Journée mondiale sur les drogues : L’ONUDC doit agir pour mettre fin à l’application de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue et exhorter les États à mettre fin aux exécutions.

Déclaration

Publié par Amnesty International, Harm Reduction International, Iran Human Rights, Transformative Justice Collective, le 27 juin 2023

Le 26 juin, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) célèbre la Journée mondiale sur les drogues avec le thème « Les gens avant tout : Mettons fin à la stigmatisation et à la discrimination, renforçons la prévention » et lance une nouvelle édition du Rapport mondial sur les drogues. Malheureusement, comme c’est le cas depuis des années, l’ONUDC n’a pas soulevé la question du recours persistant à la peine de mort pour les infractions liées à la drogue, malgré la forte augmentation, l’année dernière, du nombre d’exécutions connues pour ce type d’infractions.

Bien que les infractions liées à la drogue n’atteignent pas le seuil des « crimes les plus graves » – à savoir ceux d’une extrême gravité impliquant un homicide volontaire – auxquels l’application de la peine de mort doit être limitée en vertu du droit international,  des centaines d’exécutions continuent d’avoir lieu chaque année pour ces crimes.

Les rapports annuels d’Amnesty International et de Harm Reduction International montrent que la situation s’est fortement détériorée en 2022, le nombre de personnes exécutées pour des infractions liées à la drogue ayant augmenté de plus de 100 % en 2022 par rapport à l’année précédente. Comme l’indique Amnesty International, les exécutions pour des infractions liées à la drogue représentent plus d’un tiers de toutes les exécutions recensées dans le monde. Des exécutions pour des infractions liées à la drogue ont été confirmées en Iran, en Arabie saoudite, à Singapour et en Chine – et probablement aussi au Viêt Nam, où le secret d’État est de rigueur.

En 2022, l’Iran a augmenté le nombre d’exécutions de personnes condamnées pour des infractions liées à la drogue de 93 % par rapport à 2021. Nos organisations ont recensé plus de 250 exécutions en Iran pour des infractions liées à la drogue, ce qui représente plus de 40 % de toutes les exécutions connues dans ce pays au cours de l’année. En Arabie saoudite, les organisations de la société civile ont recensé 57 exécutions pour des infractions liées à la drogue après la fin d’un moratoire sur les exécutions pour des infractions liées à la drogue qui, selon la Commission saoudienne des droits humains, avait été mis en place en 2020. À Singapour, où les exécutions ont repris en 2022, les 11 exécutions recensées l’ont été pour des infractions liées à la drogue. Amnesty International et Harm Reduction International ont également confirmé des exécutions pour des infractions liées à la drogue en Chine, mais ne disposaient pas d’informations suffisantes pour fournir un chiffre minimum crédible.

Les personnes marginalisées, notamment en raison de leur statut socio-économique, de leur appartenance ethnique, de leur handicap psychosocial ou intellectuel et de leur nationalité, continuent d’être touchées de manière disproportionnée par l’application de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue. Par exemple, Harm Reduction International a rapporté que 40 % des personnes exécutées pour des délits liés à la drogue en Iran s’identifiaient comme des Baloutches, un groupe ethnique qui représente environ 2 % de la population totale.

En outre, nos organisations ont montré que le recours à la peine de mort pour des infractions liées à la drogue dans plusieurs pays fait souvent suite à des procédures qui violent les garanties établies par le droit international relatif aux droits humains et les normes visant à assurer la protection des droits des personnes risquant d’être exécutées. Par exemple, Singapour a exécuté en avril 2023 un homme accusé d’avoir conspiré en vue de faire du trafic de cannabis, en dépit de problèmes liés à l’équité du procès, notamment l’absence de preuve de possession de drogue lors de son arrestation, le manque d’accès à un ou une avocate et à un ou une interprète pendant l’interrogatoire et l’absence d’avocat·e lors de sa dernière tentative de réouverture du dossier à la fin de 2022.

Malgré les efforts inlassables des organisations de la société civile pour lutter contre la peine de mort pour les infractions liées à la drogue, les mécanismes internationaux chargés de concevoir et de contrôler les politiques en matière de drogue sont restés silencieux. Malgré la forte augmentation du nombre d’exécutions et les cas affligeants dans lesquels la peine de mort a été appliquée l’année dernière, l’ONUDC et d’autres mécanismes internationaux de contrôle des drogues n’ont pas condamné publiquement ces violations flagrantes du droit international. Le rapport mondial sur les drogues, publié aujourd’hui par l’ONUDC, omet une fois de plus de mentionner l’application de la peine de mort pour les délits liés à la drogue.

L’abolition de la peine de mort exige des efforts concentrés et combinés de la part de toutes les agences et de tous les mécanismes des Nations unies, comme le prévoient les normes et les lignes directrices internationales telles que la « position commune des Nations unies sur les drogues ». Pourtant, nos organisations restent préoccupées par le fait que l’engagement actif de l’ONUDC et d’autres organismes internationaux de contrôle des drogues en faveur de l’abolition de la peine de mort est au point mort, malgré les éléments suivants malgré les preuves que leur engagement direct a été efficace dans le passé pour réduire cette peine illégale.

L’ONUDC joue un rôle primordial en veillant à ce que les politiques en matière de drogue dans le monde respectent les obligations des États en vertu du droit international. Comme l’a montré l’année 2022, le silence de l’ONUDC et d’autres mécanismes de contrôle des drogues concernant l’application de la peine de mort pour des délits liés à la drogue peut être instrumentalisé par la poignée de pays qui continuent d’appliquer ce châtiment cruel au mépris du droit international. 

Par conséquent, nous appelons l’ONUDC et toutes les autres agences de l’ONU ainsi que la communauté internationale à prendre des mesures concrètes et urgentes contre les violations continues des droits humains au nom de la lutte contre la drogue qu’entraîne l’application de la peine de mort pour les délits liés à la drogue. Il est essentiel que ces organismes ne se contentent pas de rejeter l’application de la peine de mort, mais qu’ils agissent en conséquence en s’engageant publiquement et en privé avec les États membres qui appliquent encore ce châtiment cruel et en veillant à ce que tout soutien ou autre forme de coopération et d’assistance technique ne conduise pas à l’application de la peine de mort. 

L’ONUDC doit commencer à jouer son rôle pour veiller à ce que les politiques en matière de drogues dans le monde soient conformes au droit international des droits humains, notamment en œuvrant à l’abrogation des lois sur les drogues qui prévoient encore la peine de mort. L’abrogation de ces lois est un élément essentiel de la marche vers l’abolition totale de la peine de mort.

Co-signataires :

  1. Amnesty International
  2. Harm Reduction International
  3. Iran Human Rights
  4. Transformative Justice Collective

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