leur encontre, ainsi que celles des femmes condamnées à mort pour trafic de drogue et autres délits n’impliquant pas la perte d’une vie humaine ;
- Reconnaître les formes aggravées de violences et de discriminations subies par les filles, les femmes et personnes LGBTQIA+ – y compris les violences fondées sur le genre comme le mariage forcé ;
- Réviser les lois, les procédures pénales et les pratiques judiciaires et mettre en œuvre des politiques et des réformes législatives pour protéger les femmes et personnes LGBTQIA+ contre la violence et la discrimination ;
- Veiller à ce que le système juridique pénal tienne pleinement compte de toutes les circonstances atténuantes liées au passé des femmes et des personnes LGBTQIA+, notamment les preuves d’abus antérieurs ainsi que les handicaps psychosociaux et intellectuels ;
- Garantir la disponibilité publique de données désagrégées sur les personnes condamnées à mort, leur profil, leur âge, leur genre, les tribunaux qui ont prononcé les jugements, les chefs d’accusation et les lieux de détention ;
- Prévenir la détention et les poursuites disproportionnées des femmes pour des crimes « moraux et sexuels » et des personnes pour leur orientation sexuelle et décriminaliser ce type d’infractions ;
- Promouvoir la formation sur les discriminations et violences fondées sur le genre, les circonstances menant au crime et les mesures d’atténuation sensibles au genre de toutes les personnes qui participent aux enquêtes, à la représentation et aux poursuites des crimes impliquant des femmes ;
- Veiller à ce que toutes les personnes passibles de la peine de mort aient accès à une représentation juridique gratuite et efficace par un·e avocat·e expérimenté·e dans la représentation de personnes accusées de crimes capitaux et formé·e pour reconnaître et mettre en avant les circonstances atténuantes, y compris celles liées à la discrimination et à la violence fondée sur le genre ;
- Élaborer et mettre en œuvre des programmes de prévention de la violence et des discriminations fondées sur le genre, et promouvoir les droits fondamentaux des femmes, des filles et des personnes LGBTQIA+ ;
- Garantir l’accès à l’assistance consulaire pour les femmes étrangères accusées de délits passibles de mort, comme l’exige la Convention de Vienne sur les relations consulaires ;
- Conformément aux Règles de Bangkok et aux Règles Mandela, adopter des politiques sensibles au genre en ce qui concerne la détention des femmes, en garantissant leur sûreté et sécurité avant le procès, pendant leur admission en prison et pendant leur incarcération.
- Eliminer la peine de mort pour les infractions qui n’atteignent pas le seuil des « crimes les plus graves » au regard du droit et des normes internationales, y compris pour les relations de même sexe et les infractions liées à la drogue ;
Liste des organisations signataires:
1. ACAT Germany
2. AdvocAid
3. The Advocates for Human Rights
4. American Constitution Society
5. Anti-Death Penalty Asia Network (ADPAN)
6. Association pour les Droits Humains au Kurdistan d’Iran-Genève (KMMK-G)
7. Avocats sans frontières France
8. Capital Punishment Justice Project
9. Center for Constitutional Rights
10. Coalition Tunisienne Contre la Peine de mort
11. Colegio de Abogados y Abogadas de Puerto Rico
12. Cornell Center on the Death Penalty Worldwide
13. The Death Penalty Project
14. Droit et Paix
15. Ensemble Contre la Peine de Mort
16. Federal Association of Vietnamese Refugees in the Federal Republic of Germany
17. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
18. Fédération internationale des ACAT (FIACAT)
19. Forum Marocain pour la Vérité et la Justice
20. Gender Violence Clinic – University of Maryland Carey School of Law
21. German Coalition to Abolish the Death Penalt
22. Global Alliance Against Traffic in Women
23. Greater Caribbean for Life
24. Harm Reduction International
25. Human Rights Activists in Iran
26. Human Rights and Legal Profession Project Assistant
27. International Commission of Jurist
28. Institute for Criminal Justice Reform
29. Institute for the Rule of Law of the International Association of Lawyers
30. IraQueer
31. Italian Federation for Human Rights
32. Japan Innocence and Death Penalty Information Center
33. Kenya Human Rights Commission
34. Lawyers Collective India
35. Lembaga Bantuan Hukum Masyarakat
36. Ligue des droits de l’Homme (LDH)
37. Madrid Bar Association
38. MASUM & PACTI
39. Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
40. Pax Christi Uvira
41. Penal Reform International
42. Persatuan Sahabat Wanita Selangor
43. Red para la Abolición de la Pena de Muerte y las Penas Crueles
44. Resilient Women’s Organization
45. Planète Réfugiés-Droits de l’Homme
46. The Rights Practice
47. Sandigan Kuwait
48. The Sentencing Project
49. Society for Human Rights and Development Organisation (SHRDO)
50. Taiwan Alliance to End the Death Penalty (TAEDP)
51. Terre des Femmes e.V.
52. The Texas After Violence Project
53. Union Chrétienne pour le Progrès et la Défense des Droits de l’Homme
54. The William Gomes Podcast
55. Witness to Innocence
56. Women Beyond Walls
57. The Women and Harm Reduction International
58. World Coalition Against the Death Penalty