75ème session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
Afrique
Du 3 au 23 mai 2023, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a tenu sa 75ème session ordinaire pour la première fois dans un format hybride avec des participants en ligne et en personne à Banjul, en Gambie, siège de la CADHP.
Dans son discours d’ouverture, l’honorable Rémy Ngoy Lumbu, président de la CADHP, a réaffirmé avec conviction le rôle crucial de cet organe des droits de l’homme pour assurer la protection des droits individuels et collectifs.
La Coalition mondiale contre la peine de mort (Coalition mondiale) a suivi cette session avec attention en ligne, avec ses organisations membres : la FIACAT (Fédération internationale des ACATS), CHESO (Children Education Society – Tanzanie), Legal and Human Rights Centre (Tanzanie), COJESKI (Collectif des Organisations de Jeunes solidaires du Congo-Kinshasa), Foundation for Human Rights Initiative (Ouganda), SHRDO (Society for Human Rights and Developpment Organization, Sierra Leone), UCPDHO (RDC), REPRODEVH (Niger), Coalition mauritanienne contre la peine de mort, CODHAS (RDC), Pax Christi Uvira (RDC), RADHOMA (RDC), REJADD Togo, SYNAFEN (Niger), Prisoners’ Future Foundation (Zambie) et la Coalition nigérienne contre la peine de mort. Quelques jours plus tôt, la Coalition mondiale et ses membres ont écouté les présentations faites lors du Forum des ONG qui s’est tenu quelques jours avant le début de la session, du 29 avril au 1er mai 2023, également dans un format hybride.
La tendance abolitionniste se poursuit en Afrique
Une déclaration commune sur la peine de mort en Afrique a été soumise à la CADHP par la FIACAT et la Coalition mondiale, soulignant la forte dynamique abolitionniste sur le continent avec l’émergence de plusieurs projets de loi abolitionnistes, notamment au Libéria et au Ghana.
Dans son rapport d’activité intersession, l’Honorable Commissaire Idrissa Sow, Président du Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique a confirmé la dynamique abolitionniste sur le continent en soulignant plusieurs avancées positives. En particulier, la République de Zambie – dont le rapport périodique a été étudié en même temps que celui du Sénégal – a aboli la peine de mort en décembre 2022.
Par ailleurs, l’Honorable Idrissa Sow a annoncé que l’étude de 2011 sur la peine de mort en Afrique serait révisée. Un appel à contribution sera lancé afin de recueillir des informations pertinentes pour enrichir le rapport.
Les rapports de la Zambie et du Sénégal ont été étudiés
La conformité de la Zambie et du Sénégal avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte de Banjul) a été examinée au cours de cette session. Lors de la présentation du rapport périodique de la Zambie, le ministre zambien de la justice, Mulambo Hamakuni Haimbe, a déclaré que le président zambien Hakainde Hichilema avait promulgué l’abolition de la peine de mort en décembre 2022, ce qui constitue une avancée majeure pour les droits civils et politiques des Zambiens. À la suite de l’abolition de la peine de mort, le président zambien a commué en février 2023 les peines d’emprisonnement à vie de 390 condamnés à mort, dont 11 femmes, de telle sorte qu’il n’y aurait plus de personnes condamnées à mort en Zambie. La Coalition mondiale et l’un de ses membres ont soumis une note de position sur la peine de mort en Zambie, soulignant que des rapports confirmés indiquaient qu’il y avait encore 8 personnes dans le couloir de la mort en attente d’une grâce. L’honorable Topsy Sonoo, rapporteur spécial sur le pays, a exprimé son appréciation aux autorités zambiennes et les a appelées à ratifier l’OP2-ICCPR, visant à l’abolition de la peine de mort.
Par ailleurs, une note de position sur le Sénégal – abolitionniste en droit depuis 2004 – rédigée par l’ACAT Sénégal, la FIACAT et cosignée par la Coalition mondiale a été soumise à la CADHP. Tout en appréciant les progrès réalisés par les autorités sénégalaises en matière de protection du droit à la vie, l’ACAT Sénégal et ses organisations partenaires les appellent à ratifier le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à soutenir l’adoption du protocole à la Charte de Banjul.
Préoccupations croissantes concernant l’application de la peine de mort dans certains pays
L’Honorable Commissaire Idrissa Sow a exprimé sa préoccupation au sujet d’un projet de loi adopté par le Parlement ougandais en mars 2023 prévoyant des peines allant jusqu’à la peine de mort pour le crime d’homosexualité aggravée. Il a informé la Commission qu’il avait envoyé une lettre conjointe avec l’honorable Mudford Zachariah Mwandenga, le rapporteur chargé de la situation des droits de l’homme dans le pays, au président ougandais Yoweri Kaguta Museveni pour l’exhorter à ne pas promulguer ce projet de loi et lui rappeler son obligation, en tant qu’État partie à la Charte de Banjul, « d’assurer le respect du droit à la vie, en tant que droit fondamental sans lequel tous les autres droits ne peuvent être exercés« . Il a également été souligné que plusieurs pays, dont l’Égypte, le Kenya, la République démocratique du Congo, la Tanzanie et le Soudan, continuent de prononcer des condamnations à mort. En outre, certains systèmes judiciaires continuent d’imposer la peine capitale comme obligatoire pour certains crimes malgré la position de principes adoptée par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans son arrêt du 28 novembre 2019, rendu dans l’affaire Ally Rajabu c. République de Tanzanie, qui stipule que « l’imposition obligatoire de la peine de mort ne respecte pas les garanties d’une procédure régulière et viole les normes d’un procès équitable, en empêchant les cours de justice de fixer une peine proportionnelle au crime commis« .
Enfin, tout en réitérant l’appel à un moratoire pour les pays qui n’ont pas encore aboli, le groupe de travail a rappelé les positions de la Commission selon lesquelles la peine capitale doit être limitée aux crimes les plus graves que sont les meurtres avec l’intention de tuer.
La prochaine session ordinaire publique est prévue en octobre/novembre 2023.
Photo de la 75e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. De gauche à droite et de haut en bas : L’honorable commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo en ligne, l’honorable commissaire Idrissa Sow en ligne, le ministre zambien de la Justice Mulambo Hamakuni Haimbe en ligne et les autres commissaires présents à Banjul, en Gambie.
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