ICJ Kenya rend visible la discrimination fondée sur le genre dans la peine capitale
Le Kenya est un pays cible de la campagne « Genre et peine de mort » de la Coalition mondiale, menée en collaboration avec ses organisations membres locales comme la Section kenyane de la Commission internationale des juristes (ICJ Kenya) et la Commission kenyane des droits de l’homme.
Bien que le Kenya n’ait pas procédé à des exécutions depuis 1987, la peine de mort existe toujours dans ses lois pour des délits tels que le meurtre, le vol avec violence, la trahison et la mutinerie. En février 2024, 101 personnes se trouvaient dans le couloir de la mort, dont deux femmes (ICJ Kenya, 2024). En 2022, elles étaient 656 personnes dont 22 femmes (ICJ Kenya, 2022).
En tant qu’organisation à but non lucratif dédiée aux droits humains et à la justice au Kenya, ICJ Kenya est activement impliquée dans le plaidoyer contre la discrimination de genre dans le processus judiciaire menant à la peine de mort, et a été à l’avant-garde de la campagne de plaidoyer pour rendre visible la discrimination intersectionnelle à laquelle les femmes sont confrontées dans la peine capitale dans le pays. Pour ce faire, ICJ Kenya a recours à diverses stratégies comme l’organisation de discussions entre parties prenantes, la mise en œuvre d’initiatives de plaidoyer, l’exploitation des plateformes numériques pour avoir un impact, en particulier lors d’événements tels que la Journée mondiale contre la peine de mort, et la réalisation de recherches, notamment des visites de prisons et des entretiens avec des femmes dans le couloir de la mort, qui sont ensuite diffusés par le biais de divers canaux, y compris les plateformes de réseaux sociaux et les podcasts.
Pour soutenir ce travail, ICJ Kenya a reçu une petite subvention de la Coalition mondiale qui lui a permis de publier un rapport sur les femmes et la peine de mort. Cette publication met en lumière la discrimination à laquelle sont confrontées les femmes dans le processus de la peine de mort au Kenya. Nous vous invitons à lire cette publication éclairante [cliquez ici], dont les points clés sont soulignés ci-dessous.
Violence fondée sur le genre et système de justice pénale : un continuum de violence
Les tendances observées dans les affaires judiciaires indiquent qu’au Kenya, la plupart des femmes condamnées à mort sont reconnues coupables de meurtre, souvent perpétré en réponse à des violences fondées sur le genre infligées par des partenaires masculins. Toutefois, cet aspect n’est souvent pas considéré comme une circonstance atténuante lors de la condamnation. La présence de préjugés sexistes systémiques au sein du système de justice pénale ne fait qu’exacerber ces injustices, car les femmes sont confrontées à des procédures d’instruction, à des procès et à des condamnations inéquitables, qui intensifient leurs traumatismes. Toutefois, il est important de reconnaître que des progrès notables ont été accomplis au Kenya, notamment grâce à l’arrêt State v Truphena Ndonga Aswani de 2021. Cette décision a remis en cause la peine de mort obligatoire pour meurtre, soulignant l’importance pour les juges de prendre en compte les circonstances atténuantes, y compris celles liées à la violence fondée sur le genre, avant de prononcer la sentence.
Le rôle des médias dans la perception des femmes dans le couloir de la mort
La publication de ICJ Kenya met en avant le rôle des médias dans la formation de l’opinion publique et des attitudes concernant un large éventail de questions sociales, y compris la représentation des femmes dans des affaires de peines capitales. Lorsque des femmes commettent des crimes, en particulier des crimes violents, les médias les décrivent souvent comme « doublement déviantes ». Cette caractérisation découle de la perception selon laquelle ces femmes ont non seulement transgressé la loi, mais aussi violé les attentes sociales en matière de féminité. En plus de renforcer les stéréotypes de genre sur ce qui fait une « bonne femme », ce type de couverture médiatique extensive conduit souvent les juges à imposer des peines plus sévères. Ce phénomène, connu sous le nom de « procès médiatique », porte atteinte aux principes d’une justice équitable et impartiale et a des répercussions négatives sur la santé mentale des femmes. En outre, l’exposition constante à des images négatives exacerbe le fardeau psychologique des femmes et entrave leur réintégration dans la société.
Le lien entre la violence psychologique et la provocation
Dans cette publication, ICJ Kenya met également l’accent sur l’étendue des abus psychologiques, comprenant les menaces, l’humiliation, le contrôle, et la manipulation. La publication approfondit le lien entre les abus psychologiques et la provocation, soulignant l’importance pour les tribunaux de reconnaître ces cas comme des circonstances atténuantes dans les procès, impliquant des femmes condamnées à mort pour meurtre dans le contexte de la violence basée sur le genre. La recherche indique que des abus prolongés à l’encontre des femmes peuvent conduire à la perception d’un besoin d’auto-préservation, qui se traduit souvent par des actions telles que le meurtre de l’agresseur. Cependant, les tribunaux exigent généralement une perte de contrôle soudaine et temporaire pour que la provocation soit prise en compte, sans tenir compte des effets à long terme de la violence domestique. En outre, ICJ Kenya démontre qu’il est essentiel de comprendre le « syndrome de la femme battue », car il met en évidence la détresse psychologique grave que connaissent les victimes de la violence du partenaire intime, qui peut altérer le raisonnement et affecter l’intention de commettre un crime.