Singapour: Arrêtez le harcèlement et l’intimidation de Transformative Justice Collective

Déclaration

Publié par la Coalition Mondiale Contre la Peine de Mort, le 17 janvier 2025

Nous, les 11 organisations soussignées, condamnons avec la plus grande fermeté les dernières restrictions imposées par le gouvernement de Singapour aux militants et militantes du Transformative Justice Collectif (TJC), un groupe de la société civile qui s’oppose activement à la peine de mort et défend les droits humains dans le pays.

Ces ordonnances constituent une restriction injustifiée du droit à la liberté d’expression, créent un climat de peur et ont pour effet d’étouffer les débats sur les préoccupations en matière de droits humains liées à l’application de la peine de mort à Singapour. Le gouvernement doit immédiatement mettre un terme à la campagne répréhensible de harcèlement et d’intimidation contre les défenseurs et défenseuses des droits humains du TJC, retirer les injonctions et garantir la protection du droit à la liberté d’expression pour toutes et tous.

Les ordonnances de la loi sur la protection contre les mensonges et la manipulation en ligne (POFMA)

Le 20 décembre 2024, le ministère du Développement numérique et de l’Information de Singapour a émis une ordonnance déclarant le site Web et les comptes de réseaux sociaux de TJC comme des « lieux en ligne déclarés » (DOL(s)) en vertu de l’article 32 de la loi de 2019 sur la protection contre les mensonges et la manipulation en ligne (POFMA). L’ordonnance exige que TJC affiche un avis sur toutes ses plateformes en ligne alertant les internautes que la plateforme « a communiqué de multiples fausses informations et que les internautes devraient faire preuve de prudence lorsqu’elles ou ils y accèdent pour obtenir des informations ». Elle interdit également à TJC de recevoir tout avantage financier ou matériel lié à l’exploitation des plateformes en ligne et aux personnes et entreprises de fournir un soutien financier aux plateformes en ligne de TJC « si elles savent ou ont des raisons de croire que, ce faisant, elles encourageront la communication de fausses informations à Singapour sur ces plateformes »1. Ces restrictions seront en vigueur jusqu’au 20 décembre 2026.

L’ordonnance du 20 décembre est la dernière d’une série d’ordonnances émises en vertu de la POFMA à l’encontre de TJC au cours des dernières semaines. Sur les 27 ordonnances publiées par le ministère de l’Intérieur de Singapour en vertu de la POFMA depuis le 1er juillet 2024, sept visaient directement des militants et militantes du TJC ou le TJC lui-même, toutes relatives à des messages contre la peine de mort. Une autre ordonnance émise le 9 octobre visait le Réseau asiatique contre la peine de mort (ADPAN), un réseau régional de la société civile dont TJC est membre. Une autre ordonnance a été émise à l’encontre de la publication en ligne The Online Citizen le 16 décembre, en raison des déclarations que le média avait faites pour critiquer les ordonnances de la POFMA à l’encontre du TJC. En outre, les autorités ont émis sept instructions de correction ciblées à l’encontre de sociétés de médias sociaux, dont LinkedIn, META, Tik Tok et X, afin de leur demander de publier des messages correctifs concernant des déclarations faites sur l’application de la peine de mort à Singapour.

Intimidation persistante et climat de peur à l’encontre des critiques de la peine de mort

Nous sommes gravement préoccupé·e·s par la persistance de l’intimidation et du climat de peur que les autorités singapouriennes ont instauré autour de l’activisme contre la peine de mort et d’autres préoccupations en matière de droits humains par le biais d’ordonnances de la POFMA. Émises par le ministre de l’Intérieur, le ministre du Développement numérique et de l’Information et le bureau de la POFMA, les ordonnances de la POFMA visant les personnes qui critiquent le recours à la peine de mort à Singapour ont pour effet général de restreindre le droit à la liberté d’expression et le militantisme en faveur des droits humains  dans le pays et d’empêcher la tenue de débats pleinement éclairés sur l’application de la peine de mort et d’autres questions d’intérêt public.

La dernière ordonnance, en particulier, aura un impact significatif sur les opérations du TJC car elle menace la capacité de l’organisation à opérer librement et à mener à bien son travail sur les droits humains en toute sécurité dans le pays. L’ordonnance du 20 décembre désignant le site web et les comptes de médias sociaux du TJC comme « lieux déclarés en ligne » a une période opérationnelle de deux ans et a pour effet de limiter encore davantage l’examen de la pratique de la peine de mort et des préoccupations en matière de droits humains à Singapour.

L’analyse de l’application de la peine de mort à Singapour est déjà limitée en raison du manque de transparence qui l’entoure et d’autres restrictions concernant la diffusion d’informations et les rassemblements publics à Singapour. Les défenseurs et défenseuses des droits humains devraient être libres de discuter et de défendre de nouvelles idées et de nouveaux principes en matière de droits humains sans crainte de représailles. Nous demandons que le harcèlement des activistes cesse immédiatement.

Restrictions disproportionnées du droit à la liberté d’expression

Les autorités doivent agir conformément au droit et aux normes internationales en matière de droits humains, notamment en défendant le droit à la liberté d’expression des personnes qui critiquent les politiques gouvernementales. Les restrictions au droit à la liberté d’expression doivent être clairement et étroitement définies par la loi et se conformer aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité à un objectif légitime2. Les ordonnances de la POFMA sont disproportionnées par rapport à toute menace éventuelle perçue et donnent au gouvernement des pouvoirs illimités pour étouffer les critiques, en violation du droit à la liberté d’expression. Ces ordonnances ont visé des activites des droits humains et d’autres critiques du gouvernement, y compris des membres du TJC. Ces ordonnances ont créé un climat de peur généralisé autour de toute tentative de débat ou de critique d’un aspect quelconque de l’application de la peine de mort à Singapour ou d’autres domaines de la politique gouvernementale.

Nous demandons au gouvernement de Singapour de cesser d’utiliser les ordonnances de la POFMA pour étouffer toute critique des autorités, de révoquer les ordonnances déjà émises à l’encontre des défenseurs et défenseuses des droits humains, des organisations de la société civile et des plateformes en ligne, et de prendre les mesures nécessaires pour abolir la POFMA et les autres lois qui restreignent indûment le droit à la liberté d’expression.

Cette déclaration est cosignée par :

Amnesty International

Australiens contre la peine capitale

Capital Punishment Justice Project (Projet pour la justice en matière de peine capitale)

CIVICUS : Alliance mondiale pour la participation citoyenne

Coalition mondiale contre la peine de mort

ECPM – Ensemble contre la peine de mort

Fédération internationale des droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains .

Fonds commémoratif Julian Wagner

Harm Reduction International

Human Rights Watch

Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains.

  1. Ministère du développement numérique et de l’information de Singapour, Operators of Transformative Justice Collective’s online platforms prohibited from receiving financial benefit due to history of communicating multiple falsehoods, 20 décembre 2024,
    ↩︎
  2. Comité des droits humains des Nations Unies (CDH), Observation générale n° 34, 12 septembre 2011, Doc. ONU CCPR/C/GC/34, paragraphe 22.
    ↩︎

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