Démystifier les arguments en faveur du rétablissement de la peine de mort

Publié par Venus Aves, le 13 novembre 2023

À maintes reprises, les abolitionnistes ont plaidé contre la peine de mort en soulignant son caractère inhumain, inefficace et injuste.

Si les mouvements abolitionnistes ont contribué avec succès à l’abolition de la peine capitale dans 112 pays, le risque subsiste qu’elle soit rétablie malgré l’abolition, en particulier dans les pays qui n’ont pas encore signé le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est donc nécessaire d’élaborer des contre-arguments plus audacieux pour regagner le soutien de l’opinion publique en faveur de l’abolition et dissuader les acteurs politiques.

Bien que ce risque existe dans de nombreux pays, la Coalition mondiale a travaillé avec quatre pays, à savoir le Sri Lanka, la Turquie, les Philippines et les Maldives, où diverses évolutions politiques, religieuses et culturelles les exposent au risque d’un retour à la peine de mort.

En juillet 2023, la Coalition mondiale a rencontré en Malaisie des abolitionnistes de ces pays à risque afin de partager des stratégies et de discuter des meilleures pratiques pour lutter contre le retour de la peine de mort. Voici quelques exemples de la manière dont ils démystifient les arguments en faveur du rétablissement de la peine de mort :

Argument : La charia exige l’application de la peine de mort.

Réponse : La charia est fondée sur le principe de « repousser le mal » en protégeant les « cinq éléments indispensables » (al-daruriyyat al-khamsa), dont la vie (al-nafs). Le Coran encourage également activement les alternatives basées sur le pardon, la miséricorde et la restitution, et leur donne même la priorité sur la rétribution en tant que mode de justice. Cela signifie que la charia peut être respectée sans qu’il y ait d’exécutions.1 

Bonnes pratiques : Dans les pays susmentionnés, où les extrémistes religieux mènent la charge pour un retour aux exécutions, les militants reconnaissent la valeur de l’érudition islamique progressiste pour faire évoluer l’opinion publique sur la peine de mort. Un travail supplémentaire basé sur la sensibilisation des membres de la famille de la victime au fait qu’il existe des alternatives à la peine de mort qui sont toujours en accord avec les pratiques du Coran peut également s’avérer efficace. Le dialogue interreligieux est également considéré comme un moyen de favoriser une meilleure compréhension de la question par le public.

Argument : Les exécutions de personnes pour des délits liés à la drogue mettront fin au problème de la drogue.

Réponse : Cela ne décourage pas le trafic de drogue. Le commerce illégal de la drogue continue de prospérer dans certains des pays les plus prolifiques en matière d’exécution, comme l’Arabie saoudite, l’Iran, la Chine et la Malaisie. L’imposition de la peine de mort pour les délits liés à la drogue n’a pas non plus l’effet escompté sur la consommation de drogue. Les données des Nations Unies montrent que les pays qui maintiennent la peine de mort pour les délits liés à la drogue, comme la Malaisie, le Viêt Nam et l’Iran, ont une population de consommateurs de drogues injectables plus importante que les pays qui ont aboli la peine capitale pour les délits liés à la drogue.2 

Meilleure pratique : Sous l’administration Duterte aux Philippines, plusieurs projets de loi ont été déposés pour rétablir la peine de mort, principalement comme solution au problème de la drogue. Les abolitionnistes se sont alliés à des acteurs médicaux et sanitaires dans leurs actions de sensibilisation et de plaidoyer pour souligner que le problème de la drogue est un problème de santé et non un problème criminel.

Récit : Le rétablissement de la peine de mort aura un effet dissuasif sur la criminalité.

Réponse : Rien ne prouve que la peine de mort ait un effet dissuasif unique sur la criminalité. Les Philippines ont aboli la peine de mort en 1987, l’ont rétablie en 1993, puis l’ont à nouveau supprimée en 2006. Les registres de la police montrent que le nombre de viols et de meurtres a augmenté entre 1996 et 2006. Les viols incestueux ont plus que doublé en 1998 et 1999, période au cours de laquelle les condamnés ont été exécutés.3  En revanche, le taux de criminalité global a chuté de 50 % entre 2010 et 2015.4 

Meilleure pratique : La Flag Anti-Death Penalty Task Force a publié cette vidéo informative, accessible au public, qui démystifie le mythe de la dissuasion et d’autres arguments en faveur de la peine de mort aux Philippines.

L’abolition est un combat permanent, même dans les pays qui ont déjà aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Les extrémistes religieux, les autoritaires et les populistes ont leurs propres arguments en faveur du rétablissement de la peine de mort, que nous devons contrer à l’aide de notre propre arsenal d’outils juridiques et de plaidoyer. Pour en savoir plus sur ce que la Coalition mondiale et ses partenaires font pour empêcher le retour de la peine de mort, cliquer ici

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