Plongée dans le couloir de la mort tunisien
Plaidoyer
La première mission d’enquête d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM, membre de la Coalition mondiale) dans le monde arabe repose sur des entretiens avec 32 condamnés à mort ou anciens condamnés à mort tunisiens. Dirigée par le journaliste et écrivain tunisien Samy Ghorbal en partenariat avec la Coalition tunisienne contre la peine de mort et l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques, sa vocation est multiple :
– outil d’information, elle brosse le portrait de ceux qui condamnent et des condamnés. Elle dresse un état des lieux des conditions de détention, « effroyables, notamment en termes de surpopulation » ;
– outil de sensibilisation, elle met en lumière la discrimination sociale et géographique de la peine capitale. Pour l’illustrer, Nicolas Braye rappelle qu’un quart des condamnés interviewés est originaire de la région défavorisée de Siliana, ce qui explique le titre choisi pour la version tunisienne de cette enquête : « Le syndrome de Siliana. Pourquoi faut-il abolir la peine de mort en Tunisie ? » Elle révèle aussi le problème de la condamnation d’innocents, notamment celle de Maher Manai ;
– outil d’aide à la décision, elle adresse des recommandations pratiques aux autorités tunisiennes : ouverture d’un débat national sur l’abolition, ratification du Protocole de l’ONU sur l’abolition de la peine de mort, retour à l’unanimité pour prononcer les condamnations à mort ;
– outil de mobilisation des militants abolitionnistes tunisiens.
S’agissant de sa diffusion, Nicolas Braye a bon espoir que « le rapport d’enquête et le cas de Maher Manai soient repris par l’ensemble des médias tunisiens ». Il insiste sur l’importance de le faire connaître d’abord en Tunisie à travers une campagne de communication et un travail avec les partenaires locaux d’ECPM pour que ces derniers s’approprient cet outil et l’utilisent.
Diffusée lors du Congrès et de la Journée mondiale
Au-delà des frontières tunisiennes, cette enquête sera présentée à l’occasion du Congrès mondial de Madrid. Dans le cadre de la prochaine Journée mondiale contre la peine de mort (10 octobre 2013), ECPM compte publier une version arabe pour toucher un public plus large : « Nous allons diffuser cette version arabe dans l’ensemble des pays de la région auprès de nos partenaires pour montrer les outils concrets qui peuvent être réalisés : outil de plaidoyer pour militer contre la peine de mort et outil de sensibilisation auprès du public », explique Nicolas Braye.
A la rentrée, avec l’Institut arabe des droits de l’homme et l’Institut français de Tunisie, ECPM souhaite lancer des actions d’éducation auprès des collégiens et lycéens sur la question de la peine de mort, toujours en s’appuyant sur le rapport.
A l’issue de la diffusion de cette enquête, ECPM est conscient de la nécessité d’assurer un suivi. D’une part, il s’agit de vérifier si les recommandations du rapport ont été suivies par les autorités gouvernementales et si la situation s’est améliorée. D’autre part, il faudra mobiliser les associations locales pour agir en faveur de la réinsertion des prisonniers graciés, qui sortent des couloirs de la mort après y avoir passé 20 ans.
L’idée d’approfondir cette enquête en identifiant les cas d’innocents parmi les condamnés à mort est également à l’étude.