L’abolition de la peine de mort lors de la 49e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies
Plaidoyer
La 49e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies a eu lieu du 28 février au 1er avril 2022. Si vous l’avez manquée, voici ce qui s’est passé en ce qui concerne l’abolition de la peine de mort !
Planter le décor
Cette 49e session, qui a duré 5 semaines, a été très difficile et très longue. Beaucoup l’ont qualifiée de marathon, car la session de mars dure habituellement 4 semaines et les autres sessions 3 semaines. Le contexte international était également particulièrement difficile avec la guerre en Ukraine. L’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution demandant la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme une semaine après la fin de la session, mais cette question a suscité de vives tensions pendant la session à Genève.
Cette session était également la 1ère session à reprendre progressivement en personne depuis le début de la pandémie de COVID-19 il y a deux ans. Cependant, aucun événement parallèle n’a pu avoir lieu en personne et les ONG se sont plaintes d’un manque d’accès aux consultations informelles pour les résolutions. Du côté positif, les ONG ont souligné l’importance de la participation à distance pour les ONG non basées à Genève, en particulier pour les ONG disposant de peu de ressources et sous-représentées. Le président du Conseil des droits de l’homme pour 2022, l’ambassadeur argentin Federico Villegas, a déclaré que certaines modalités mises en place pendant la pandémie resteront car elles sont plus efficaces et plus participatives. Il s’est également engagé à soutenir l’engagement de la société civile.
Pendant les débats
Au cours du segment de haut niveau du Conseil des droits de l’homme, l’attaque de la Russie contre l’Ukraine a dominé la discussion, mais certains États membres des Nations unies ont saisi l’occasion pour parler également de la peine de mort. Ce fut notamment le cas d’Alfonso Nsue Mokuy, troisième vice-premier ministre de la Guinée équatoriale, qui a affirmé que le code pénal de ce pays prévoyait l’abolition de la peine de mort. Yvonne Dausab, ministre de la Justice de Namibie, a déclaré que les États devraient reconsidérer l’imposition de la peine de mort. Francisco Andre, secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, a expliqué que les priorités de son pays étaient l’élimination de la peine de mort et la protection des droits des femmes. Mukhtar Tileuberdi, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères du Kazakhstan, a indiqué que les priorités de son pays étaient l’égalité des sexes, l’abolition de la peine de mort et la liberté de conscience.
La peine de mort a également été un sujet de préoccupation lors du débat général sur les situations des droits de l’homme qui requièrent l’attention du Conseil. Les États membres des Nations unies ont déclaré que la peine de mort constituait une grave violation des droits humains. Il devrait y avoir des procès équitables et la fin de la détention arbitraire pour tous les prisonniers et prisonnières. Les droits humains ne doivent pas être politisés, quelles que soient les contextes nationaux. Les Nations unies doivent écouter la voix des personnes condamnées à mort et veiller à ce que tous et toutes puissent vivre sans être tourmentés par la peur d’une mort ordonnée par l’État.
La peine de mort a également été mentionnée lors du dialogue interactif avec le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, lors du dialogue interactif avec la Haute-commissaire sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, lors du dialogue interactif avec la Haute-commissaire aux droits de l’homme sur son rapport concernant la situation des droits de l’homme au Bélarus et lors du dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Iran.
Déclarations orales conjointes de la société civile sur la peine de mort
– République démocratique du Congo : Déclaration conjointe d’ECPM, CPJ, FIACAT et de la Coalition mondiale pour le dialogue interactif renforcé sur les mises à jour orales concernant la RDC. A écouter sur UN Web TV. La Haute Commissaire adjointe a réitéré son opposition à l’utilisation de la peine de mort en toutes circonstances. Notant le moratoire de facto sur l’application de la peine de mort en République démocratique du Congo, elle a appelé les autorités à maintenir ce moratoire et à envisager son abolition en droit.
– Iran : Déclaration conjointe d’ECPM, Kurdistan Human Rights-Genève, Iran Human Rights, the Abdorrahman Boroumand Center, et Impact Iran pour le dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran. A écouter sur UN Web TV. Javaid Rehman, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a déclaré que l’Iran continuait à refuser au mandat l’accès au pays. La peine de mort continue d’être imposée pour un large éventail d’actes, y compris contre des personnes qui ont participé à des manifestations. Le rapport a également rappelé les processus profondément défectueux qui ont précédé l’imposition de la peine de mort, notamment le manque d’accès à un avocat et l’utilisation d’aveux forcés obtenus sous la torture et sans enquête ultérieure sur ces allégations.
– Sud-Soudan : Déclaration conjointe de The Advocates for Human Rights et de la Coalition mondiale pour le rapport de la Haute Commissaire sur le Sud-Soudan. Voir la vidéo. La Division des droits de l’homme de la MINUSS a déclaré qu’elle continuait à renforcer les capacités des organisations nationales de la société civile et des prestataires d’aide juridique, afin de développer et de renforcer leur capacité à protéger les droits des personnes condamnées à mort par le biais de l’aide juridique et de la sensibilisation, de la formation des acteurs de la chaîne judiciaire et du plaidoyer en faveur de solutions alternatives à l’imposition de la peine de mort. Cela a permis de réduire l’imposition de la peine de mort.
– Adoption de l’EPU d’Antigua-et-Barbuda : déclaration commune de Greater Caribbean for Life, The Advocates for Human Rights, et la Coalition mondiale. Voir la vidéo.
– Adoption de l’EPU d’Eswatini : déclaration conjointe de The Advocates for Human Rights et de la Coalition mondiale. Voir la vidéo.
– Adoption de l’EPU de la Papouasie-Nouvelle-Guinée : déclaration conjointe de The Advocates for Human Rights et de la Coalition mondiale. Voir la vidéo. Amnesty International a également publié une déclaration saluant l’abolition de la peine de mort par le parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) en janvier 2022, ce qu’Amnesty considère comme une conséquence directe de l’EPU.
– Adoption de l’EPU de Saint-Vincent-et-les-Grenadines : déclaration conjointe de Greater Caribbe-an for Life, The Advocates for Human Rights et la Coalition mondiale. Voir la vidéo.
– Adoption de l’EPU du Tadjikistan : déclaration conjointe de The Advocates for Human Rights et de la Coalition mondiale. Voir la vidéo.
– Adoption de l’EPU de la Thaïlande : déclaration de la FIDH. A voir sur UN Web TV.
– Adoption de l’EPU de Trinité-et-Tobago : déclaration conjointe de Greater Caribbean for Life, The Advocates for Human Rights et la Coalition mondiale. A écouter sur UN Web TV.
Lors de l’adoption de l’EPU de Samoa, Peseta Noumi Simi, directeur exécutif du ministère des Affaires étrangères et du Commerce de Samoa, a déclaré que Samoa avait déjà aboli la peine de mort et restait engagé dans ses efforts pour ratifier tous les principaux traités relatifs aux droits de l’homme et leurs protocoles en temps voulu.
Lors de l’adoption de l’EPU du Suriname, Kenneth Amoksi, ministre de la Justice et de la Police du Suriname, a déclaré : « En outre, après l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal en 2015 et dans le Code pénal militaire l’année dernière, de nouvelles mesures sont actuellement prises en vue de la ratification du deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. »
Résolutions adoptées
Bien qu’il n’y ait pas eu de résolution spécifique sur la peine de mort lors de cette session, certaines d’entre elles étaient liées à la peine de mort :
– Prolongation du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran pour une nouvelle période d’un an. Avant le vote, 37 ONG, dont la Coalition mondiale, avaient signé une lettre conjointe appelant le Conseil des droits de l’homme à renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur l’Iran.
– Liberté de religion ou de conscience (mené par la France au nom de l’Union européenne) – A/HRC/49/L.2 « Para 9 c) : Veiller à ce que nul, dans les limites de leur juridiction, ne soit privé du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne en raison de sa religion ou de ses convictions, et à ce que nul ne soit soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ni à une arrestation ou à une détention arbitraire pour cette raison. » Il est intéressant de noter qu’une autre résolution portant sur un sujet similaire, mais ne mentionnant pas la peine de mort, a également été adoptée : Combattre l’intolérance, les stéréotypes négatifs et la stigmatisation, ainsi que la discrimination, l’incitation à la violence et la violence à l’égard des personnes fondées sur la religion ou la conviction (dirigée par le Pakistan au nom de l’Organisation de la coopération islamique) – A/HRC/49/L.5
Un événement parallèle sur la peine de mort pour apostasie et blasphème
Peu d’événements parallèles ont été organisés pendant cette session en général. Il n’était pas possible de les organiser en personne et un format hybride n’était pas une solution idéale car les personnes assistant à la session du Conseil des droits de l’homme en présentiel ne pouvaient pas se connecter aux événements parallèles en ligne en même temps.
Cela étant dit, un événement parallèle consacré à la peine de mort pour apostasie et blasphème a été organisé par la Jubilee Campaign, coparrainé par sept États membres des Nations unites [Australie, Chili, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni, Sierra Leone et États-Unis] avec le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conscience, le Dr Ahmed Shaheed et le Dr Mai Sato, qui a présenté le rapport de l’Université Monash d’Eleos Justice intitulé Killing in the Name of God.