La responsabilité internationale des Etats

Normes internationales

Publié par Pierre Désert, le 25 juin 2008

S’agissant de la responsabilité des Etats, il faut distinguer deux cas : le cas du droit international général, qui vaut pour tous les traits internationaux, et le cas particulier du droit des droits de l’Homme, qui, en raison de sa nature, nécessite un traitement différent.

La responsabilité des Etats en droit international général

En droit international général, les Etats sont les seuls sujets des traités. La responsabilité internationale ne peut être invoquée que par un Etat (ou un groupe d’Etats) contre un autre Etat (ou groupe d’Etats), les particuliers n’ont donc aucun rôle à jouer sur ce plan.
La mise en jeu de la responsabilité d’un Etat suppose l’existence d’un acte qui peut lui être attribué, et qui a été commis en violation d’une obligation internationale de l’Etat.

L’attribution de l’acte à l’Etat

En principe, le comportement de tous les êtres humains, sociétés commerciales ou collectivités liés à l’État par la nationalité, le lieu de résidence habituelle ou le lieu de constitution peut être attribué à l’État, qu’ils soient ou non liés aux pouvoirs publics.
En droit international, cependant, ce principe est écarté, à la fois pour limiter la responsabilité à un comportement qui engage l’État en tant qu’organisation et pour tenir compte de l’autonomie des personnes qui agissent pour leur propre compte et non à l’instigation d’une entité publique. La règle générale est donc que le seul comportement attribué à l’État sur le plan international est celui de ses organes de gouvernements ou d’autres entités qui ont agi sous la direction, à l’instigation ou sous le contrôle de ces organes, c’est-à-dire en qualité d’agents de l’État.
A titre d’exemple, sont considérés comme des agents de l’Etat les représentants du gouvernement (chefs d’Etats, ministres, diplomates), ou des collectivités locales, ainsi que les membres des Parlements nationaux, les membres des forces armées et de police, ou de toute personne investie de l’autorité publique, même de façon temporaire, quand ils agissent dans le cadre de leurs fonctions officielles. En dehors de ces fonctions, seule leur responsabilité personnelle pourra être engagée.

La violation d’une obligation internationale de l’Etat

La violation d’une obligation internationale suppose que l’Etat ait méconnu une règle coutumière ou un engagement auquel il a souscrit en devenant partie à un traité.
Cette violation peut prendre plusieurs formes : il peut s’agir d’un acte positif (par exemple, le recours à la force hors des cas énumérés par la Charte de l’ONU, à savoir la légitime défense et le cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression ; occupation illégale d’un territoire étranger, etc.), ou d’une abstention (par exemple, un Etat doit veiller sur son territoire à ce qu’aucun groupement ne prépare ou ne mène des actions hostiles à un autre Etat, et s’il ne le fait pas, sa responsabilité serait susceptible d’être engagée).

Modalités de la mise en jeu de la responsabilité des Etats

L’Etat victime doit notifier sa plainte à l’Etat auteur du manquement. Le différend doit être réglé de façon pacifique (le recours à la force étant strictement encadré par la Charte des Nations Unies) et plusieurs possibilités sont ouvertes : la voie diplomatique, qui est d’abord privilégiée, et si celle-ci échoue, les Etats peuvent utiliser la voie contentieuse (ou juridictionnelle), en portant leur différend devant une commission d’arbitrage ou devant une juridiction internationale (comme la Cour internationale de Justice, l’organe judiciaire de l’ONU, exclusivement compétent pour des différends interétatiques). C’est à cette occasion que seront déterminées les modalités et les montants des réparations.

Conséquences de l’engagement de la responsabilité de l’Etat

L’engagement de la responsabilité internationale fait naître deux obligations principales pour l’Etat qui s’est rendu coupable d’une violation de ses obligations.
D’une part, il est tenu de faire cesser l’acte illicite si celui-ci est continu dans le temps (par exemple, l’occupation illégale d’un territoire étranger), et doit, le cas échéant, garantir par tous les moyens appropriés à l’Etat victime et à la communauté internationale que la violation ne se répètera pas.
D’autre part, il devra rétablir la situation matérielle existante avant cet acte illicite. Si cela n’est pas possible (importantes pertes humaines, destruction de monuments historiques…), l’Etat auteur de l’acte devra verser une compensation financière à auteur du préjudice subi.
La responsabilité internationale est donc strictement interétatique et suit une procédure particulière.

Le droit international des droits de l’Homme

Le droit international des droits de l’Homme est une branche particulière du droit international, en ce que les sujets de cette branche ne sont pas les Etats, mais les individus. En cela, les traités sur les droits de l’Homme bénéficient d’un effet direct, c’est-à-dire que les individus peuvent directement invoquer ces textes devant les juridictions nationales. Le juge national sera donc le premier juge de ces traités.

La création d’organes de contrôle par les traités sur les Droits de l’Homme de l’ONU

Toutes les grandes conventions universelles sur les droits de l’Homme adoptées par les Nations Unies, à savoir la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR, 1965), les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques (PIDCP, 1966) et aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, 1966), la Convention sur l’élimination de toute discrimination à l’égard des femmes (CEDF, 1979), la Convention contre la torture (CAT, 1984), la Convention des droits de l’enfant (CDE, 1989), et la Convention sur les droits des travailleurs migrants (CDTM, 1990), ont créé un organe (appelé en général « Comité ») composé d’experts indépendants, qui est chargé de contrôler le respect et l’application effective du traité, par voie de rapports périodiques soumis par les Etats parties, mais ces obligations sont souvent trop peu respectées.
Dans certains cas, et c’est notamment le cas des deux Pactes de 1966, le Comité peut avoir une compétence dite « para juridictionnelle » : les individus pourront formuler une plainte contre un Etat pour violation d’un des droits protégés. Cependant, il faut que la requête réponde à certaines conditions de recevabilité, et surtout que l’Etat ait accepté la compétence de l’organe de contrôle à son endroit. Ceci ne va pas toujours de soi, car certains Etats estiment qu’accepter la juridiction d’un organe international est une atteinte trop importante à leur souveraineté : bon nombre d’Etats refusent qu’un organe international vienne contrôler leur conduite.

La procédure devant les organes de contrôle

L’individu qui se dit victime de la violation d’un traité peut déposer une plainte devant le comité approprié après avoir vu son action rejetée devant les tribunaux de son Etat (par exemple, s’il se plaint d’une violation de son droit à la liberté d’expression, protégé à l’article 19 du PIDCP, il pourra déposer plainte devant le Comité des Droits de l’Homme, organe créé par le Pacte).
Le Comité, s’il estime la demande recevable et qu’il y a eu une violation du droit, pourra ensuite faire des recommandations à l’Etat sur la façon de réparer le préjudice subi par le plaignant, et l’Etat a trois mois pour communiquer les mesures qu’il a prises pour remédier à la violation. Si la requête est irrecevable ou si le Comité ne conclut à aucune violation du traité, la procédure s’arrête là.
Les recommandations ne sont pas une condamnation à proprement parler, les Comités ne pouvant pas prendre de sanctions à l’égard des Etats, car ces derniers ont considéré que l’infliction de sanction était, là encore, une atteinte à leur souveraineté.

Le cas particulier des systèmes régionaux

Au niveau régional, les choses se font parfois de façon différente. L’exemple le plus parlant est celui du système de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) : la convention a mis en place une Cour, qui est une véritable juridiction. La Cour européenne des Droits de l’Homme peut recevoir des plaintes d’individus qui estiment avoir été victimes d’une violation de leurs droits garantis par un Etat partie, et sa compétence est obligatoire : dès qu’un Etat ratifie la CEDH, il est automatiquement soumis au contrôle de la Cour. Si la Cour relève qu’il y a effectivement une violation de la Convention, il peut condamner l’Etat auteur de la violation à la réparer par tous les moyens, par une modification de la législation, et si besoin par une compensation en argent.
L’exécution des décisions fait l’objet d’un suivi par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui est l’organe exécutif de l’organisation, et qui est composé par les ministres des Affaires Etrangères des Etats membres.

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