Les questions éthiques et politiques que soulèvent les récentes exécutions fédérales aux États-Unis

Publié par Louis Linel, le 2 septembre 2020

Deux nouvelles exécutions fédérales ont eu lieu presque coup sur coup au pénitencier de Terre Haute, aux États-Unis, à la fin du mois d’août. Elles portent désormais à 5 le nombre de personnes exécutées au niveau fédéral depuis la reprise des exécutions à la mi-juillet 2020. Aucune exécution fédérale n’avait alors eu lieu depuis celle de Louis Jones en 2003. Depuis que la peine de mort a été réinstaurée au niveau fédéral en 1988, après un court moratoire décidé par la Cour suprême, l’administration américaine a ordonné, en à peine plus d’un mois, plus d’exécutions que pendant la période 1988-2003.

Lezmond Mitchell, exécuté le 26 août 2020, membre de la nation Navajo, était le seul représentant d’une nation amérindienne dans les couloirs de la mort. De la voix de son Président, Jonathan Nez, et de son vice-Président, Myron Lizer, la nation Navajo réaffirme son opposition à la peine capitale qu’elle considère contraire à sa culture. Tout en dénonçant un « affront » à sa souveraineté, la nation Navajo a plaidé auprès du gouvernement pour une commutation de la peine de Lezmond Mitchell. Le Congrès national des Indiens d’Amérique (le National Congress of American Indians) et plusieurs gouvernements tribaux se sont également joint à cette demande, restée vaine.

Keith Nelson, exécuté le 28 août 2020, avait quant à lui temporairement bénéficié d’une suspension de son exécution par un juge qui contestait la procédure d’injection léthale. Selon ses avocat·e·s, cette condamnation aurait dû considérer d’importances circonstances atténuantes liées à la santé mentale de Keith Nelson dont le droit à une représentation juridique effective aurait été violé.

L’opposition à la peine de mort s’enracine toutefois dans plusieurs actions de mobilisation aux États-Unis. L’American Civil Liberties Union (ACLU) et l’American Civil Liberties Foundation ont saisi la justice contre le Bureau fédéral des prisons pour lui demander de révéler le coût engendré par la reprise des exécutions fédérales alors que l’épidémie de Covid-19 continue aux États-Unis. Elles interrogent ainsi l’utilisation de fonds publics pendant cette période de crises, tant économique que sanitaire, pour des exécutions dont la tenue est susceptible de propager davantage le virus.

Interrogeant le fondement légal et constitutionnel des dernières exécutions, Death Penalty Action a également partagé une pétition en ligne, signée par la Coalition mondiale, visant à interpeller le Congrès américain pour lui demander d’enquêter sur les violations perpétrées par les exécutions et d’abolir la peine capitale au niveau fédéral. L’autopsie de Wesley Purkey, exécuté le 16 juillet 2020, a en en effet récemment mis en évidence des œdèmes pulmonaires à l’origine de « douleurs atroces » susceptibles de faire resurgir le débat sur la qualification de la peine de mort en traitement cruel, inhumain et dégradant – ce qu’interdit le 8ème amendement de la Constitution.

À l’approche de la Journée mondiale contre la peine de mort 2020, la Coalition mondiale attire l’attention sur le respect des droits de la défense et de la dignité des personnes accusées et condamnées à mort, tout au long des procédures pénales. Tout en continuant de plaider pour l’abandon sans condition de la peine capitale, la Coalition mondiale encourage le recours à tous les moyens permettant de contester ou limiter l’application de la peine de mort, comme une première étape parfois essentielle vers son abolition. C’est, en attendant l’abolition immédiate, définitive et universelle de la peine de mort, une vie humaine sauvée.

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