Ce que le rapport de la Chine aux Nations unies nous apprend sur la transparence et la peine de mort

Asie

Plaidoyer

Publié par Coalition mondiale contre la peine de mort, le 28 juin 2024

En janvier 2024, la Chine s’est soumise à son quatrième examen périodique universel (EPU) par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Alors que lors de tous les examens précédents, la peine de mort était mentionnée dans le rapport de l’État chinois, rien n’a été mentionné cette année.

Silence sur la peine de mort

Dans son examen de 2014 et dans son rapport de 2018, la Chine a mentionné la peine de mort pour souligner les progrès réalisés dans la réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort : « En 2015, la Chine a adopté l’amendement (IX) au droit pénal, en vertu duquel la peine de mort a été abolie pour neuf crimes supplémentaires, conformément à l’abolition de la peine de mort pour 13 crimes économiques non violents dans l’amendement (VIII) au droit pénal de 2011 ». Cependant, l’expression « peine de mort » n’apparaît pas du tout dans son rapport présenté en 2024, bien que plusieurs États membres de l’ONU aient soulevé cette question avant la session de l’EPU.

Les organisations membres de la Coalition mondiale ont également soumis des informations sur la peine de mort avant la session, comme The Rights Practice, qui a souligné le fait que « depuis le troisième cycle de l’EPU, la transparence judiciaire en Chine a encore diminué. En 2021, des millions de décisions de justice ont été retirées de China Judgments Online, une base de données en ligne contenant les décisions de tous les niveaux des tribunaux chinois. Il s’agit notamment de tous les jugements relatifs à la sécurité de l’État et de toutes les affaires de peine de mort au stade de l’examen par la Cour populaire suprême. La Chine ne peut prétendre avoir réduit le nombre d’exécutions ou amélioré la procédure pénale tant que le secret judiciaire perdure. »

Amnesty International a également déclaré que la Chine continuait à classer les statistiques relatives aux exécutions et aux condamnations à mort dans la catégorie des « secrets d’État », mais que des milliers de personnes auraient été exécutées chaque année depuis le dernier examen.

Au total, les États membres des Nations unies ont adressé à la Chine 19 recommandations relatives à la peine de mort, notamment celle de réduire encore le nombre de crimes passibles de la peine de mort (Belgique et Chili) et d’instaurer un moratoire sur la peine de mort (Argentine, Brésil, Colombie, Chypre, France, Italie, Liechtenstein, Malte, Portugal, Roumanie, Slovénie et Espagne), tandis que les autres recommandations portaient sur l’abolition et la ratification du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP (Estonie, Islande, Norvège, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni).

Lors de la session du Conseil des droits de l’homme de juin-juillet 2024, la Chine annoncera si elle accepte ou non ces recommandations, mais les chances d’acceptation sont extrêmement faibles, car la Chine n’a jamais accepté les recommandations liées à la peine de mort lors des examens précédents.

Ingérence à l’ONU

La Chine est experte en matière de contrôle de l’information et, lors de l’EPU, elle est allée jusqu’à « éclairer » la communauté internationale. Les ONG ont rapporté que malgré les efforts de la Chine pour faire pression sur les gouvernements afin qu’ils répètent ses propres éléments de langage et le format contraignant de la réunion – qui n’accordait aux interventions qu’un créneau de 45 secondes -, au moins 50 États ont formulé de nombreuses recommandations spécifiques et détaillées à l’intention de Pékin sur des questions urgentes. Il s’agit notamment d’appels explicites à l’instauration d’un moratoire sur la peine de mort ou à son abolition pure et simple ». 

Les médias ont également rapporté que « quatre diplomates ont déclaré à Reuters que la mission de la Chine auprès des Nations unies à Genève avait envoyé des mémos aux diplomates dans la perspective de l’examen du bilan de Pékin par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. (…) Les diplomates ont déclaré que d’autres pays essayaient parfois d’influencer leurs déclarations au Conseil des Nations unies, mais que l’ampleur du lobbying chinois était exceptionnelle ».

Un secret d’État pour cacher un nombre plus élevé d’exécutions ?

Une étude récente intitulée « (Not) Talking about Capital Punishment in the Xi Jinping Era » (Ne pas parler de la peine capitale sous l’ère Xi Jinping) a évalué la manière et la fréquence à laquelle la peine de mort a été traitée en Chine sous l’ère Xi Jinping. L’étude s’est concentrée sur les discours prononcés par les dirigeants chinois, les publications dans le journal officiel de la Chine et les articles scientifiques figurant dans la plus grande base de données universitaire de Chine. Elle a révélé que, contrairement à ses prédécesseurs, le président Xi n’a jamais parlé directement de la peine de mort dans aucun de ses 680 discours. La couverture de la peine de mort par les médias d’État a également diminué depuis 2015, après la dernière réforme ayant porté sur le nombre de crimes passibles de la peine de mort.

Les informations sont désormais plus difficiles à obtenir qu’auparavant. L’une des rares organisations qui publiait des données sur la peine de mort en Chine, Dui Hua, a cessé de le faire depuis 2018. Et avec le retrait des jugements des tribunaux en ligne en 2021, la recherche sur le sujet a été rendue encore plus difficile. Cette situation n’est pas spécifique à la peine de mort, mais elle empêche la communauté internationale de mesurer les progrès accomplis par la Chine sur la voie de l’abolition de la peine de mort. 

On peut également s’interroger sur les raisons d’un tel secret. Peut-être que le nombre d’exécutions est en réalité beaucoup plus élevé que les estimations actuelles de quelques milliers par an. Peut-être que ce nombre a en fait augmenté au cours des dix dernières années, contrairement à la tendance mondiale et à la politique officielle du gouvernement chinois, qui consistait à « tuer moins, tuer avec précaution » ? Cela expliquerait certainement pourquoi la Chine n’a pas abordé la question lors de son dernier EPU.

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