L’aide anti-drogue à l’Iran doit être suspendue

MENA

Publié par Thomas Hubert, le 27 novembre 2012

La Coalition mondiale contre la peine de mort appelle les Etats donateurs et les agences des Nations unies à « geler les programmes en cours de financement et d’assistance technique pour la lutte contre la drogue en Iran jusqu’à ce qu’un moratoire sur les exécutions pour trafic de drogue y soit mis en place ».
Dans un communiqué, les membres de la Coalition mondiale déclarent : « Nous sommes choqués que, malgré l’ampleur des preuves disponibles, les bailleurs de fonds continuent à faciliter de graves violations des droits de l’Homme au nom du contrôle des drogues. »

« Confessions » sous la torture

L’Iran dispose de loi anti-drogues connues pour leur sévérité et viole systématiquement les droits des personnes accusées de les enfreindre.
Les suspects sont interrogés en l’absence de tout avocat et certains donnent des « confessions » sous la torture. Ces aveux sont utilisés contre eux lors de leur procès, au cours duquel ils sont condamnés à mort sans assistance juridique, ni possibilité de contester les preuves présentées contre eux, ni voie de recours.
Sur 676 exécutions en Iran l’année dernière, plus de 80 % concernaient des affaires de drogue, selon un récent rapport de Harm Reduction International (HRI), membre de la Coalition mondiale.
Plus récemment, le 22 octobre 2012, 10 personnes ont été pendues dans une prison de Téhéran après avoir été condamnées pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Cette exécution faisait suite à l’appel de trois mécanismes de défense des droits de l’Homme des Nations unies à suspendre les exécutions dans le pays.
Deux jours plus tard, le rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Christof Heyns, publiait son propre rapport et appelait les Etats et les organisations internationales, notamment l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC), à s’assurer que leur soutien technique ou financier ne facilite pas la violation du droit international.
« Si l’élaboration de principes directeurs constitue une mesure dans la bonne direction, la pratique réelle n’a pas suffisamment évolué et reste une source de préoccupation. Ainsi, l’ONUDC et certains États sont très actifs en République islamique d’Iran, où 1 400 personnes, condamnées pour la plupart pour des infractions liées à la drogue, auraient été exécutées depuis le début de 2010, » écrit M. Heyns.

Millions de dollars

HRI a recensé des millions de dollars d’assistance à l’Iran pour la lutte contre la drogue, souvent par l’intermédiaire des Nations unies, en provenance de pays comme la France, le Japon, le Royaume-Uni et l’Irlande.
Dans un rapport publié en juin, HRI cite l’exemple d’un programme de 4 millions de dollars de l’ONUDC, financé par l’Autriche et la Commission Européenne entre 2004 et 2008, pour le contrôle des drogues à la frontière entre Iran et Afghanistan.
« Pendant la durée du programme, seize enfants Afghans ont été arrêtés par les autorités iraniennes, convaincus de trafic de drogue par la frontière Afghanistan-Iran et condamné à mort par pendaison en Iran », écrit HRI. « Bien qu’il n’y ait pas nécessairement de lien direct entre la formation des policiers et les exécutions, cet exemple illustre l’environnement des droits de l’Homme dans lequel ces projets sont menés sans dispositifs de contrôle adéquats. »
Malgré l’augmentation du nombre d’exécutions en Iran et de sérieuses inquiétudes sur l’équité des procédures judiciaires, ces financements et l’assistance de l’ONU se poursuivent. L’ONUDC est récemment intervenu dans les médias internationaux pour défendre les actes des autorités iraniennes et minimiser ses propres liens avec les violations des droits de l’Homme.

Immoral et illégal

Les autorités iraniennes maintiennent que les exécutions de trafiquants de drogue ont un effet dissuasif, mais il n’en existe aucune preuve.
La Coalition mondiale insiste auprès des bailleurs de fonds pour qu’ils s’assurent, par des procédures de contrôle rigoureuses, que leurs financements anti-drogues ne facilitent pas des abus qu’ils considèrent eux-mêmes comme immoraux et qui violent leurs obligations en droit international.
« Considérant les graves inquiétudes relatives aux droits de l’Homme qui continuent à accompagner la lutte contre la drogue en Iran, y compris le manque de procès équitables, l’application de peines de morts automatiques et le taux élevé d’exécutions pour infraction à la loi sur les stupéfiants, le temps est venu pour les bailleurs de fonds et pour l’ONUDC de geler ces soutiens », déclare la Coalition mondiale.

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