La Jamaïque, témoin de la tendance rétentionniste dans les Caraïbes

Caraïbes

le 9 janvier 2009

Les opposants à la peine de mort dans toutes les Caraïbes se préparent à une année 2009 difficile après le vote des sénateurs jamaïcains, qui ont décidé de maintenir la peine de mort le 21 décembre 2008.
Le résultat du scrutin sénatorial reflète un vote de la Chambre des représentants sur le même sujet en Novembre.
Aucune nouvelle législation n’était débattue. Il s’agissait plutôt de demander aux parlementaires de procéder à un « vote de conscience » et de choisir entre l’abolition et le maintien de la peine capitale.
La peine de mort était inscrite dans le droit jamaïcain avant l’indépendance, mais elle n’a pas été utilisée dans le pays depuis 1988.
Les élus ont débattu le sujet activement après plusieurs meurtres d’enfants particulièrement horribles qui ont provoqué l’indignation à l’encontre du niveau de criminalité en Jamaïque, l’un des plus élevés du monde.
« Le gouvernement a la responsabilité d’assurer l’application de la justice. La cause de la justice, je le crois, doit être l’argument le plus fort en faveur de la peine de mort », a déclaré le ministre des finances Audley Shaw pendant le débat à la Chambre.
La députée d’opposition Maxine Henry Wilson a mis en cause l’efficacité de la peine capitale dans la lutte contre le crime. « Si nous procédons à des pendaisons et que le résultat n’est pas celui attendu, que nous reste-t-il ? Nous n’attrapons pas les criminels, c’est là le problème fondamental », a-t-elle déclaré.
Malgré un appel du célèbre archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu par l’intermédiaire d’Amnesty International et le communiqué de 14 évêques anglicans des Caraïbes « appelant [leurs] peuples à [les] soutenir dans [leur] opposition à la peine de mort », les votes ont dégagé une majorité claire en faveur de sa rétention dans les deux chambres.

Menace d’amendement constitutionnel

« Nous nous attendions au résultat du vote », explique Nancy Anderson, responsable juridique et secrétaire du Conseil jamaïcain indépendant pour les droits de l’Homme (IJCHR). « Ce qui nous a surpris, c’était la proposition de modifier la constitution pour annuler une décision de justice qui stipule qu’après cinq ans dans le couloir de la mort, la condamnation est commutée en prison à vie. » Cette limite a été imposée par le Privy Council, un organisme basé à Londres dont la juridiction s’étend aux Antilles anglophones.
Si un tel amendement constitutionnel était présenté, l’IJCHR est prêt à le combattre en arguant la violation de la séparation entre pouvoir judiciaire et législatif.
L’organisation travaille également à la sensibilisation du public par des interviews dans les médias.
La formation d’avocats et la défense de condamnés constitue un autre canal d’action pour les abolitionnistes jamaïcains. Il y a actuellement huit prisonniers dans le couloir de la mort dans le pays, dont cinq approchent de la limite des cinq ans.
L’IJCHR est l’organisation abolitionniste la plus active en Jamaïque. La section locale d’Amnesty International et l’Eglise catholique participent également au mouvement.
Une récente rencontre avec des ecclésiastiques de toutes obédiences a permis de dégager un consensus sur l’urgence d’une réforme du système pénal. « Les leaders religieux sont divisés sur la question de, la peine de mort, mais ils s’inquiètent de l’état de notre système judiciaire et pensent qu’il ne devrait y avoir aucune pendaison avant qu’il ait été amélioré », rapporte Nancy Anderson.

La première exécution en cinq ans dans les Caraïbes

La situation en Jamaïque reflète une tendance rétentionniste observée dans toutes les Caraïbes. En décembre 2008, un quart des pays ayant voté contre une résolution de l’Onu pour un moratoire sur les exécutions se trouvaient dans la région.
Le jour du vote de conscience jamaïcain, une exécution a eu lieu à Saint Kitts – la première dans les Caraïbes depuis 2003.
« Les gouvernements estiment que la peine de mort est une réponse à la montée de la criminalité », explique Carmelo Campus Cruz (photo), de la Coalition portoricaine contre la peine de mort. « Le taux annuel d’homicide dans les Caraïbes est de 30 pour 100 000 habitants, l’un des plus élevés au monde. »
La Coalition portoricaine travaille a l’unification des militants de la région au sein d’un réseau caribbéen pour renforcer leur action et se coordonner avec des soutiens extérieurs comme la Coalition mondiale ou l’Union européenne.
« Si nous parvenons à unifier des Eglises, des syndicats, tous les membres de ce mouvement, nous pouvons être plus productifs. Les temps à venir seront durs, avec un renforcement de l’utilisation de la peine de mort et de nouvelles remises en cause des décisions du Privy Council », annonce Carmelo Campus Cruz.

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