Avec un total de 969 exécutions, 2015 s’avère l’année la plus meurtrière en Iran depuis 1990

Publié par Marion Gauer, le 4 avril 2016

Commentaires généraux sur la peine de mort en Iran en 2015

Selon ce rapport, la tendance la plus notable en 2015 est la hausse spectaculaire du nombre d’exécutions, s’élevant à 969, soit 29% de plus qu’en 2014. Depuis le premier rapport annuel produit par l’IHR en 2008, le nombre d’exécutions a augmenté de 300% environ. Avec 969 en une année, 2015 devient donc l’année ayant vu le nombre le plus élevé d’exécutions depuis 1990.

Malgré l’espoir d’une amélioration de la situation des droits de l’homme sous la présidence de Hassan Rouhani, force est de constater qu’au moins 2162 ont été exécutées depuis son élection en juin 2013. Une comparaison effectuée entre les deux années et demi avant son élection et le même laps de temps après son élection montre une hausse de 43% du nombre des exécutions sur cette période de cinq ans.

Mise au point sur l’application de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue

Le rapport insiste sur le fait que le nombre de peine capitales prononcées et appliquées en Iran est parmi l’un des plus élevés dans le monde. De nombreuses inculpations (telles que la possession ou la vente de drogues illicites) ne sont pas considérées comme faisant partie des « crimes les plus graves », comme cela est pourtant requis par les principes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En effet, alors que l’ONU avait mis l’accent sur l’importance de prendre en considération les droits de l’homme dans le combat international contre le trafic de drogue, l’Iran a procédé à l’exécution de plus de 638 personnes pour des infractions liées à la drogue, ce qui aussi de 2015 l’année la plus meurtrière depuis 1990 pour les exécutions liées à la drogue dans ce pays.

Pourtant, dans une volonté de lutter différemment contre le trafic de drogue, 70 membres du Parlement iranien ont apparemment signé, en décembre 2015, une proposition pour une modification de la législation qui mettrait fin à la peine de mort pour les infractions liées à la drogue. Cette proposition de loi requiert des condamnations à vie plutôt qu’à la mort pour les auteurs de délits liés à la drogue n’étant pas impliqués dans le trafic de drogue armé. Il est probable que ce changement dans la rhétorique, dont on espère qu’il s’accompagnera d’un changement effectif en termes de législation, soit le résultat de la pression international exercée sur les autorités iraniennes, sur l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) et sur les pays européens coopérant avec l’UNODC dans la lutte contre le trafic de drogue en Iran.

Tendances inquiétantes relatives aux exécutions publiques, aux femmes et aux mineurs

Bien que les critiques internationales et les débats au sein du pays aient été plutôt virulents sur cette question, les autorités iraniennes continuent de mettre en œuvre les exécutions publiques : 57 exécutions ont ainsi été conduites en public en 2015.
De plus, en violation de ses obligations internationales, l’Iran demeure l’un des rares pays qui condamne à mort des mineurs et exécute plus d’auteurs de crime mineurs que dans tout autre pays du monde. Au moins trois mineurs ont été exécutés en 2015.
Enfin, selon des rapports rassemblés par l’IHR, au moins 19 femmes ont été exécutées en 2015 en Iran.

Quelques tendances néanmoins encourageantes relatives à l’avenir de la peine de mort en Iran

Cependant, des signes prometteurs au sein de l’Iran sont également soulignés dans ce rapport. Ainsi, le mouvement contre la peine de mort semble engranger de plus en plus de soutiens. Un nombre croissant de familles de victimes de meurtre privilégient, par exemple, le pardon à la peine de mort. En 2015, le nombre de familles de victimes de meurtre ayant choisi le pardon était supérieur à celui de des familles ayant requis une peine de mort comme rétribution pour leur proche perdu.

A l’occasion du lancement de ce rapport annuel, IHR et ECPM ont appelé les partenaires européens de l’Iran à faire encore davantage d’efforts pour aider à réduire la peine de mort en Iran. En effet, Mahmood Amiry-Moghaddam, le directeur d’IHR, a dit que « l’Europe et les compagnies européennes ne peuvent pas rester silencieuses face au nombre record d’exécutions en Iran. Promouvoir des relations commerciales avec les autorités iraniennes doit être conditionné à une restriction notable de l’usage de la peine de mort. Le nombre croissant d’organisations issues de la société civile en Iran, ainsi que le besoin d’investissements étrangers pour l’Iran, constituent une opportunité précieuse pour l’Europe de contribuer à limiter l’usage de la peine de mort et à améliorer les droits de l’homme en Iran ». Raphaël Chenuil-Hazan, le directeur d’ECPM, a ajouté « Nous appelons l’Iran à imposer un moratoire sur la peine de mort pour les infractions liées à la drogue, alors même que ce pays envisage l’adoption d’une nouvelle législation anti-drogue. Nous appelons aussi les autorités iraniennes à accorder une considération spéciale aux groupes les plus vulnérables au sein de la société iranienne, tels que les citoyens afghans ».
Ces organisations ont également appelé l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime à cesser sa coopération à la loi contre le trafic de drogue et à conditionner son soutien à la mise en place d’un moratoire sur la peine de mort pour les infractions liées à la drogue.

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