La nouvelle Tunisie et la peine de mort

MENA

le 16 mai 2011

« De toute ma vie, je n’ai jamais entendu un débat ou une discussion sur la peine de mort, » dit Rabia, une enseignante dans une école à Tunis. « En général, je dirais que je soutiens l’utilisation de la peine de mort pour certains crimes, et certainement pour les pires membres de l’ancien gouvernement de Ben Ali. »
Le point de vue de Rabia est typique de la Tunisie d’après la révolution, selon Lotfi Azouz, directeur de la section tunisienne d’Amnesty International. « A la suite d’une révolution comme la notre, il y a un désir de la vengence et de justice», explique Azouz. «Le peuple veut voir ceux qui sont responsable tenus pour redevables de leurs actions. La peine de mort reste la façon traditionnelle de répondre à cette colère publique. »

Un mouvement qui cherche toujours sa direction


Bien des activistes, telle la journaliste Sihem Ben Sédrine du Conseil National pour les Libertés en Tunisie, un membre de la Coalition Mondiale, concentrent leurs efforts sur ce qu’elle appelle « l’occasion sans précédent que présente la révolution pour des changements politiques ».  Mais Azouz souligne aussi l’occasion qu’elle présente pour de nouvelles campagnes contre la peine de mort.
« Nous voyons en ce moment une possibilité d’élargir notre base dans le pays, et d’augmenter nos efforts de lobbying au sein du gouvernement, » explique-t-il.
Le projet de loi proposé en 2008 pour abolir la peine de mort a reçu peu de soutien en-dehors des partisans d’Amnesty. « Pour la première fois en 30 ans, il y a une occasion de vraiment sensibiliser le public sur une grande gamme de sujets, dont la peine de mort. »

Le gouvernement en transition

« Le gouvernement actuel n’a pas le pouvoir pour changer les lois, note Ben Sédrine, mais nous pouvons faire beaucoup pour sensibiliser le public et créer une conscience politique parmi les Tunisiens. »
Et cette nouvelle ouverture d’esprit politique est l’un des caractéristiques les plus étonnantes de la Tunisie d’après la revolution.« Même s’il reste toujours au pouvoir des membres de l’ancien gouvernement, dit Rabia, maintenant nous pouvons parler. Avant, on regardait toujours autour de nous avant de parler. Maintenant on peut dire ce qu’on veut. »

Un moment stressant

Dans un pays au sortir de plus de 30 ans de dictature et de répression des libertés politiques, cette volonté de parler pourrait être l’atout le plus important des ONG en général, et des abolitionnistes en particulier.
« C’est un moment très stressant pour nous, dit Rachid, professeur aux Beaux Arts de Tunis. Nous sentons que nous pouvons changer tant de choses, et pourtant nous risquons ne rien changer. »
Ce sentiment se retrouve partout dans le pays. « Nous devons absolument redynamiser le peuple tunisien, dit Azouz. Nous devons leur faire comprendre qu’il y a des choses qu’ils pourraient changer, et qu’ils ont leur mot à dire. »

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