Le Suriname et Haïti en pointe pour l’abolition dans les Caraïbes
Caraïbes
Les dernières nouvelles du Suriname, où une proposition de loi d’abolition vient d’être présentée au parlement, ont gonflé le moral des abolitionnistes régionaux qui participaient à l’assemblée générale de la Coalition mondiale dans l’île caribéenne de Porto Rico.
« Le Suriname abolira bientôt la peine de mort dans son Code pénal », a déclaré Ruth Wijdenbosch, vice-présidente de l’Assemblée nationale du pays. Le texte est actuellement en commission et ses promoteurs espèrent le faire passer avant la Journée mondiale contre la peine de mort du 10 octobre.
« Je suis dans l’opposition et je suis ici avec le chef de la majorité parlementaire. Nous sommes convaincus que la loi sera adoptée », a dit Wijdenbosch, soulignant le soutien bipartisan pour l’abolition.
Quelques jours après une visite en Haïti mi-juin, Raphaël Chenuil-Hazan de l’association française Ensemble contre la peine de mort a par ailleurs signalé que les autorités du pays lui avaient assuré que Port-au-Prince, qui a déjà aboli la peine de mort en droit national, allait rapidement ratifier le Protocole de l’ONU sur l’abolition.
Regardez ci-dessous les déclarations des abolitionnistes de la région :
Des actes aussi décisifs de la part du Suriname et d’Haïti renforceraient le mouvement abolitionniste qui grandit dans la région, en complément à l’activisme de Porto Rico contre la peine de mort. Cette dernière peut être imposée sur son sol par les cours fédérales américaines malgré son abolition en droit local, car l’île est un territoire associé aux États-Unis.
Pedro Pierluisi, le commissaire résident de Porto Rico à Washington, a déclaré devant l’AG de la Coalition mondiale que son propre frère avait été victime d’un meurtre et qu’il avait été confronté à la possibilité de voir le coupable condamné à mort. Cette expérience a renforcé son opposition à la peine capitale car « aucun être humain ne doit mettre fin à la vie d’un autre à moins de n’avoir aucun autre choix », a-t-il déclaré.
En tant que commissaire résident, Pierluisi représente Porto Rico au Congrès des États-Unis et il se bat pour que les États et territoires américains aient une plus grande latitude pour défendre leurs intérêts dans les affaires fédérales de peine de mort. Cela permet à Porto Rico de s’opposer plus directement à la peine capitale lorsque ses ressortissants sont poursuivis au niveau fédéral.
Les avocats portoricains ont récemment adopté une nouvelle tactique pour freiner ces poursuites qui risquent de déboucher sur une condamnation à mort : « Nous avons écrit au ministre de la justice de Porto Rico pour lui signifier qu’à chaque fois que les enquêteurs dans l’une de ces affaires demandent l’assistance de la police de Porto Rico, cela constitue une utilisation illégale de l’argent public », a expliqué Ana Irma Rivera-Lassén, bâtonnière du barreau de Porto Rico.
Ces actions ont reçu le soutien de Miguel Pereira, l’ancien chef de la police de Porto Rico devenu sénateur. Il a déclaré qu’il avait soutenu la peine de mort dans le passé, avant d’être confronté au cas d’un jeune homme qui encourait la peine capitale et de réaliser qu’il était un être humain entouré d’une famille et de changer d’avis.
« La peine de mort nous cause du tort à nous les citoyens du pays où elle est utilisée. Elle veut dire : nous ne savons pas quoi faire de toi, donc nous allons te tuer. Nous devons éviter d’arriver à cette conclusion », a déclaré Pereira.
Le réseau caribéen diffuse le message abolitionniste dans la région
Toutes ces prises de position par des dirigeants caribéens représentent une influence bienvenue dans les îles anglophones voisines, où la peine de mort reste en vigueur et où plusieurs gouvernements ont tenté de relancer les exécutions ces dernières années. Il y a actuellement 108 personnes dans les couloirs de la mort de huit pays caribéens.
L’avocat Parvais Jabbar du Death Penalty Project a salué la jurisprudence récente qui résiste à ces tentatives, notamment au moyen de recours devant le Privy Council de Londres qui sert de cour de dernière instance à de nombreuses juridictions des Caraïbes.
« Dans l’affaire Pratt et Morgan en Jamaïque, le Privy Council a estimé qu’une exécution après une longue attente constituaient un châtiment cruel et inhabituel », a expliqué Jabbar. Il a ajouté que d’autres décisions avaient imposé plus de transparence dans les procédures de grâce, qui se déroulaient jusque là souvent en secret.
« Mais l’événement le plus important est l’introduction de principes pour le prononcé des peines », a estimé Jabbar. « Les peines de mort obligatoires ou automatiques ont été abolies dans dix pays caribéens et les juges ont désormais la discrétion de prononcer une peine moins sévère. » La Barbade est le dernier pays à avoir engagé une réforme pour abolir la peine de mort automatique.
Cependant, Jabbar a noté que les juges des Caraïbes ne peuvent pas rendre la peine capitale totalement illégale. « Les cours et tribunaux ont atteint leurs limites », a-t-il déclaré. « Abolir la peine de mort est un problème politique. »
C’est pour y parvenir que les abolitionnistes de la région renforcent la coordination de leur travail et leur soutien mutuel au sein du Réseau caribéen pour la vie. Sa présidente Leela Ramdeen a annoncé lors de l’AG de la Coalition mondiale la signature d’un accord avec l’Université interaméricaine de Porto Rico pour préparer des rapports alternatifs sur la peine de mort dans les Caraïbes à remettre aux organismes internationaux de protection des droits de l’Homme. L’un des axes de travail des abolitionnistes de la région est l’absence de dissuasion dans l’utilisation de la peine capitale. « À Trinté-et-Tobago, le nombre de meurtres a été multiplié par cinq en dix ans. Le taux de meurtres élevé est un obstacle majeur sur le chemin du Réseau caribéen pour la vie : les politiciens continuent à utiliser la peine de mort comme homme de paille dans la lutte contre le crime », a déclaré Ramdeen.
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