La 61e session de la CADHP accueillie dans la « Nouvelle Gambie »

Publié par FIACAT et Coalition mondiale contre la peine de mort, le 21 novembre 2017

 Le Forum des ONG, précédant la session de la CADHP, s’est tenu du 28 au 30 octobre 2017.  La cérémonie d’ouverture s’est déroulée en la présence du ministre de la Justice gambien, Abubacarr Tambadou. Dans son discours inaugural, le ministre a mis en avant la signature du deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques par la Gambie le 20 septembre 2017 et a annoncé la ratification de nombreux traités relatifs aux droits de l’homme.

C’est sur cette note d’espoir que s’est déroulé le Forum des ONG, qui a accueilli Stavros Lambrinidis, Représentant spécial aux droits de l’homme de l’Union européenne, dans le cadre du dialogue entre l’Union africaine et l’Union européenne sur les droits de l’homme. M. Lambrinidis a rappelé l’inaliénabilité et l’indivisibilité des droits de l’homme, en Europe, en Afrique et partout dans le monde.

L’injustice de la peine de mort abordée

Dans la continuité de la Journée mondiale contre la peine de mort, le thème de la peine de mort et la pauvreté a été discuté au cours d’un événement parallèle organisé par la Coalition mondiale, la FIACAT et la FIDH.

Le panel était composé de Pamela Okoroigwe (LEDAP, Nigeria), Salomon Nodjitoloum (ACAT Tchad) et de Jean Jacques Ngangya (Pax Christi Uvira, RDC).  Les intervenants ont présenté la situation relative à la peine de mort dans leurs pays respectifs, tout en mettant l’accent sur l’impact de la pauvreté dans l’application de la peine de mort. La représentante de LEDAP a mis en avant le problème de la corruption endémique dans son pays. Au Nigéria, ceux qui sont en conflit avec la justice et qui viennent de milieux socio-économiques défavorisés seront plus à même d’être condamnés à mort puisqu’ils n’ont pas les moyens de soudoyer la police, le procureur, les juges, etc.

Pour ce qui est du cas du Tchad, Maitre Salomon a regretté la décision du gouvernement de rétablir la peine de mort pour terrorisme et a fait le lien entre la pauvreté et la progression du terrorisme au Tchad. « Pour nous, la pauvreté est l’alliée principale du terrorisme, même si elle ne peut expliquer à elle seule ce comportement. La pauvreté est un terreau sur lequel prospère le terrorisme. La plupart des recrues du terrorisme sont des jeunes déscolarisés, des chômeurs, etc. Les terroristes sont souvent des personnes qui sont en marge de la société. C’est contre la misère sociale qu’il faut lutter pour affaiblir le terrorisme ».

Enfin, le directeur de Pax Christi Uvira a fait part de son inquiétude vis-à-vis des condamnés à mort, qui sont selon lui « [de] pauvres citoyens qui par ailleurs souffrent de l’ignorance des lois, de l’éloignement des juridictions, de l’inefficacité de la défense, du coût élevé des frais à l’occasion de la justice, bref, de manque de moyens socio-économiques pour faire face au système judiciaire complexe et coûteux comme il est partout au monde ».

L’abolition de la peine de mort en Afrique mise en avant lors de la 61e session de la CADHP


Dimanche 5 novembre, la FIDH et DITSHWANELO ont organisé un événement parallèle avec le Groupe de travail sur la peine de mort en Afrique de la CADHP pour discuter des mécanismes qui facilitent l’abolition de la peine de mort sur le continent. Cet événement était l’occasion de lancer l’étude sur ces mécanismes en Afrique australe rédigée par DITSHWANELO et de projeter le film de la FIDH sur le processus d’abolition de la peine de mort en Gambie, « Gambia has decided ».

Lors de ce panel, la représentante du ministère de la Justice de Gambie a rappelé l’intention de son gouvernement d’abolir la peine de mort. Le gouvernement souhaite également réviser la Constitution gambienne pour y inclure notamment l’abolition de la peine de mort.

Pour Mme Kayitesi, Commissaire et Présidente du Groupe de travail sur la peine de mort en Afrique, la décision finale d’abolir revient toujours aux dirigeants politiques. Une volonté politique claire en faveur de l’abolition, telle que celle exprimée par le gouvernement gambien, est donc nécessaire pour tendre vers l’abolition sur le continent.

M. Mabassa Fall, représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine, a rappelé que le rôle de la société civile est d’éduquer et de sensibiliser pour accompagner les gouvernements sur la voie de l’abolition. En effet, l’opinion publique africaine est mal informée sur le caractère définitif et discriminatoire de la peine de mort et les erreurs judiciaires. Il a rappelé qu’en Afrique, comme ailleurs dans le monde, ce sont les pauvres qui sont condamnés à mort.
 

Examen des rapports périodiques des États

Lors de sa 61e Session ordinaire, la Commission africaine a examiné les rapports du Rwanda, du Niger et de la République démocratique du Congo.

Lors de l’examen du Rwanda, la Commissaire Maya Sahli-Fadel, membre du Groupe de travail sur la peine de mort en Afrique, a souhaité savoir quels enseignements tirer de l’abolition dans ce pays pour pouvoir les partager avec d’autres pays africains qui n’ont pas encore aboli. Pour la délégation rwandaise, l’application de la peine de mort au Rwanda n’avait pas permis de faire baisser la criminalité. Au contraire, la peine de mort avait démontré son inefficacité. 2000 personnes se trouvaient dans le couloir de la mort en 2007, date de l’abolition au Rwanda ; aujourd’hui elles sont réinsérées dans la société et ont obtenu une seconde chance.

À l’occasion de l’examen du Niger, la Commissaire Kayitesi a repris les préoccupations exprimées par la Coalition mondiale, la FIACAT et leurs membres au Niger dans un document de position sur la question de la peine de mort dans ce pays. Elle a félicité le ministre de la Justice pour son engagement en faveur de l’abolition de la peine de mort et l’a questionné sur l’état d’avancement de l’abolition. Elle a invité le Niger à soutenir le projet de Protocole africain sur l’abolition de la peine de mort lorsqu’il sera discuté par les instances de l’Union africaine. La délégation du Niger a informé la CADHP que le projet de loi sur l’adhésion à l’OP2, adopté en conseil des ministres en 2014, a été transmis à l’Assemblée nationale mais aucunement discuté depuis. Le gouvernement ne souhaite pas passer en force par respect de la démocratie. Le ministre de la Justice a affirmé qu’il ne croyait pas à la peine de mort et « n’y croirait jamais ». Il a rappelé l’engagement du gouvernement nigérien en faveur de l’abolition et affirmé que le Niger « soutiendra le projet de Protocole africain sur l’abolition de la peine de mort en Afrique et toutes les réformes tendant à révolutionner le continent en matière de protection des droits de l’homme ».

Le Niger a également pris l’engagement de commuer les 11 peines de mort prononcées en 2016 en des peines de prison à temps le 18 avril 2018 à l’occasion de la prochaine fête nationale.

Pendant l’examen de la RDC, la Commissaire Kayitesi a souhaité savoir pourquoi le pays n’avait pas saisi l’opportunité de la transposition des dispositions du Statut de Rome créant la Cour pénale internationale pour abolir la peine de mort en droit interne. La délégation gouvernementale a affirmé qu’il existe un moratoire de fait sur la peine de mort en RDC, qu’un débat est ouvert au parlement et qu’en raison de la séparation des pouvoirs, le gouvernement n’a pas à interférer dans celui-ci.

Lors d’une déclaration orale conjointe, la Coalition mondiale, la FIACAT et la FIDH ont rappelé l’intérêt pour l’Afrique de se doter d’un texte juridique contraignant en faveur de l’abolition de la peine de mort. Elles ont également affirmé leur soutien à l’appel de la Commission africaine adressé aux États abolitionnistes africains pour appuyer le projet de Protocole quand il sera examiné par l’Union africaine.

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