Une étude expose les violations du droit international et l’incertitude de l’opinion au Japon

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Publié par Thomas Hubert, le 14 mars 2013

Du grand quotidien Asahi Shimbun à la télévision nationale NHK, l’éventail des médias présents au lancement du rapport La peine de mort au Japon le 11 mars à Tokyo a surpris l’avocate et militante japonaise Maiko Tagusari : « Je n’aurais jamais espéré avoir une telle audience », se félicite la secrétaire générale de l’organisation membre de la Coalition mondiale Center for Prisoners’ Rights, qui a rédigé une partie du rapport.
Alors que les débats sur la peine de mort attirent habituellement un « club » de reporters spécialisés dans la couverture du ministère de la Justice, l’événement organisé par l’ambassade de Grande-Bretagne a attiré non seulement des journalistes généralistes mais aussi des avocats et des parlementaires de différents partis, y compris l’ancien ministre de la Justice.
Saul Lehrfreund, directeur exécutif de Death Penalty Project (l’association britannique qui publie le rapport) espère que cette publication va servir « d’outil d’action judiciaire » devant la justice locale. « Nous souhaitons voir les autorités japonaises suspendre les exécutions en raison des problèmes que nous décrivons », ajoute-t-il tout en reconnaissant que la réaction du gouvernement est difficile à prévoir.

« Le système de la peine de mort au Japon est gravement dysfonctionnel »

Sur 68 pages, l’étude approfondie de l’utilisation de la peine de mort au Japon et de sa perception par l’opinion publique dresse un constat sévère.
« Du champ d’application démesurément large de la peine capitale au Japon à l’abandon de fait du pouvoir de grâce de l’exécutif en passant par le mauvais traitement des condamnés à mort, la possibilité d’exécuter des condamnés qui n’ont pas épuisé leurs recours, les difficultés d’accès à une défense compétente et aux preuves d’innocence ou de circonstances atténuantes que pourrait détenir l’accusation, le système de la peine de mort au Japon est gravement dysfonctionnel, » écrivent les auteurs.
Leur étude méthodique des obligations du pays en tant qu’Etat partie au Pacte international sur les droits civils et politiques identifie de nombreuses violations liées à l’utilisation de la peine capitale. « Tant que cet écart ne sera pas éliminé ou réduit de façon significative, le Japon restera à la périphérie du système international en ce qui concerne "le problème de la vie réelle le plus sérieux en droit" », affirme le rapport.

Sondages biaisés

La seconde partie du rapport remet en cause les sondages réalisés tous les cinq ans à la demande du gouvernement. L’édition 2009 conclut que 86 % des personnes interrogées soutiennent la peine de mort, ce qui justifierait son maintien.
Mai Sato, une chercheuse japonaise à l’Université d’Oxford, explique tout d’abord que le sondage gouvernemental offre un choix entre une position abolitionniste « étroite » (« la peine de mort devrait être abolie en toute circonstance ») et une alternative rétentionniste large (« la peine de mort est inévitable dans certains cas »).
Le Dr Sato examine ensuite les résultats détaillés de ces sondages et d’études complémentaires qu’elle a conduites avec des questions plus neutres et des échantillons de citoyens plus ou moins bien informés sur la peine de mort.
« Les résultats des trois études ci-dessus démontrent qu’une proportion considérable du public japonais n’a pas d’opinion affirmée sur la peine de mort, et que même ceux qui expriment un soutien fort à la peine capitale modifient leur position après avoir reçu de nouvelles informations », conclut-elle.
« La fédération japonaise des barreaux avait commencé à analyser les sondages gouvernementaux. Cette approche pratique et scientifique est utile et les conclusions de Mai Sato sont très convaincantes », estime Maiko Tagusari.
Cette collaboration entre experts locaux et étrangers sur les questions allant du droit international aux pratiques et attitudes locales ajoute à la crédibilité de l’étude. « Nous ne pouvions pas nous contenter de parachuter notre opinion. Nous n’aurions pas pu faire ce travail sans les contributeurs locaux », déclare Saul Lehrfreund.

Télécharger le rapport (en anglais)

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