L’État de Palestine s’engage à abolir la peine de mort

Publié par Louis Linel, Aurélie Plaçais, le 10 avril 2019

L’État de Palestine, aux portes de l’abolition ?

En juin 2018, le Président Mahmoud Abas avait donné son accord à l’adhésion par l’État de Palestine au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort. Les membres palestiniens de la Coalition mondiale, le Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) et SHAMS avait alors salué la décision du Président M. Abas en soulignant que l’abolition de la peine de mort en Palestine allait « dans la bonne direction ». Il aura fallu 9 mois ensuite pour que les instruments d’adhésion soient officiellement déposés, le 18 mars 2019, auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Le Protocole entrera en vigueur pour l’État de Palestine le 18 juin 2019 conformément à l’article 8 du Protocole.

L’État de Palestine a été reconnu comme un État observateur non membre des Nations unies par la résolution de l’Assemblée générale A/RES/67/19 du 29 novembre 2012 et peut depuis signer des traités internationaux. L’État de Palestine a déjà fait valoir ce droit dans le domaine des droits de l’Homme, en adhérant au PIDCP en avril 2014 et à cinq autres traités en mai 2014.

Une situation de la peine de mort en Palestine ambigüe

De la fondation de l’Autorité palestinienne en 1993 (à l’occasion des Accords d’Oslo) à 2017, le Palestinian Centre for Human Rights (PCHR) a enregistré 41 exécutions en Palestine, mais sa pratique connait d’importantes inégalités et révèle les différends politiques qui traversent la Palestine. La quasi-totalité d’entre elles (39) ont en effet été mises à exécution dans la bande de Gaza (contrôlée depuis les élections législatives de 2006 par le Hamas, hostile au Fatah, le parti du Président Mahmoud Abas). Ainsi, sur l’ensemble des exécutions perpétrées à Gaza durant cette période, plus des deux tiers (28) relèvent, selon une interprétation rigoriste du droit, d’exécutions extra-judiciaires car n’ayant pas été précédées d’un décret présidentiel les y autorisant. En effet, l’ONU ne reconnait que l’autorité du « President of the Palestinian National Authority », en l’espèce M. Abas.

La bande de Gaza et la Cisjordanie disposent chacune d’un Code pénal différent, dans lequel la peine de mort est légalement prévue pour une quinzaine de crimes. Le PCHR plaide activement pour que le Président M. Abas s’engage en vertu de leur amendement respectif.

SHAMS dénonce en outre d’importantes atteintes aux droits au procès équitable et à la justice indépendante. En décembre 2018, six condamnations ont en effet été prononcées par un Tribunal militaire, dans la bande de Gaza, en violation de la Constitution.

L’abolition en Palestine face aux tensions Gaza/Cisjordanie

La politique intérieure de l’État de Palestine connait une situation particulière, due aux tensions entre le Hamas (qui contrôle la bande de Gaza, où a lieu la majeure partie des exécutions) et le Fatah (dont l’autorité est reconnu en Cisjordanie). Le PHCR souligne que depuis 2015, avec l’échec du Gouvernement palestinien d’union nationale de 2014, les condamnations à mort ont connu une progressive augmentation à Gaza, tandis qu’en Cisjordanie, en revanche, les condamnations se sont faites plus rares (les dernières remonteraient justement à 2015). La lutte pour l’abolition en Palestine s’en trouve de fait fortement impactée.

En adhérant à l’OP2-PIDCP, l’Etat de Palestine s’est engagé à renoncer aux exécutions et à abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction. L’article 6 dispose par ailleurs que les États ne peuvent pas déroger à l’interdiction des exécutions, même en cas de danger public exceptionnel menaçant l’existence de la nation. Reste à savoir si le Hamas à Gaza se sentira lié par le traité. La société civile aura donc un rôle primordial à jouer dans les mois qui viennent pour surveiller l’entrée en vigueur du traité en juin 2019.

Crédits photos: Wikimedia

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