Des religieux thaïlandais donnent leur point de vue sur la peine de mort
Asie
Quatre réunions pour débattre de la position de la religion vis-à-vis de l’abolition de la peine de mort ont pris place au cours des quatre dernières semaines en différents lieux de la Thaïlande ; un dernier séminaire se tiendra en août. Ces réunions ont rassemblé, à chaque fois, entre 25 et 80 personnes.
Des moines et universitaires bouddhistes ont rejoint des avocats et des activistes des droits de l’Homme à Chiang Mai le 30 juin, à Ubon Ratchathani le 7 juillet et à Bangkok les 15 et 16 juillet, tandis que des représentants et des érudits musulmans ont assisté à un autre séminaire le 12 juillet à Bangkok. Des discussions ont également eu lieu avec des ecclésiastiques chrétiens.
Selon le recensement de 2000, la population thaïlandaise rassemble 94,6% de Bouddhistes, 4,6% des Musulmans, et 0,7% de Chrétiens.
Incompatible avec les principes du bouddhisme
La plupart des moines bouddhistes qui ont assisté aux séminaires ont déclaré n’avoir pas tellement réfléchi aux problème de la peine de mort jusqu’ici, car il tiennent à rester à l’écart des débats politiques. Cependant, confrontés à la réalité de la peine de mort, ils la jugent incompatible avec les principes du Bouddhisme.
Bien que les Bouddhistes croient que ceux qui se sont mal comportés seront punis, ils rejettent toute idée de mise à mort. Ils promeuvent également la retour à la vertu des êtres humains qui ont commis de mauvaises actions, comme l’illustre l’histoire d’Angulimala – un meurtrier qui s’est repenti et est devenu moine après avoir rencontré le Bouddha. “Si nous souhaitons promouvoir le Bouddhisme, et sommes Bouddhistes, nous devrions abolir la peine de mort”, a ainsi déclaré un participant.
Pourtant, beaucoup doutent que la société thaïlandaise et son système judiciaire puissent abolir la peine de mort à court terme, et ont souligné que l’abolition de la peine capitale devrait s’inscrire dans un effort plus large pour réformer la société selon les préceptes bouddhistes.
Les participants au séminaire sur la religion musulmane, qui s’est tenu à la Fondation du Centre Islamique de Thaïlande, ont souligné que la peine de mort ne pouvait pas être formellement abolie, selon la loi islamique. Un érudit en droit a en effet expliqué que la peine de mort est préconisée dans le Coran par Allah et ne peut pas être remise en cause. Mais, bien qu’ils ne partagent pas les préceptes bouddhistes, selon lesquels les individus peuvent se réformer, les Musulmans partagent l’idée bouddhiste selon laquelle “la compassion et la bonté” peuvent conduire au pardon.
Une discussion s’est engagée sur la pratique des Musulmans consistant à commuer une condamnation à mort après le paiement d’une compensation si la famille de la victime l’approuve, et sur le besoin de preuves indiscutables, impliquant quatre témoins, pour qu’une condamnation à mort soit prononcée sous la Shariah.
Un érudit musulman a déclaré par la suite qu’il accepterait sans difficulté l’idée d’un moratoire sur la peine de mort dans la mesure où la loi appliquée s’avère imparfaite.
“Les moines ont une grande influence”
Danthong Breen, représentant de l’UCL, a expliqué que l’idée des séminaires lui est venue par la publication, il y a trois ans, d’un rapport de la FIDH montrant que les moines bouddhistes, bien qu’opposés par principe à la peine de mort, n’en avaient jamais débattu.
Le projet a été conforté lors de discussions avec de hauts représentants du gouvernement, qui étaient prêts à envisager l’abolition de la peine capitale, mais refusaient d’aller à l’encontre de l’opinion publique.
“Comment convaincre l’opinion ? Les moines ont une grande influence”, se souvient avoir pensé Danthong Breen. Au cours des deux dernières années, il a cherché des financements pour organiser une série de séminaires et les a obtenus auprès de l’Union européenne et des gouvernements français et néerlandais.
Il a été impressionné par l’impact que l’information et la discussion ont pu avoir sur les participants. “La plupart venaient favorables à 100% à la peine de mort, et nous sommes parvenus à changer l’opinion de beaucoup d’entre eux dans la journée”, s’est-il félicité.
Une conséquence inattendue du projet est son impact sur le moral des condamnés à mort. “J’ai rendu visite à un détenu du couloir de la mort qui était fasciné et m’a demandé des documents sur les séminaires pour lui-même et ses co-détenus”, a rapporté Danthong Breen.
Suivant la première série de réunions, l’UCL envisage d’organiser un grand nombre d’évènements plus modestes dans tout le pays. “Il s’agirait d’un programme de deux heures avec une présentation multimédia montrant ce qu’est une exécution, car beaucoup de gens l’ignorent”, a-t-il détaillé.
Danthong Breen recherche maintenant des financements pour développer cette deuxième partie du programme et espère que des membres d’ONG et des participants de ces premiers séminaires pourront intervenir pour modérer les débats dans les temples bouddhistes, les mosquées et les églises dans toute la Thaïlande.
Pour en savoir plus, voir le blog "Death Penalty Thailand" (en anglais)