Documenter les violations des droits de l’homme en Corée du Nord

Publié par Hédia Zaalouni, le 16 janvier 2020

Mise à jour d’un précédent rapport de 2017, il présente des recherches menées sur 4 années qui ont visé à documenter et cartographier trois types de lieux liés à la peine de mort en République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) :

  • les sites d’exécutions de personnes condamnées à mort ;
  • les sites où les corps sont enterrés ou incinérés par l’État ;
  • les lieux officiels pouvant contenir des documents ou d’autres éléments de preuve liés à ces événements.

Le groupe de travail utilise des images satellites dans le cadre d’entretiens avec des personnes évadées du régime nord-coréen. Les images satellites contenant des informations basiques (nom de ville, de gare etc.) sont montrées aux personnes interviewées qui doivent ensuite, en partant de lieux proches de là où elles ont habité ou qu’elles connaissent, pointer sur la carte des endroits qui correspondent aux trois types de lieux décrits (lieu d’exécution, d’inhumation ou qui pourrait contenir des preuves). Les témoins ne sont ni aidés ni dirigés par les personnes qui mènent l’interview. S’ils peuvent désigner des lieux alors les coordonnées sont enregistrées et compilées.

Pour ce faire, le groupe de travail utilise un système d’information géographique (SIG) pour traiter, analyser et enfin présenter sous forme de données géographiques les éléments ainsi collectés.

 

L’importance d’une telle recherche

Comme l’expliquent les auteurs du rapport, ce type de recherche revêt une importance particulière à la fois pour enquêter sur les violations des droits de l’homme, mais également pour les victimes rescapées du régime, qui sont en quête de réponses.

En effet, avoir une idée plus précise des sites liés aux violations des droits humains en Corée du Nord facilite un futur travail d’investigation sur les crimes commis. Cela permet également de pouvoir préserver ces sites et de les classer comme scènes de crime afin d’y récolter un maximum d’informations.

Par ailleurs, au cours de la recherche, 92 % des participants ont estimé nécessaire, dans le cas d’une justice transitionnelle, d’exhumer les corps afin d’identifier les victimes et de pouvoir les rendre à leur famille pour des funérailles décentes.

La cartographie permet donc d’ajouter une couche de compréhension supplémentaire aux différents travaux de recherche déjà menés par d’autres acteurs des droits de l’homme, pour à la fois comprendre ce qui se déroule actuellement dans le régime nord-coréen mais aussi pour répondre à un devoir de mémoire.

La recherche en quelques points clefs

  • Le groupe de travail a interviewé 610 personnes en 4 ans.
  • 323 sites ont été reportés comme des sites d’exécution sanctionnés par l’Etat et ont été accompagnés par des coordonnées géographiques. Parmi ces 323 sites, 200 se trouvent dans la province du North Hamgyong.
  • Les crimes les plus courants pour lesquels des personnes sont condamnées dans l’ordre décroissants sont : les crimes de propriété, les crimes violents, les crimes politiques, le trafic d’êtres humains, les crimes économiques.
  • 318 sites ont été reportés comme des sites d’exécution publique. Parmi ces exécutions publiques, 19 ont concerné plus de 10 personnes en même temps.
  • Les lieux les plus communs choisis pour les exécutions semblent être : les rives de fleuves, les champs, les marchés, les terrains de sport ou les écoles.
  • Les différents témoignages font état d’une taille de foule variée mais précisent qu’elle peut aller jusqu’à 1000 personnes ou plus venues assister aux exécutions.
  • 83% des témoins ont été témoins d’une exécution publique et 53 % ont été forcés d’y assister.
  • 16% des personnes qui témoignent ont au moins un membre de leur famille qui a été exécuté par le régime.

L’absence de procès équitable

En plus d’un manque d’accès à un avocat, ou à une procédure régulière, de nombreux témoins ont également indiqué que l’exécution des personnes condamnées avait bien souvent été prévue le jour même et à l’endroit du procès, soulignant ainsi que la condamnation à mort était décidée par avance et que le procès n’était que purement formel.

Les procès se tiennent d’ailleurs souvent en l’absence de juge, présidés uniquement par des officiers du régime.

Le cas des morts en détention et des exécutions secrètes

En plus des exécutions publiques, il est fait mention dans 20 interviews réalisées depuis 2018 de morts en détention, ces morts pouvant concerner plusieurs personnes à la fois.

Le rapport précise qu’on peut y ajouter trois cas de morts survenues quelques jours après la libération de la personne, mais qui résultent directement des conditions de détention.

Enfin, il est également fait mention d’exécutions secrètes, notamment dans le cas où la personne condamnée à mort est accusée d’avoir commis un crime tel qu’un meurtre ou un détournement de fonds.

Recueillir des preuves : la question des lieux officiels contenant des documents relatifs aux violations des droits de l’homme

La recherche menée par le groupe de travail vise également à cartographier les lieux pouvant contenir des documents liés à la peine de mort en Corée du Nord. En effet, le régime nord-coréen est connu pour effectuer un classement systématique de la population. Il utilise un système appelé « songbun », système discriminatoire de surveillance et de classement des citoyens en plusieurs groupes « noyau », « incertains », « hostiles ».

Le premier rapport de 2017 désigne des lieux comme les bureaux de police locaux, les bureaux de renseignement, les unités militaires et les bureaux administratifs, pouvant être susceptibles de contenir des données relatives aux exécutions et aux violations des droits de l’homme.

Pour en savoir plus, cliquez-ici pour lire le rapport complet et ici pour avoir accès aux données cartographiques.

Photo d’Aswin Deth sur Unsplash