Villes pour la vie – 2016 : Restons vigilants
Comme tous les ans depuis 2002, la journée « Villes pour la vie – Villes contre la peine de mort » était célébrée le 30 novembre à travers le monde. À l’initiative de la Communauté Sant’Egidio, membre de la Coalition mondiale contre la peine de mort, cet événement a eu lieu dans plus de 2000 villes sur les 5 continents. Pour sensibiliser la société civile à la cause abolitionniste, des bâtiments emblématiques ont été illuminés. À Paris, alors que l’abolition en France fête ses 35 ans, le rassemblement a eu lieu devant la Maison de Victor Hugo, dont la façade était éclairée.
Illuminer un monument pour sensibiliser à l’abolition de la peine de mort
« Lorsque l’Assemblée nationale faisait la Constitution, la question s’est présentée. Je lui ai crié : c’est l’heure, hâtez-vous (…), consacrez aujourd’hui sans plus attendre ce grand fait, l’inviolabilité de la vie humaine. Abolissez la peine de mort ! L’Assemblée a écouté, mais n’a pas entendu. » C’est par ces mots de Victor Hugo que Christophe Girard, maire du quatrième arrondissement de Paris, rappelle l’attachement de l’écrivain à la cause abolitionniste, mais aussi les obstacles qu’elle a dû surmonter en France avant l’abolition en 1981. Au même moment d’autres événements se tiennent à Rome, Lyon, Barcelone, Lausanne, Wiesbaden, Kristiansand, Cotonou, Dakar, New York ou encore Rio de Janeiro… et plus de 2100 villes de tailles diverses dans le monde.
Chacune de ces manifestations célèbre les « Villes pour la vie – villes contre la peine de mort », affirmant l’engagement de la société civile pour l’abolition universelle et les valeurs qui la rendent possible. Si la ville de Paris a rejoint le réseau « Cities for Life » en 2012, plus de 67 capitales y participent. Parmi les monuments illuminés figurent le Colisée de Rome, l’Église St-Boniface à Wiesbaden, ou encore l’église Notre Dame de Conception à Vila Viçosa. La date elle-même a une portée symbolique puisqu’il s’agit de la date anniversaire de la première abolition de la peine de mort par un État, le Duché de Toscane (30 novembre 1786).
Comme le rappelle Valérie Régnier, présidente de la communauté de Sant’Egidio France, la coordination de ces événements permet de soutenir le consensus croissant en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort. Aujourd’hui, 105 pays sont abolitionnistes, 7 ont aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun, et 29 l’autorisent en droit mais ne l’appliquent pas. Si l’universalisation de l’abolition progresse, 57 pays continuent de pratiquer la peine capitale, dans des proportions très inégales. Plusieurs intervenants rappellent que lutter pour l’abolition de la peine de mort demande aussi d’oeuvrer aux conditions de son non-rétablissement dans les pays où elle n’existe plus. Les marches, spectacles, conférences qui sont organisés sont aussi un moyen de mettre en lumière les actions menées toute l’année en faveur d’une justice qui ne tue pas.
Un témoignage de solidarité face à la peine capitale
Choisir la ville comme niveau de mobilisation n’est pas anodin. Cela permet de montrer le refus de la peine de mort par les peuples, et de mettre l’accent sur la société civile. Lorsque les villes libérées de la peine de mort se mobilisent, elles effectuent un geste de solidarité internationale envers les peuples pour lesquels celle-ci reste une réalité. En 2002, l’événement ne comptait que 80 villes participantes. Pour rejoindre cette mobilisation, certains militants ont dû imaginer des solutions alternatives. Ainsi, dans certaines villes de Corée du Sud, ce sont les militants eux-mêmes qui illuminent les bâtiments, les maires refusant de se prononcer en faveur de l’abolition de la peine de mort.
Cette démonstration de « l’universalité de la cause », selon les mots d’Aurélie Plaçais, directrice de la Coalition mondiale contre la peine de mort, est renforcée par la diversité des participants dans les différentes villes. À Rome, d’anciens détenus du couloir de la mort, issus de divers pays, ont pris la parole. Des professionnels du système carcéral aux convictions abolitionnistes ont témoigné. Ailleurs, des familles de victimes de personnes ayant été condamnées à mort ont exprimé leur soutien à la manifestation.
Travailler au rassemblement, c’est réunir des villes, des points de vue, mais aussi les générations. Raphaël Chenuil-Hazan, directeur d’Ensemble contre la peine de mort, appelle les jeunes à rejoindre des associations et à s’engager : « À travers l’abolition, nous parlons de tous les autres Droits de l’Homme ».
Mobiliser la jeunesse
À l’heure où des pays comme les Philippines et la Turquie sont tentés de rétablir la peine de mort face aux violences internes ou au terrorisme, alors que le nombre de condamnations à mort a augmenté de 15 % en 2015, les intervenants soulignent l’importance de donner aux jeunes les moyens de comprendre les enjeux d’un tel acte. « Les nouvelles générations sont nées avec le 11 septembre, » explique Valérie Régnier « et dans ce contexte international difficile, il n’y a pas d’évidence sur le thème de la peine de mort. C’est donc important de sensibiliser les jeunes si on veut créer une culture de la vie ».
À Paris, l’appel des aînés a été entendu. Diane Pacreau, du mouvement des Jeunes pour la Paix, prend la parole et tient à rappeler la « valeur de la vie ». Pour la toute jeune étudiante en droit, lutter contre la peine de mort, c’est aussi agir pour la paix : « Puisque nous désirons la paix, et agissons pour son avènement, ne devons-nous pas nous révolter face à la violence de la peine capitale ? ». Dans la petite foule rassemblée Place des Vosges, Hugo, 16 ans, venu braver le froid avec ses amis, ne dit pas autre chose.
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