Mobilisation mondiale contre les condamnations en Irak
Plaidoyer
Tarek Aziz (photo), le vice-premier ministre du régime de Saddam Hussein, a été reconnu coupable de « meurtre avec préméditation et crimes contre l’humanité » par la Cour suprême irakienne et condamné à mort le 26 octobre.
Aziz rejoint dans le couloir de la mort Sadoun Shakir , l’ancien ministre de l’Intérieur, ainsi que Mizban Khuder Hadi et Aziz Salih al-Noaman, deux hauts fonctionnaires du régime. Ces derniers font tous les trois déjà l’objet de démarches de la part de nombreuses personnalités et organisations influentes qui demandent la commutation de leurs peines.
Le nombre d’acteurs abolitionnistes qui se sont mobilisés pour prévenir leur exécution démontre combien leur cas symbolise l’inutilité de la peine de mort.
Le 25 novembre, le Parlement européen a adopté une résolution qui réitère son opposition générale à la peine de mort et son opposition spécifique à la condamnation de Tarek Aziz car elle « n’apaisera en rien le climat de violence qui règne en Irak » alors que « le pays a un besoin criant de réconciliation nationale ».
Le Vatican intervient
Le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a lui aussi appelé l’Irak à ne pas exécuter Aziz, un chrétien et ami personnel de l’ancien pape Jean-Paul II. Lombardi a déclaré que la commutation de sa peine encouragerait la réconciliation et la reconstruction de la paix et de la justice en Irak. Il a aussi annoncé que le Vatican était prêt à intervenir par les canaux diplomatiques. L’archevêque irakien Louis Sako a renchéri en estimant que la peine de mort retenue contre Aziz est un « acte de vengeance » et « un signe de la faiblesse du gouvernement ».
Le sujet est très suivi en Italie, où le Sénat a voté unanimement une résolution bipartisane qui engage le gouvernement à agir urgemment pour empêcher l’exécution de Tarek Aziz et de ses co-accusés. Dans ce cadre, le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini s’est rendu à Bagdad avec le député européen Marco Pannella.
L’ancien député britannique Tony Benn et l’essayiste spécialisée sur les droits de l’Homme Felicity Arbuthnot ont appelé le premier ministre britannique David Cameron à agir. « Toute absence d’action qui déboucherait sur un nouveau lynchage, imposerait l’horreur à tout citoyen conscient, puisque l’on nous dit que nous sommes une démocratie. Nous vous implorons d’agir », ont-ils écrit.
Les ONG ont aussi pris position. Sergio D’Elia, secrétaire de l’organisation membre de la Coalition mondiale Ne touchez pas à Caïn, a demandé « un moratoire sur la peine de mort de Tarek Aziz ».
Deux autres membres de la Coalition mondiale, Amnesty International et la Communauté de Sant’Egidio, ont appelé à une action urgente pour sauver la vie des ces anciens dirigeants irakiens menacés d’exécution dans les 30 jours suivant leur condamnation.
Le Président Talabani opposé à l’exécution
Le soutien le plus influent vient sans doute du Président irakien Jalal Talabani, qui a indiqué qu’il ne signerait pas l’ordonnance d’exécution de Tarek Aziz. Il a déclaré : « Je compatis avec Tarek Aziz, car c’est un chrétien irakien; et c’est en outre une personne âgée qui a plus de 70 ans. C’est pourquoi je ne signerai jamais cet ordre d’exécution. »
Talabani, un Kurde irakien, a pris cette position bien qu’Aziz ait aussi été reconnu coupable pour son rôle dans la répression de la minorité kurde.
Malheureusement pour Aziz et les autres condamnés, l’histoire récente montre que le refus du Président Talabani de signer les ordonnances d’exécution ne suffit pas à bloquer une mise à mort. En 2006, l’ordonnance d’exécution de Saddam Hussein avait été signé par les deux vice-présidents, mais pas par le président, malgré la constitution et le code de procédure pénale qui en font une obligation.
De plus, le gouvernement irakien ne cesse d’affirmer que la signature présidentielle n’est pas nécessaire sur un ordre d’exécution lorsque la condamnation a été prononcée par la Cour suprême.
L’avocat de Tarek Aziz, Giovanni Di Stefano, espère toutefois une grâce.