La 36ème session de l’EPU débattue en live sur Facebook

Normes internationales

Publié par Louis Linel, le 17 novembre 2020

Alors que la 36ème session de l’Examen périodique universel (EPU) se tenait sous les auspices du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies du 2 au 13 novembre, The Advocates for Human Rights, une organisation membre de la Coalition mondiale, a facilité des débriefings en direct sur Facebook pour couvrir l’examen des États qui n’ont pas encore aboli la peine capitale.

Un processus unique piloté par les États pour surveiller la situation des droits humains dans le monde

L’Examen périodique universel est un mécanisme du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies dont l’objectif est d’examiner la situation de chaque État membre des Nations unies en matière de droits humains. Il vise à s’assurer que les États membres des Nations Unies respectent bien leurs obligations internationales ou ont entrepris la mise en œuvre de réformes permettant garantir les droits humains. Comme son nom le laisse entendre, chaque État membre des Nations Unies est censé faire l’objet d’un examen régulier ; c’est pourquoi il est appelé universel et périodique.

L’EPU consiste en une succession de cycles de quatre ans, chacun d’entre eux étant divisé en quatre grandes étapes. La première étape de l’Examen périodique universel d’un État implique la préparation d’informations relatives aux droits humains dans le pays. Cela comprend un rapport national complet soumis par la délégation de l’État avant son examen ainsi que des informations qui ont été communiquées par d’autres parties, notamment les Organisations de la société civile, telles que les ONG, et les Institutions nationales des droits de l’homme (INDH). La deuxième étape de l’EPU est le dialogue interactif au cours duquel la délégation du gouvernement présente son rapport devant le Conseil des droits de l’homme. Chaque État membre des Nations Unies qui souhaite participer à ce dialogue interactif peut féliciter l’État pour les engagements qu’il aurait récemment adopté en matière de droits humains, de faire part de ses préoccupations et, par-dessus tout, de formuler des recommandations visant à aider l’État à se conformer davantage aux normes internationales en matière de droits de l’homme. La délégation du Gouvernement peut également prendre la parole afin de fournir des réponses orales à d’autres États. La troisième étape consiste en la rédaction et l’adoption du rapport d’examen dans lequel l’État donne ses réponses pour chaque recommandation qui lui a été adressée. Il peut alors soit les accepter, soit en prendre note – ce qui revient en soi à les rejeter. Chaque État doit partager ses réponses avant la prochaine session du Conseil des droits de l’homme, prévue en mars 2021. La dernière étape est également la plus longue, puisqu’elle dure environ trois ans, et consiste en la mise en œuvre de toutes les recommandations qui ont été acceptées. Les ONG et les INDH sont alors encouragées à surveiller cette implémentation, et leurs commentaires pourraient de nouveau contribuer à l’examen suivant, prévu quatre ans plus tard. 

Débriefings en direct du dialogue interactif – La diplomatie au service des valeurs des droits humains

Les organisations membres de la Coalition mondiale qui ont soumis des informations pour des États où la loi prévoit toujours la peine de mort, ont été invitées The Advocates for Human Rights à participer à des débriefings en direct sur Facebook afin de discuter des recommandations faites à cette occasion. Elles ont ainsi pu partager leur analyse et répondre aux questions du chat.

Les États qui ont été examinés sont les suivants : le Bélarus, les États-Unis, la Jamaïque, la Libye, le Liberia, le Malawi et les Maldives. Chaque débriefing a été diffusé en direct sur la page Facebook de la Coalition mondiale et reste disponible pour une relecture – cliquez sur le pays dont vous souhaitez accéder à la vidéo. En ce qui concerne ces États, qui n’ont pas encore aboli la peine de mort en droit, les recommandations formulées au cours du dialogues interactif oscillent entre l’établissement d’un moratoire sur les exécutions à l’abolition totale de la peine de mort. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies est une arène intergouvernementale où l’on peut légitiment s’attendre à ce que des questions hautement diplomatiques interviennent, ce qui rend tout à fait subtile la formulation des recommandations proposées par les États. En effet, les États ouvertement ou quasi-ouvertement hostile à l’abolition sont plus susceptibles de noter chacune des recommandations qui leur demanderait d’abolir formellement la peine capitale. Or, dans la lutte pour l’abolition universelle, il apparaît clairement que chaque nouvelle mesure prise pour limiter l’application d’une peine aussi inhumaine est une victoire fragile, certes, mais toujours substantielle. Alexius Kamangila, qui travaille actuellement pour Reprieve et en tant que bénévole pour Communitat de San’Egidio, a apprécié la réponse de la délégation du Malawi en ce qui concerne le moratoire, toujours en cours dans le pays – alors que le Président s’était engagé à maintenir les exécutions pendant sa campagne, la délégation de l’État a en effet expliqué que le Malawi continuerait à observer un moratoire.

Autre illustration, la discussion sur l’Examen des États-Unis s’est arrêtée sur la déclaration du gouvernement qui assurait que la peine capitale n’est jamais utilisée de manière arbitraire ou discriminatoire. Selon les panelistes, cependant, la récente décision de la Cour suprême de l’Etat de Washington dans l’affaire State v. Gregory – dans laquelle la Cour déclaré inconstitutionnelle la peine capitale après avoir soulevé des biais raciaux et un certain degré d’arbitraire – peut alimenter de sérieuses inquiétudes au sujet d’une telle déclaration, si ce n’est permettre de la réfuter. L’idée que la peine capitale aurait un effet dissuasif particulier n’est pas étayée par des preuves ; mais elle reste dans tous les cas une question politique fortement polarisée.

 « La mort n’est pas une valeur traditionnelle », a souligné Valiantsin Stefanovic, de l’organisation Viatnsa et actuellement vice-Président de la FIDH, lors du débriefing qui a porté sur la Biélorussie – le dernier État européen qui maintient la peine de mort et continue à procéder à des exécutions.

Des conseils de la part des Organisations de la société civile pour s’entraider

L’Examen périodique universel permet aux Organisations de la société civile de participer à des actions de plaidoyer international, qui peuvent à première vue paraitre intimidantes. Les panelistes pour les Maldives ont ainsi souligné que l’EPU est une plateforme incontournable pour permettre de faire la lumière sur de nombreuses violations des droits humains et attirer l’attention des diplomates. La délégation de l’Allemagne a par ailleurs recommandé aux Maldives de conduire une enquête plus approfondie quant à l’interdiction de l’ONG locale Maldivian Democracy Network, ce qui est extrêmement rare.

Les différents panelistes qui ont été réunis pendant ces temps d’échanges ont également mis en avant l’importance de mener des actions de plaidoyer tant à Genève – où se réunit le Conseil des droits de l’homme – et dans les capitales, ainsi que de travailler en collaboration étroites avec les ambassades. Comme expliqué ex supra, le processus de l’EPU implique un engagement relativement important de la part des États. Pour un État examiné, l’EPU ne se termine pas à avec la fourniture de réponses pour chaque recommandation. Il se poursuit par une étape essentielle de trois ans au cours de laquelle l’État est censé adopter toutes les mesures nécessaires pour donner corps à ces recommandations. L’EPU suppose beaucoup de travail de la part des Organisations de la société civile pour assurer le suivi des recommandations et tenir les États responsables de leurs engagements internationaux. Toutefois, cet engagement repose sur une certaine réciprocité. On peut en effet considérer que les États qui ont soumis des recommandations s’engagent, ou ont du moins une responsabilité, à suivre leur mise en œuvre durant les trois prochaines années – avant de procéder à un nouvel examen de l’État.

Chaque effort compte. Cycle après cycle, le droit à la vie est un peu plus mis en avant ; et à chaque fois l’abolition rappelle au monde entier qu’elle est immanquable, inévitable, incontestable.

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