Rapport du DPIC sur l’utilisation de la peine de mort en 2020 aux États-Unis

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Publié par Louis Linel, le 6 janvier 2021

Le rapport annuel du Death Penalty Information Center décrypte la tendance continue vers l’abolition aux États-Unis et la reprise des exécutions fédérales dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19.

Le rapport, publié chaque fin d’année par le Death Penalty Information Center (DPIC), revient sur l’application de la peine capitale et les progrès réalisés en matière d’abolition, que ce soit en droit ou en pratique. Alors que la peine capitale a continué à perdre progressivement du terrain aux États-Unis, grâce à l’abolition au Colorado et une nouvelle législation visant à davantage limiter le recours à la peine de mort en Californie, l’année 2020 fut marquée par la reprise historiquement meurtrière des exécutions fédérales après une interruption de 17 ans. Le rapport souligne également la persistance d’un certain nombre de biais dans l’application de la peine capitale aux États-Unis, et notamment par la reprise des exécutions fédérales, et l’impact qu’a eu la pandémie de Covid-19 sur l’administration de la peine de mort.

Au niveau des États, un déclin continu de la peine de mort

Le 23 mars 2020, le Colorado est devenu le 22ème État des États-Unis à abolir la peine de mort pour tous les crimes, après que le Gouverneur Jared Polis a signé une loi à cet égard et commué dans la foulée les peines des trois dernières personnes détenues dans le couloir de la mort en prison à vie. « [L]a peine de mort ne peut pas être, et n’a jamais été, administrée équitablement dans l’État du Colorado. » Le gouverneur Jared Polis a déclaré lors de l’annonce des commutations. Deux tiers des États ont désormais soit aboli la peine de mort en droit, soit n’ont procédé à aucune exécution depuis au moins dix ans – 2020 a marqué les dix ans sans la moindre exécution en Louisiane et en Utha, ce qui signifie que douze États, l’ensemble des États-Unis, observent un moratoire de fait depuis au moins 10 ans sur les exécutions.

La Législature de Californie a également adopté un projet de loi visant à limiter le recours à la peine de mort et à lutter contre les préjugés raciaux dans les procédures pénales pouvant notamment aboutir à une condamnation à mort. Ces réformes devraient permettre à l’avenir aux personnes condamnées à mort de présenter des statistiques faisant état de préjugés raciaux afin de contester leur condamnation, et étendre davantage l’interdiction de recours à la peine de mort à l’encontre de personnes présentant un handicap intellectuel. Toutefois, avec 724 personnes en attente d’exécution en 2020, la Californie reste l’État qui compte le plus grand nombre de personnes condamnées à mort dans tous les États-Unis.

En 2020, 2 591 personnes étaient sous le coup d’une condamnation à mort aux États-Unis, et 5 d’entre elles ont été disculpées en raison de fautes de procédure, après avoir passé 14 à 37 ans de leur vie à attendre leur exécution. Les condamnations à mort ont atteint cette année à un nombre historiquement bas de 18, ce qui est en partie dû à la pandémie de Covid-19 qui a artificiellement contribué à cette baisse historique, en incitant la plupart des tribunaux à ordonner un report des procès. Au total, 5 États ont procédé à 7 exécutions au cours de l’année écoulée, soit 15 exécutions de moins qu’en 2019 – à savoir l’Alabama, la Géorgie, le Missouri, le Tennessee et le Texas. Pourtant, le recours à la peine de mort aux États-Unis est toujours à l’origine de nombreuses violations des droits fondamentaux pour les personnes accusées. La peine de mort continue d’être appliquée de manière disproportionnée aux personnes les plus vulnérables, y compris celles présentant un trouble émotionnel, intellectuel ou mental, tandis que 3 des 17 personnes exécutées en 2020 avaient moins de 18 ans au moment de l’infraction. 

Les récentes exécutions fédérales ont tué plus de personnes que tous les États réunis 

L’administration Trump a ordonné la reprise des exécutions fédérales le 14 juillet 2020 après une interruption de 17 ans et a procédé, en à peine six mois, à 10 des 17 exécutions effectuées dans l’ensemble des États-Unis en 2020 (59%). Pour la première fois dans l’histoire américaine, le nombre d’exécutions autorisées par le gouvernement fédéral a dépassé le nombre d’exécutions enregistrées par tous les États réunis, ainsi que le nombre d’exécutions approuvées par n’importe quelle administration antérieure. Le rapport annuel du DPIC affirme ainsi que « le nombre d’exécutions a fait de l’administration Trump une exception dans l’utilisation de la peine capitale ».

Les exécutions fédérales reflètent de nombreux problèmes en matière d’application de la peine de mort, comme le cas de Lezmond Mitchell, le deuxième prisonnier fédéral détenu dans un couloir de la mort à être exécuté sous l’administration Trump. Lezmond Mitchell a été le premier individu originaire des Premières Nations à être exécuté par le gouvernement fédéral pour un meurtre commis sur des terres tribales. Son exécution a ainsi soulevé d’importances questions quant au respect de la souveraineté des Premières Nations en matière pénale, puisque la nation Navajo s’est notamment illustrée par son opposition, de longue date, à la peine de mort qu’elle considère comme incompatible avec sa culture. Cette vague d’exécutions fédérales « hautement politisées » a soulevé d’autres questions, d’ordre éthiques, puisqu’elle a impliqué les premières exécutions fédérales, depuis près de 70 ans, de personnes qui étaient adolescentes au moment des faits, de la première exécution fédérale, depuis près de 60 ans, pour un crime commis dans un État qui a pourtant aboli la peine de mort, et de la première exécution fédérale ordonnées par une administration sortante depuis plus d’un siècle. Malgré sa défaite contre Joe Biden, l’administration Trump a ainsi continué à programmer de nouvelles exécutions, comme celle de Lisa Montgomery, qui pourrait être la première femme exécutée depuis 1953.

Comment la pandémie de Covid-19 a impacté la manière dont la peine de mort est administrée

La pandémie de Covid-19 a non seulement affecté la vie de millions de citoyen·nne·s américain·e·s mais a également perturbé la manière dont la peine de mort était administrée, entraînant avec elle une diminution notable du nombre de nouvelles condamnations à mort et d’exécutions. « La pression budgétaire causée par la pandémie et le besoin pour les courts de rattraper les retards pris lors de procès où la peine de mort n’était pas en jeu, de même que la nécessité de faire fonctionner le système judiciaire, pourraient obliger les États à reconsidérer la valeur et la viabilité de procès susceptibles d’aboutir à la peine de mort, plus coûteux ». Pourtant, la reprise des exécutions fédérales en juillet 2020 a obligé les avocat·e·s, les familles des victimes et d’autres personnes encore à se rendre dans les établissements pénitentiaires, ce qui les exposés à un risque d’infection – comme ce fut d’ailleurs le cas pour les avocats de Lisa Montgomery –, ce qui a probablement contribués à des reprises locales de l’épidémie.

Au moins 14 exécutions ont été retardées en raison de la pandémie et seuls le Missouri, le Texas et le gouvernement fédéral ont procédé à des exécutions après que la pandémie a atteint les États-Unis – aucun État ne l’a fait après le 8 juillet 2020. Selon le Death Penalty Information Center, les fermetures de tribunaux ont joué « un rôle significatif » dans le nombre d’exécutions, qui a atteint son niveau le plus bas en près de 37 ans. « Les chiffres resteront artificiellement bas jusqu’à ce que la pandémie se calme, car les fermetures et les reports ordonnées par les tribunaux retardent les procès où peut se décider une condamnation à mort et repoussent les mandats d’arrêt et les exécutions » affirme le rapport.

Le rapport en entier est disponible ici (en anglais).

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