
La peine de mort au prisme des politiques de drogues : perspectives abolitionnistes à la conférence de Harm Reduction International
Plaidoyer
Du 27 au 30 avril 2025, la conférence de Harm Reduction International (HRI) a rassemblé à Bogotá plusieurs centaines d’activistes, de chercheur·euses et de défenseur·euses des droits humains engagé·es en faveur de politiques en matière de drogues fondées sur la santé, les droits et la justice. Parmi les nombreuses discussions, certaines — portées par des organisations membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort (Coalition mondiale) — ont mis en lumière les violations des droits humains liées à l’application de la peine de mort pour les infractions liées aux drogues.
Envisager l’abolition de la peine de mort comme cheval de Troie de réformes des politiques punitives
Giada Girelli, de HRI, a présenté des données préoccupantes sur l’application de la peine de mort pour des délits liés aux drogues. Selon l’aperçu mondial de HRI, en 2024, plus de 615 exécutions ont été recensées pour des infractions à la législation sur les drogues, représentant 42 % de l’ensemble des exécutions dans le monde. Près de 2 350 personnes dans les couloirs de la mort dans 19 pays pour ce type de crimes. Cette réalité alarmante impose, selon HRI, une stratégie abolitionniste spécifique aux politiques de drogues, au-delà d’un plaidoyer général contre la peine de mort.
Giada a souligné que la peine capitale pour infractions liées aux drogues sert souvent à légitimer un cadre narratif plus large de guerre contre les drogues, justifiant des formes accrues de répression. À l’instar de Singapour, où les autorités affirment que les exécutions protègeraient la société et les familles, ce discours participe à ancrer des approches punitives profondément violentes. Pour HRI, la peine de mort constitue un point d’entrée stratégique permettant de dénoncer l’ensemble des dérives d’un système répressif global.
Reconnaitre la réalité des femmes condamnées à mort pour trafic de drogue
Méline Szwarcberg, responsable du projet « femmes et genre » de la Coalition mondiale est intervenue lors du panel « Justice pour les femmes qui consomment des drogues : perspectives mondiales en matière de défense des droits et de politiques » pour illustrer, à travers l’application de la peine de mort, comment les femmes sont impactées par les politiques punitives liées aux drogues.
Elle a également souligné l’importance de renforcer les liens entre le mouvement abolitionniste, de lutte pour la réforme des politiques en matière de drogues, et les défenseur·euses des droits des femmes et personnes LGBTQ+, en particulier celles et ceux en contact avec la loi. Méline a expliqué que construire des passerelles entre ces espaces peut permettre d’ouvrir de nouveaux terrains de mobilisation : parler des discriminations de genre peut offrir une entrée pour aborder l’abolition de la peine de mort peine de mort ou la réforme des politiques punitives avec des acteur·ices habituellement réticent·es. De même, évoquer la peine capitale peut être un moyen de mettre en lumière l’urgence de réformes en matière de politiques des drogues. Ces croisements créent des opportunités concrètes de transformation sociale et politique.
Pour une stratégie abolitionniste inclusive et décoloniale et multisectorielle
Les échanges à la conférence de HRI ont renforcé une conviction partagée par de nombreuses organisations : les politiques de drogues ne peuvent être réformées sans remettre en cause les fondements racistes, capitalistes et patriarcaux des régimes punitifs actuels. La peine de mort, loin d’être une exception, constitue l’expression la plus extrême de ces logiques. Sa dénonciation ouvre une voie pour penser des réformes structurelles, inclusives, et véritablement transformatrices.