La Californie rejette l’abolition de justesse

Abolition

Publié par Thomas Hubert, le 8 novembre 2012

Lors de l’un des innombrables scrutins locaux organisés en même temps que l’élection présidentielle américaine du 6 novembre, les citoyens californiens ont voté à une courte majorité contre une proposition visant à abolir la peine de mort et à la remplacer par la perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, associée à des budgets accrus pour la lutte contre le crime.
Les membres de la campagne SAFE California, qui soutenait la Proposition 34, se déclarent déçus par le résultat mais satisfaits du changement radical observé dans le débat californien sur la peine de mort alors que 53 % des électeurs ont voté contre le texte et 47 % pour.
La différence entre le Oui et le Non est d’environ 500 000 votes sur un total de plus de 10 millions de suffrages exprimés.
« La campagne Yes on 34 – SAFE California n’a pas gagné l’élection, mais elle est parvenue à éduquer des millions de Californiens et des millions d’autres personnes dans le reste du pays et du monde sur les réalités de la peine de mort », affirme Elizabeth Zitrin, l’une des organisatrices de la campagne, également vice-présidente de la Coalition mondiale. « Cette dernière présente le risque d’exécuter des innocents, c’est une supercherie cruelle pour les familles de victimes, elle n’a pas d’effet dissuasif et elle gaspille des milliards de dollars dont nous avons besoin pour de véritables politiques de sécurité publique », ajoute-t-elle.

« Un mouvement remarquable de l’opinion publique »

Jeanne Woodford, représentante de la campagne SAFE California et ancienne gardien-chef de la prison d’Etat de San Quentin où elle a supervisé quatre exécutions, qualifie le résultat du vote de « mouvement remarquable de l’opinion publique » dans un communiqué le 7 novembre. « En 1978, 71 % de l’électorat avait soutenu l’initiative Briggs pour la peine de mort et maintenant, après avoir été informés sur les faits, les électeurs sont divisés à parts presque égales », ajoute-t-elle.
Richard Dieter, le directeur du centre de recherche indépendant Death Penalty Information Center, confirme que le vote est « une indication claire qu’un nombre croissant d’électeurs ont changé d’avis sur la peine de mort ». Il poursuit : « Un système si coûteux et inefficace n’a plus le soutien d’une large majorité du public. »
Une enquête officielle a conclu que l’Etat a dépensé 4 milliards de dollars pour le fonctionnement du couloir de la mort et les procès des condamnés à la peine capitale depuis le retour de la peine de mort en 1978, alors que seulement 13 exécutions ont eu lieu.
La Proposition 34 visait à utiliser cet argent pour renforcer les enquêtes de police et le dédommagement des victimes dans les affaires de crimes violents.

La peine de mort « réparable » ?

Cependant, les adversaires de l’abolition en Californie qualifient ces chiffres de « trompeurs » et ont utilisé des témoignages de victimes de crimes et de leurs familles pour obtenir le soutien du public. « Au nom des familles de victimes de crimes où qu’elles soient, nous remercions les électeurs de Californie d’avoir rejeté la Proposition 34 et de s’être levés pour ceux qui n’ont plus de voix », a déclaré McGregor Scott, ancien avocat général des Etats-Unis et co-président de la campagne No on Prop 34, dans un communiqué diffusé le 7 novembre.
Bien que sa campagne ait reconnu les dysfonctionnements du système actuel, Scott a ajouté que « les problèmes de retards et de dépenses dans le système de la peine de mort californien sont totalement réparables ».

Risque d’exécutions

Avec le rejet de la Proposition 34 et la présence de 726 condamnés dans le couloir de la mort californien, l’Etat risque de procéder bientôt à sa première exécution en près de sept ans. Selon le journal Mercury News de la Silicon Valley, « au moins 13 condamnés à mort ont épuisé tous leurs recours légaux, ce qui laisse entrevoir une vague d’exécutions sans précédent en Californie ».
Les abolitionnistes californiens ne baissent pas les bras pour autant. « Nous avons constitué une puissante coalition de professionnels du maintien de l’ordre, de familles de victimes, d’anciens condamnés innocentés, de religieux, de contribuables, de défenseurs des droits de l’Homme, de leaders locaux et bien d’autres », constate Zitrin. « Nous continuerons à travailler ensemble pour une justice qui fonctionne pour tous. »

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