Les avocats chinois, « héros de justice »
Congrès mondial
Véritable fer de lance de la mobilisation abolitionniste en Chine, l’avocat et professeur de droit Teng Biao a évoqué la difficulté de mener son combat en Chine.
« L’inspection annuelle des licences est comme une épée de Damoclès au-dessus tous les avocats », déclare le fondateur du réseau « China Against the Death Penalty ». Les barreaux ne sont pas indépendants et chaque année, ils examinent les dossiers pour renouveler les licences de tous les avocats sans lesquelles ils ne peuvent pas exercer.
« Ils peuvent aussi menacer ouvertement les avocats des droits de l’Homme et les empêcher de représenter des dossiers sensibles », ajoute Teng. Autre problème rencontré par de nombreux avocats : l’accusation de falsification de preuves ou de « parjure par avocat ».
Droits de l’avocat non garantis
Les droits de tout avocat, y compris celui de voir leur client, d’avoir accès au dossier, d’enquêter sur l’affaire pour réunir des preuves, de mener un contre-interrogatoire et de plaider une affaire devant un tribunal, ne sont souvent pas garantis. Certains avocats ont également été envoyés en camps de rééducation par le travail, en prison, ou ont été victimes de disparition forcée et de torture lorsqu’ils travaillaient sur des dossiers sensibles.
Liang Xiaojun, avocat et membre de « China Against the Death Penalty »,, a souligné que Teng Biao a lui-même été placé en détention provisoire à la veille des Jeux olympiques de 2008 à Beijing. Par la suite, sa licence d’avocat a été révoquée par les autorités et, en 2011, au cours de la « révolution de jasmin » après le Printemps arabe, il a été arrêté par les autorités et détenu au secret pendant 70 jours au cours desquels il a été soumis à des traitements inhumains.
L’ancien ministre français de la Justice Robert Badinter, membre de la Commission internationale contre la peine de mort, a appelé ces avocats qui défendent les prisonniers même au péril de leur vie des « héros de justice ».
Parler des condamnations à mort aux termes de procès inéquitables
Plus de 85 % des exécutions dans le monde ont lieu en Chine. Dans ce contexte, la tâche des avocats est gigantesque.
Leur stratégie se concentre sur les cas impliquant des aveux sous la torture, la légitime défense, le manque de preuves ou la maladie mentale pour sensibiliser le public et améliorer les normes de procès équitable.
L’avocat Liu Weiguo a présenté trois cas sur lesquels les avocats ont travaillé en Chine pour réduire l’application de la peine de mort. Parmi eux, celui de Zhao Zuohai, condamné à mort en 2002 pour le meurtre de Zhao Zhenshang.
Le 8 mai 1998, un cadavre décomposé sans tête est découvert dans leur village. La police locale identifie Zhao Zhenshang et arrête Zhao Zuohai. Entre le 10 mai et le 18 Juin 1999 Zhao Zuohai avoue neuf fois avoir commis le crime. Le 30 avril 2010, Zhao Zhenshang retourne bien vivant au village.
L’affaire a beaucoup attiré l’attention du public et des médias et a permis l’amélioration des lignes directrices sur l’exclusion des preuves obtenues illégalement. « Notre campagne à travers les médias et les réseaux sociaux a recueilli beaucoup de soutien de la part du public. Grâce à ces affaires, on peut montrer que la peine de mort représente un grand danger pour la justice », affirme Liu.
« Les avocats sont confrontés à beaucoup de difficultés et leur impact dans les dossiers peine de mort est en général limité. Mais avec leur implication pour faire évoluer la procédure pénale, avec la puissance du média Internet, les avocats peuvent encore faire la différence », ajoute-t-il.
Rôle de la communauté internationale
Teng Biao est également intervenu dans l’atelier sur la présentation d’un nouveau manuel destiné aux avocats qui défendent des personnes passibles de la peine de mort.
Sandra Babcock, auteur du manuel, lui a demandé ce que la communauté internationale pouvait faire pour soutenir leur travail dans ce contexte. Il a répondu qu’il était très important de faire connaître ces affaires et les informations sur la peine de mort en Chine.
Il a également recommandé de soutenir les avocats à travers des formations et des échanges de bonnes pratiques et d’information, notamment quand ils sont soumis à de fortes pressions en Chine.