Appel pour l’abolition d’une peine de mort qui ne fonctionne pas
Caraïbes
A l’occasion de la Journée des droits de l’Homme ce 10 décembre, 23 organisations de la société civile des Caraïbes ont signé un appel « demandant aux gouvernements de la région de prendre des mesures pour l’abolition de la peine de mort ». Les signataires affirment que « la peine de mort viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme », dont l’anniversaire marque la Journée des droits de l’Homme chaque année.
Amnesty International, l’un des signataires, publie également un rapport intitulé « La peine de mort dans les Caraïbes anglophones : une question de droits de l’Homme ». On peut y lire : « Alors que le monde s’éloigne de la peine de mort, les décideurs des pays anglophones des Caraïbes continuent à présenter la peine capitale comme une solution à la criminalité sans parvenir pour l’instant à s’attaquer aux causes profondes de la multiplication des crimes violents ni à réformer des systèmes de justice pénale inadéquats. »
Le rapport cite ainsi le Dr Alif Bulkan, un avocat du Guyana : « Les gouvernements aiment la peine de mort, ils aiment y recourir parce que cela donne l’impression que vous faites quelque chose si vous pendez des gens. Mais dans les faits, vous n’avez rien accompli. »
Amnesty liste 12 pays qui soutiennent activement l’utilisation de la peine de mort malgré la tendance internationale pour l’abolition :
- Antigua-et-Barbuda
- les Bahamas
- la Barbade
- Belize
- la Dominique
- le Guyana
- Grenade
- la Jamaïque
- Sainte-Lucie
- Saint-Kitts-et-Nevis
- Saint-Vincent-et-les-Grenadines
- Trinidad-et-Tobago.
“La pendaison est une solution simpliste”
Le rapport identifie de nombreux problèmes dans l’application de la peine capitale dans la région, depuis les peines de mort automatiques qui excluent les circonstances atténuantes en violation du droit international jusqu’à l’utilisation de la peine de mort contre des malades mentaux en passant par les manquements à des procédures équitables.
Amnesty souligne les arguments d’abolitionnistes locaux, en rappelant notamment que la peine capitale n’a pas d’effet dissuasif. « La pendaison est une solution simpliste destinée à la revanche plus qu’à la dissuasion. (…) La colère qui bout chez ceux qui sont affectés par des meurtres sanglants est compréhensible. (…) C’est là que nous avons besoin de dirigeants à la tête froide pour nous conduire au-delà de nos instincts primitifs et animaux, vers des solutions efficaces à des problèmes qui nous laissent perplexes », écrivait ainsi l’avocat jamaïcain Din Duggan dans une tribune de presse l’année dernière.
Les militants s’organisent au niveau régional. Il y a un an, ils ont formé le réseau « Caraïbes pour la vie » à la suite d’une conférence organisée par la Communauté de Sant’Egidio, un autre membre de la Coalition mondiale.
« Une mesure populiste pour contenter l’électorat »
« Tandis que les pays d’Amérique centrale et du Sud sont pour la plupart abolitionnistes, le Venezuela étant le premier État moderne à avoir supprimé la peine de mort en 1863, la plupart des îles des Caraïbes ont conservé ce châtiment. Cependant, dans la pratique, les déclarations des gouvernements des Caraïbes en faveur de la peine de mort semblent une mesure populiste destinée à plaire à l’électorat », écrivent Javier Zúñig d’Amnesty International et Leela Ramdeen, membre du comité de pilotage de Caraïbes pour la vie dans une tribune publiée par le Trinidad Express le 30 novembre.
« En raison des irrégularités de procédure et des défaillances structurelles du système judiciaire, des condamnations à mort ont fréquemment été annulées. Les exécutions sont rares, la dernière en date ayant été signalée à Saint-Kitts-et-Nevis en 2008, les quartiers des condamnés à mort sont déserts à Antigua-et-Barbuda, Belize, Cuba et la Dominique, et quatre pays au moins n’ont pas prononcé de sentence capitale depuis 2005 », ajoutent-ils.
Le rapport d’Amnesty se termine par un appel pour un moratoire sur les exécutions conforme aux résolutions des Nations unies et à la commutation des condamnations à mort existantes. Amnesty appelle aussi les gouvernements caribéens à « annuler immédiatement toutes les dispositions des législations nationales qui violent le droit international » et à « réformer et améliorer les systèmes de justice pénale ».
L’organisation publiera des ressources complémentaires pour faciliter le travail des abolitionnistes de la région.
La Coalition mondiale a quant à elle décidé de consacrer la 11e Journée mondiale contre la peine de mort aux Caraïbes le 10 octobre 2013.