Peine de mort et sécurité : perspectives issues de la table ronde de 2025

Publié par la Coalition Mondiale contre la peine de mort, le 30 octobre 2025

Le 9 octobre 2025, un panel d’expert·es internationaux·ales s’est réuni pour remettre en question l’idée fausse selon laquelle la peine de mort peut rendre les personnes et les communautés plus sûres. Animée par Mr Francis Tom Temprosa, directeur régional du Réseau asiatique contre la peine de mort (ADPAN), la discussion a rassemblé divers points de vue issus du droit, des droits humains et de l’expérience vécue.

Terrorisme et peine de mort

L’avocat international Oliver Windridge a examiné les liens entre les lois antiterroristes et la peine de mort, mettant en garde contre le fait que des définitions vagues du terrorisme peuvent encourager les exécutions arbitraires, motivées par des considérations politiques.

Il a appelé à des définitions juridiques précises et restrictives, à un contrôle international plus strict et à l’intégration de la défense de l’abolition dans les mécanismes mondiaux de lutte contre le terrorisme, tels que le Groupe d’action financière. Il a souligné que ces mesures sont essentielles pour empêcher l’utilisation abusive de la peine capitale sous le prétexte de la sécurité nationale.

La peine de mort ne garantit pas la sécurité en RDC

Olivier Lungwe Fataki, avocat et représentant de Pax Christi Uvira ASBL, a évoqué l’utilisation abusive de la peine de mort en République démocratique du Congo (RDC), en particulier dans un contexte d’insécurité et de conflit permanent. Il a souligné que les exécutions sont souvent présentées comme des mesures visant à protéger les communautés, mais qu’en réalité, elles servent d’outils politiques qui renforcent la méfiance à l’égard du système judiciaire et exacerbent les tensions sociales.

M. Fataki a expliqué que la récente levée partielle du moratoire sur les exécutions de la peine de mort en RDC concerne les infractions éminemment politiques, ce qui rattache à cette peine un caractère d’instrumentalisation politique. Cela nuit à sa crédibilité et ne permet pas de s’attaquer aux causes profondes de la violence. « Les exécutions sont présentées comme une mesure de protection, mais elles créent davantage d’insécurité au lieu d’en réduire », a-t-il observé. Il a appelé à la mise en place de stratégies globales fondées sur les droits, notamment une réforme judiciaire, le renforcement de l’État de droit, l’engagement communautaire et l’investissement dans la prévention de la criminalité, qui constituent des moyens beaucoup plus efficaces de promouvoir une sécurité et une stabilité durables.

La peine de mort n’est pas une solution à la violence sexiste

Ivana Krstić, vice-présidente du Groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, a souligné que la peine de mort ne protège pas les survivantes de la violence fondée sur le genre et peut renforcer les inégalités systémiques.

Elle a expliqué que les peines sévères peuvent dissuader les survivantes de signaler les crimes et perpétuer les normes patriarcales qui favorisent la violence. « La véritable protection contre la violence sexiste et sexuelle ne réside pas dans les exécutions, mais dans des stratégies globales », a-t-elle déclaré. « Les femmes seront plus en sécurité lorsque les États mettront en place des systèmes judiciaires efficaces, démantèleront les structures d’inégalité et créeront des environnements où tout le monde pourra vivre sans crainte. »

Mme Krstić a souligné que les efforts abolitionnistes doivent s’aligner sur les initiatives en faveur de l’égalité des genres, en partenariat avec les organisations de défense des droits des femmes, les mouvements féministes et les défenseurs des LGBTQ+, afin de garantir une justice centrée sur les survivants et de dénoncer la fausse promesse de sécurité que représente la peine de mort.

Témoin de l’injustice : le point de vue de personnes directement impactées 

Ruth Nakajja, ancienne prisonnière politique en Ouganda qui a été condamnée à mort, a livré un témoignage personnel émouvant sur la façon dont la peine capitale perpétue la souffrance au lieu de la prévenir.

« La justice n’a jamais été de notre côté… La peine de mort n’est pas une solution. Même si vous me tuez aujourd’hui, demain d’autres continueront à souffrir. Celles et ceux qui sont toujours lésés sont les personnes pauvres, innocentes et celles qui n’ont jamais eu la possibilité de se défendre », a-t-elle déclaré.

Mme Nakajja a décrit les années qu’elle et sa famille ont passées en prison pour un crime qu’ils n’avaient pas commis, soulignant le traumatisme multigénérationnel infligé aux enfants et aux communautés. Elle a appelé à la mise en place de mécanismes de justice réparatrice et de réformes systémiques qui s’attaquent aux causes profondes de la violence et des inégalités.

La peine de mort ne rend pas les individus et les sociétés plus sûrs

Les réflexions des participant·es ont convergé vers une vérité fondamentale : la peine de mort ne rend pas les sociétés plus sûres, elle aggrave les cycles de peur, de violence et d’injustice. Dans tous les contextes – terrorisme, violence fondée sur le genre, répression politique et insécurité – le même schéma se dessine : la peine de mort offre l’illusion du contrôle, et non la réalité de la sécurité.

Les intervenant·es ont convenu que ce qui protège véritablement les communautés, ce sont des institutions solides, des procès équitables, l’égalité devant la loi et des systèmes judiciaires fondés sur la dignité humaine. Mettre fin à la peine de mort n’est pas un acte de clémence, c’est un engagement à construire des sociétés où la vie est valorisée et où la responsabilité est réelle.

Comme nous le rappelle la Journée mondiale contre la peine de mort, la véritable sécurité ne passe pas par la peur, mais par la justice, l’inclusion et l’humanité.

Plus d'articles