Une ‘taskforce’ kényane chargée d’examiner les lois sur la peine de mort

Afrique

Publié par Nicolas Chua, le 11 septembre 2018

Wilson Thirimbu Mwangi et Francis Karoki Muruatetu Thirimbu ont été condamnés à mort pour meurtre en 2003. Bien que leur peine ait déjà été commuée en 2009, ils ont continué à contester la constitutionnalité de la peine de mort devant la Cour suprême du Kenya.

Par le passé, le gouvernement kényan a commué les condamnations à mort de plus de 4 000 et 2 747 détenus en 2009 et 2016 respectivement, et bien qu’aucune exécution n’ait été enregistrée depuis 1987, le pays n’a pas encore aboli la peine de mort.

Toutefois, à la suite de cette déclaration, les tribunaux ont reçu par la suite le pouvoir discrétionnaire de prononcer la peine de mort, et la Cour suprême a donné au procureur général et à d’autres institutions un délai de 12 mois pour effectuer une analyse détaillée du cadre législatif de la peine de mort.

La ‘taskforce’ pour l’examination du caractère obligatoire de la peine de mort

Le 15 mars 2018, le procureur général Githu Muigai a créé la « Taskforce on the Review of the Mandatory Nature of the Death Penalty », le groupe de travail sur la réévaluation du caractère obligatoire de la peine de mort. Dirigé par Maryann Njau-Kimani, il est actuellement composé de 3 sous-comités, chacun assigné à une question spécifique, à savoir la réévaluation des peines, les paramètres de l’emprisonnement à vie et les réformes législatives.

Dans un projet de rapport sur la participation du public, le groupe de travail a suggéré que tous les détenus concernés devront faire l’objet d’une réévaluation de leur peine. Selon l’African Prison Project (APP), un grand nombre de détenus ont déposé des pétitions devant différents tribunaux : à ce jour, plusieurs tribunaux de grande instance ont entamé le processus de réévaluation, et plus de 20 affaires ont été rejugées avec succès, avec une durée moyenne d’emprisonnement de 15 ans.

En examinant les paramètres de l’emprisonnement à perpétuité, le groupe de travail a étudié la juridiction de 21 autres pays et a proposé une nouvelle catégorisation des infractions punissables d’emprisonnement à perpétuité : Les meurtres "de faits graves" n’offrent aucune possibilité de libération conditionnelle, tandis que les meurtres "au premier degré", "au deuxième degré" et les "homicides involontaires" sont passables de libération conditionnelle après avoir purgé 25 ans, 20 ans et deux tiers de la peine respectivement.

Cependant, l’élaboration d’éventuelles réformes législatives s’est révélée être un point contentieux entre le principal conseiller du groupe de travail, la Kenya Law Reform Commission (KLRC), et les membres de la société civile : bien que cette dernière ait suggéré que la peine de mort soit supprimée "dans son intégralité", elle a conclu que la Constitution kenyane "autorise la peine de mort si elle est prévue par la loi", une conclusion considérée par certains comme une mauvaise interprétation de la Constitution. En outre, le remplacement de la peine de mort par des peines obligatoires pour certains crimes a fait l’objet de critiques.

Le groupe de travail a également visité des prisons et rencontré des détenus pour recueillir leurs points de vue sur la question : l’analyse des origines socio-économique des condamnés a montré que la peine de mort affecte de manière disproportionnée les personnes aux faibles revenus et au niveau d’éducation plus bas, ce qui prouve une fois de plus l’aspect discriminatoire de la peine de mort.

Un débat toujours en cours autour de la peine de mort

La création du groupe de travail coïncide avec le nouveau Plan stratégique 2018-2023 de la Commission nationale des droits de l’Homme du Kenya (KNCHR), mais le débat sur la peine de mort fait rage : en août, le groupe de travail a tenu un forum ouvert pour aborder la question ; quelques jours plus tard, Mme. Chivusia, la commissaire de la KNCHR, a donné un discours à l’occasion de la journée de la justice pour les prisonniers du 10 août, au cours duquel elle a déclaré que « la peine capitale au Kenya, communément appelée peine de mort, reste un sujet qui suscite de nombreux débats sur l’approche que le pays devrait adopter, soit vers son abolition, soit vers sa rétention ».

En même temps, la KNCHR a déclaré sur Twitter qu’elle « continuera de militer pour que le Kenya rejoigne les 106 États du monde entier, dont 20 États africains, qui ont aboli la peine de mort en droit et en pratique ».

Si les recommandations du groupe de travail sont adoptées en décembre prochain, 838 prisonniers, en ce moment dans les couloirs de la mort, verront leur peine commuée. En mars 2018, il y avait 838 personnes dans le couloir de la mort – 789 hommes et 129 femmes.

Image: KNCHR

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