Abolition de la peine de mort au Conseil des droits humains des Nations Unies 56ème session
Normes internationales
Le Conseil des droits humains de l’ONU s’est réuni pour sa 56th session ordinaire du 18 juin au 12 juillet 2024. Si vous l’avez manqué, voici ce qui s’est passé concernant l’abolition de la peine de mort !
Au cours des débats
Lors de la mise à jour globale du Haut Commissaire aux droits humains, Volker Türk a appelé le gouvernement iranien à établir un « moratoire immédiat sur la peine de mort, compte tenu de l’augmentation des exécutions signalée depuis le début de l’année ». L’Union européenne a fait plusieurs déclarations, notant l’augmentation alarmante des exécutions en Iran et condamnant les exécutions en Arabie saoudite. Elle a dénoncé la disposition prévoyant la peine de mort dans la loi anti-homosexualité en Ouganda, qui est contraire au droit international des droits humains et aux obligations de l’Ouganda en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, a regretté la levée du moratoire sur la peine de mort en République démocratique du Congo et a vivement invité les autorités à le réintroduire. Voir ici et ici.
Lors de la présentation du rapport du Secrétaire général sur la situation des droits humains en République islamique d’Iran le 20 juin, Nada Al- Nashif, Haut-Commissaire adjoint des Nations unies aux droits de l’homme, a souligné que malgré une baisse mondiale des condamnations à mort d’enfants depuis 2014, l’Iran avait exécuté au moins deux enfants délinquants en 2023. Elle a exhorté le « gouvernement à introduire un moratoire immédiat sur la peine de mort comme première étape vers son abolition et à interdire l’exécution de tous les délinquants qui étaient âgés de moins de 18 ans au moment du crime présumé ». Elle a également noté l’application de la peine de mort contre des artistes qui étaient visés pour avoir exercé leur liberté d’opinion et d’expression lors de manifestations, au titre du délit de « corruption sur terre », passible de la peine capitale. Regardez ici.
Déclarations orales de la société civile sur la peine de mort
À l’occasion de cette 56e session, plusieurs membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort ont présenté des déclarations orales sur la peine de mort.
Lors de l’adoption du résultat de l’Examen Périodique Universel du Nigéria, l’organisation Advocates for Human Rights, Avocats sans frontières France et la Coalition mondiale ont fait une déclaration orale commune, dénonçant qu’en 2023, les tribunaux nigérians ont condamné 246 personnes à mort et qu’à la fin de l’année, au moins 3413 personnes se trouvaient dans le couloir de la mort. Ils ont exprimé leur déception quant au fait que le Nigeria a pris note des 35 recommandations reçues sur la peine de mort sans aucune explication, y compris des recommandations appelant à un moratoire sur les exécutions, alors que le Nigeria dispose d’un moratoire de facto depuis 2016. Ils ont dénoncé le fait que le Nigeria ait même pris note de recommandations appelant à réduire le nombre d’infractions passibles de la peine de mort, étant donné que la législation nigériane applique la peine de mort pour des crimes qui n’atteignent pas le seuil des crimes les plus graves, tels que le blasphème, les relations entre personnes de même sexe et les infractions liées à la drogue. Ils ont exhorté les autorités nigérianes à entamer un dialogue avec la société civile sur l’abolition et à veiller à ce que les 61 femmes condamnées à mort soient détenues dans des conditions qui respectent les règles de Bangkok. Enfin, ils ont exhorté le Nigeria à abolir la peine de mort obligatoire pour les meurtres et à prendre en considération les circonstances atténuantes lors de la condamnation des femmes. Voir le reportage ici.
Lors de l’adoption du résultat de l’examen périodique universel de la Jordanie, l’organisation Advocates for Human Rights et la Coalition mondiale ont fait une déclaration commune exprimant leur déception quant au fait que la Jordanie n’a ni aboli la peine de mort, ni poursuivi son moratoire sur les exécutions, ni respecté le seuil des « crimes les plus graves » pour les délits passibles de la peine de mort. Ils ont également dénoncé les appels lancés par des responsables jordaniens en faveur du maintien de la peine de mort comme moyen de dissuasion. Ils ont dénoncé l’exécution d’un Jordanien en 2021, alors que l’État affirme n’avoir exécuté personne depuis 2017. Ils ont souligné que la Jordanie a pris note de toutes les recommandations sur la peine de mort sans explication et ont exhorté la Jordanie à mettre en œuvre un moratoire sur les exécutions. Amnesty International est également intervenue et s’est déclarée « consternée par le rejet par la Jordanie des recommandations visant à abolir la peine de mort. » Voir les déclarations ici.
Lors de l’adoption du document final de l’examen périodique universel de la Malaisie, Amnesty International a fait une déclaration et s’est félicitée de l’abolition par le gouvernement de la peine de mort obligatoire en 2023. L’organisation regrette toutefois que le gouvernement n’ait pas accepté les recommandations visant à prendre des mesures en vue d’une abolition totale et l’exhorte à abolir la peine de mort pour tous les crimes et à prolonger le moratoire officiel. Regarder ici.
Lors de l’adoption du résultat de l’examen périodique universel du Belize, l’organisation Advocates for Human Rights a salué le maintien d’un moratoire sur les exécutions au Belize depuis 1985 et la suppression de la peine de mort obligatoire de son code pénal. Ils regrettent que le Belize ait pris note de 16 recommandations appelant à un moratoire formel et à des mesures en vue de l’abolition de la peine de mort, d’autant plus qu’il n’y a actuellement personne dans le couloir de la mort au Belize. Voir la déclaration ici.
Lors de l’adoption du résultat de l’examen périodique universel de la Chine, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) a fait une déclaration exprimant sa déception quant à la décision du gouvernement de prendre note de toutes les recommandations concernant la peine de mort. Voir la déclaration ici.
Lors de l’adoption du résultat de l’examen périodique universel de l’Arabie saoudite, l’Organisation européenne saoudienne pour les droits humains et l’organisation Advocates for Human Rights ont prononcé une déclaration commune soulignant qu’il existe des différences flagrantes entre les affirmations de la délégation et la réalité. Ils ont dénoncé le fait que l’Arabie saoudite a exécuté 86 personnes depuis le début de l’année 2024, notamment pour des délits liés à la drogue et à l’opposition politique, malgré la promesse de limiter le recours à la peine de mort aux crimes les plus graves. Ils ont noté que le nombre de personnes dans le couloir de la mort reste inconnu en raison du manque de transparence et de l’absence d’autorisation de la société civile dans le pays. Ils ont souligné qu’au moins deux femmes avaient été exécutées en 2024 malgré l’absence de registre des femmes dans le couloir de la mort, et qu’au moins neuf personnes mineures sont actuellement condamnées à mort malgré l’affirmation de l’Arabie saoudite d’avoir supprimé la peine de mort pour les mineurs, conformément à ses obligations internationales. Amnesty International est intervenue pour signaler que des personnes continuent d’être condamnées à des peines de prison de plusieurs dizaines d’années, voire à la mort, pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, et elle a recueilli des informations sur des cas d’enfants délinquants condamnés à mort, ainsi que sur des exécutions pour des crimes liés à la drogue, alors que l’Arabie saoudite affirme que la peine de mort est réservée aux crimes les plus graves. Ils ont exhorté les autorités à déclarer un moratoire officiel sur toutes les exécutions en vue d’abolir la peine de mort. Voir les déclarations ici.
Au cours du dialogue interactif sur le rapport oral du rapporteur spécial sur le Myanmar, IBAHRI a fait une déclaration notant que les prisonniers politiques au Myanmar sont passibles de la peine de mort, qu’au moins 124 prisonniers post-coup d’État sont toujours dans le couloir de la mort, et a exhorté la communauté internationale à faire pression sur le Myanmar pour qu’il établisse un moratoire immédiat sur les exécutions. Voir la vidéo ici.
Résolutions adoptées
Le Conseil des droits humains a adopté 22 résolutions et 17 décisions.
Événements parallèles
Un événement parallèle a été organisé par des membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort.
Un événement parallèle a été organisé le 24 juin par la Commission internationale contre la peine de mort et la Mission permanente de la Belgique, et coparrainé par la Coalition mondiale et plusieurs États membres. Il s’agissait d’une table ronde destinée à commémorer le 35e anniversaire du deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. L’événement visait à partager les bonnes pratiques, les exemples concrets d’utilisation potentielle du deuxième protocole facultatif et les voies à suivre pour l’abolition de la peine de mort. Plusieurs intervenants de haut niveau ont pris la parole, dont la commissaire Gloria Macapagal Arroyo, ancienne présidente des Philippines, qui a donné des exemples concrets de l’utilisation de l’OP2-ICCPR pour empêcher la réintroduction de la peine de mort aux Philippines. Le directeur de cabinet Bernard Kouassi, du ministère de la justice et des droits de l’homme de Côte d’Ivoire, a parlé de la récente ratification de l’OP2-CIPR et de ses ramifications pour une abolition durable.
La 57e session ordinaire du Conseil des droits humains est prévue à Genève du 9 septembre au 11 octobre 2024.