Le difficile combat des abolitionnistes iraniens
Vingt-et-une pendaisons ont eu lieu en Iran pendant la seule journée du 5 septembre. De plus, selon les organisations membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort, au moins 32 personnes ont été exécutées dans le pays en juillet et août. Cela porte le nombre d’exécutions iraniennes à au moins 189 depuis le début de l’année.
Les abolitionnistes du monde entier se sont insurgés contre l’accélération des mises à mort dans le pays et leur mise en scène de plus en plus macabre.
L’association française Ensemble contre la peine de mort a ainsi dénoncé un « été sanglant en Iran », rappelant que la capitale, Téhéran, a vu sa première pendaison publique depuis cinq ans le 2 août dernier.
Autre grand bon en arrière : la lapidation d’un homme pour adultère le 5 juillet, là encore la première depuis cinq ans. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme a rappelé à cette occasion que « la lapidation est un châtiment inhumain et dégradant qui viole l’article 7 du Pacte international pour les droits civils et politiques, ratifié par la République islamique ».
Parallèlement à cette vague d’exécutions, le pouvoir iranien a pris soin de museler l’une des rares voix qui ose s’élever contre la peine de mort dans le pays. Le journaliste et écrivain Emadeddin Baghi, dont l’Association pour le droit à la vie vient de rejoindre la Coalition mondiale, a été condamné à trois ans de prison.
« Tout cela est dû à mes articles et mes interviews », explique Emadeddin Baghi, qui a fait appel. Tous ses livres sont interdits et il a déjà passé trois ans derrière les barreaux.
Sa condamnation a déclenché une protestation du gouvernement français, qui lui a attribué le prix des droits de l’Homme de la République française en 2005.
Lutter contre le secret
Dans ces conditions, comment faire reculer la peine de mort en Iran ?
Hossein Mahoutiha, membre des Groupes d’activistes iraniens pour les droits de l’Homme en Europe et au Canada, participe au combat depuis le Québec. Pour lui, pas question de retourner librement en Iran.
« La plupart de nos actions sont des réactions, explique-t-il. Nous défendons des cas particulier, nous essayons d’empêcher telle ou telle exécution. »
Un travail rendu difficile par le manque de transparence qui entoure les condamnations à mort : « Pour la plupart des personnes exécutées, nous avons l’information après coup », rapporte Hossein Mahoutiha.
Le secret couvre toute la procédure, puisque même les avocats ne peuvent parler librement avec leur client.
Quand les abolitionnistes iraniens apprennent que des condamnés risquent la peine capitale, ils font appel aux réactions étrangères. « Quand l’Union européenne ou d’autres mettent la pression, ça change, témoigne Hossein Mahoutiha. Mais en Iran, les gens sont divisés, il n’y a pas de grand mouvement populaire. »
Ainsi, les critiques répétées de la communauté internationale sur les exécutions de mineurs commencent à avoir un effet. La justice iranienne attend souvent que les plus jeunes condamnés aient 18 ans pour les exécuter. « Ce n’est qu’un contournement, le système s’adapte », regrette Hossein Mahoutiha.
« Le mouvement gagne »
Le régime de Téhéran, qui présente la vague d’exécutions de cet été comme un moyen de se débarrasser des « mauvaises herbes », parvient à maintenir un certain soutien populaire pour la peine de mort en Iran. « Si l’on défend un violeur d’enfant condamné à mort, on est pour les violeurs d’enfants », résume Hossein Mahoutiha.
Son organisation a donc décidé de ne pas publier les chefs d’accusation dans les rapports qu’elle publie sur la peine de mort dans le pays, se concentrant sur l’opposition au principe de la peine capitale.
Le militant exilé sait que le combat sera long : « Le manque de volonté politique, la censure et l’absence de mouvement de masse font que nos actions restent limitées », reconnaît-il.
Et pourtant, les choses bougent. « Un groupe comme le nôtre n’existait pas il y a six ans, et le mouvement gagne. Moi-même, je ne réagissais pas de la même façon il y a quelques années », constate Hossein Mahoutiha.