Malgré des revers récents, la tendance reste à l’abolition de la peine de mort dans le monde
Normes internationales
Raphaël Chenuil-Hazan, Vice-Président de la Coalition mondiale et Directeur d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM), et William Schabas, professeur de droit international à l’université Middlesex de Londres et spécialiste de la peine de mort, ont animé la réunion, présidée par la Baronne Vivien Stern.
Des représentants du Ministère des Affaires étrangères britannique, des parlementaires ainsi que des chercheurs, dont Sir Roger Hood, spécialiste reconnu de la peine de mort, et des ONG (dont de nombreux membres et partenaires de la Coalition mondiale, tels Penal Reform International, Harm Reduction International et the Death Penalty Project) étaient présents.
Une situation internationale encourageante malgré des revers récents
Les intervenants sont revenus sur les pays présentant actuellement un défi quant à l’abolition de la peine de mort, en se concentrant sur les Etats-Unis, les Philippines et la Turquie. Ces deux derniers pays présentent un profil similaire : ils ont aboli la peine de mort et envisagent désormais de la rétablir. Pour Raphaël Chenuil-Hazan, il est nécessaire d’être vigilant, le rétablissement de la peine de mort dans l’un de ces pays pouvant établir un précédent international.
Ce ne serait cependant pas la première fois que les Philippines rétablissent la peine de mort : le Congrès avait rétabli la peine capitale en 1993 après que la Constitution l’eut abolie en 1987. En 2006, la peine de mort avait été de nouveau abolie. Néanmoins, William Schabas pointe une différence majeure entre la situation actuelle et celle de 1993 : les Philippines ont en effet ratifié le deuxième protocole facultatif se rapportant au PIDCP visant à abolir la peine de mort. Or, ce protocole ne prévoit aucune clause de sortie. Pour cet expert, les Philippines ne peuvent donc rétablir la peine de mort sans violer leurs obligations de droit international : le rétablissement de la peine de mort serait donc illégal au regard du droit international.
Concernant la Turquie, Raphaël Chenuil-Hazan a parlé de « populisme à bon marché ». En effet, la peine de mort est interdite par la Constitution. En outre, le pays a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme et est donc membre du Conseil de l’Europe – mais encourrait le risque d’en être exclue en cas de réintroduction de la peine de mort.
La situation de ces deux pays n’est pas inédite dans l’Histoire : la Chine (747-759) puis le Japon (794-1185) avaient aboli la peine de mort au Moyen-Âge avant de la rétablir.
Aux Etats-Unis, l’élection de D. Trump à la Présidence et les referenda dans trois Etats ont quant à eux marqué un revers important de la lutte contre la peine de mort. Le Président Trump a nommé un juge conservateur, Neil Gorsuch, à la Cour Suprême, rendant improbable une décision de celle-ci en faveur de l’abolition de la peine capitale aux Etats-Unis.
Malgré ces revers et la reprise des exécutions dans des pays qui observaient des moratoires de fait depuis plusieurs années (Gambie, Jordanie, Tchad, Pakistan, Indonésie), les intervenants ont tous deux souligné que la situation internationale de la peine de mort est tout de même plutôt positive, la tendance restant vers l’abolition universelle de la peine capitale. Il reste aujourd’hui un noyau dur de pays rétentionnistes, dans lesquels un long travail pourrait s’avérer nécessaire afin d’obtenir l’abolition. Il n’est donc pas étonnant d’observer actuellement un ralentissement du nombre de pays abolissant la peine de mort.
En outre, si le nombre de pays ayant voté en faveur de la résolution des Nations Unies pour un moratoire universel sur la peine de mort a stagné cette année, des pays tels que la République Démocratique du Congo ou le Rwanda, absents lors du vote, pourraient voter en sa faveur en 2018.
Quelle stratégie pour l’abolition universelle ?
Les intervenants ont souligné qu’il était désormais important de se focaliser sur des pays leviers, qui observent un moratoire depuis de nombreuses années, afin de les convaincre de confirmer la suspension des exécutions en abolissant la peine de mort en droit et ainsi empêcher définitivement tout retour en arrière. Obtenir l’abolition dans ces pays renforcerait par ailleurs le camp abolitionniste.
Concernant les « pays à risque », il est crucial, selon le directeur d’ECPM, de mener une stratégie « d’endiguement » afin d’éviter que de nouveaux pays remettent en cause l’abolition de la peine de mort.