Deux regards sur la défense des étrangers risquant la peine de mort

Normes internationales

Publié par Thomas Hubert, le 13 juin 2013

Une ONG européenne et un État d’Amérique Latine peuvent sembler se situer à des années lumières l’un de l’autre. Cependant, l’organisation britannique membre de la Coalition mondiale, Reprieve, et les autorités mexicaines ont un objectif commun : sauver la vie de ceux faisant l’objet de poursuites judiciaires loin de leur pays d’origine, et notamment aux États-Unis.
Zara Brawley a détaillé le processus suivi par Reprieve dès lors qu’un ressortissant européen est poursuivi pour un crime passible de la peine de mort dans un pays non-abolitionniste :
•    « Nous recherchons des liens familiaux à l’étranger. »
•    « Nous menons une enquête afin de mettre en lumière d’éventuelles circonstances atténuantes (par ex. des antécédents de troubles mentaux…), sollicitons des experts médicaux pouvant établir des rapports, etc. »
•    « Les stratégies juridiques employées incluent le recours à des mémoires juridiques, par exemple auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. »
•    « Il nous arrive parfois de nous charger de contentieux en Europe ; ce fut par exemple le cas pour l’interdiction de l’exportation des drogues destinés aux injections létales. »
•    « Nous encourageons l’intervention diplomatique des gouvernements européens dont les ressortissants sont déjà impliqués dans des affaires judiciaires avant même d’avoir été inculpés, ce qui peut faire pencher la balance en leur défaveur. La décision qui consiste à requérir la peine capitale peut être motivée par des raisons politiques. Or, lorsque le ministère public se rend compte que son action ne vaut pas nécessairement tous les problèmes que cela pourrait lui causer, il se peut qu’il abandonne l’idée. »
•    Reprieve incite également le pays d’origine du prévenu à lui fournir une assistance consulaire. « Pour nous, obtenir une aide financière pour le prisonnier équivaut à obtenir le Saint Graal en termes d’assistance consulaire. La peine capitale dépend de l’apport en capitaux : si vous pouvez vous payer un bon avocat, vous aurez beaucoup moins de chances d’être condamné à mort. »
•    Dans les affaires pour lesquelles on estime que cela peut avoir un impact positif, Reprieve peut aussi attirer l’attention des médias sur le détenu.
Reprieve a participé à bon nombre d’affaires, telle que celle d’Anthony Farina, qui a été condamné à mort aux États Unis pour un vol qualifié au cours duquel son frère à abattu quelqu’un. « Nous avons découvert qu’il possédait la nationalité italienne à travers ses grands-parents, ce dont il ne savait absolument rien, » déclara Mme Brawley. L’organisation recherche désormais un appui pour soutenir que Farina n’a pas pressé la détente et ne devrait donc pas être condamné à la peine capitale.

Le Mexique compte le plus grand nombre de ressortissants condamnés à mort à l’étranger

Victor Uribe, avocat à l’ambassade du Mexique aux États-Unis, a expliqué que son pays possède le plus grand nombre de ressortissants emprisonnés dans les couloirs de la mort à l’étranger, 143 d’entre eux se trouvant aux États-Unis.
Bien que la Convention de Vienne sur les relations consulaires prévoit qu’un ressortissant étranger doit être informé de ses droits à pouvoir contacter le Consulat de son pays immédiatement après son arrestation, les autorités mexicaines ont découvert que seuls 8 des ses ressortissants détenus dans le couloir de la mort aux États-Unis avaient eu cette possibilité. « En 2003, nous avons entamé des poursuites internationales à l’encontre des États Unis d’Amérique pour avoir violé la Convention de Vienne dans les affaires de 54 ressortissants mexicains », a déclaré M. Uribe.
Depuis 2000, le Mexique a mis en place un programme officiel visant à pister et assister les Mexicains encourant la peine de mort à l’étranger. « Selon ce que nous avons pu observer, lorsque le gouvernement mexicain intervient au bon moment, à savoir durant les enquêtes préliminaires, moins de 1% des Mexicains concernés sont condamnés à la peine capitale, » a avancé M. Uribe. Il a ajouté que le nombre de Mexicains condamnés à mort avait été divisé par cinq depuis le lancement du programme.
Les agents consulaires s’assurent que ceux qui sont poursuivis ont accès à des services aussi basiques que l’interprétation des procédures dans leur langue. « Je me suis entretenu avec l’interprète dans l’une des affaires que je suivais, il ne savait pas parler espagnol », raconte M. Uribe. « Nous avons donc exigé un interprète qualifié. »
En plus d’une assistance individuelle, le programme prévoit d’effectuer des recherches en lien avec les poursuites pénales, comme sur le thème de la discrimination. « Nous avons découvert que de nombreux détenus mexicains sont pauvres, souffrent de troubles mentaux ou s’avèrent être des toxicomanes, » explique M. Uribe.
L’administration mexicaine mène également des enquêtes sur le territoire mexicain afin de retrouver les familles de ceux encourant la peine de mort aux États Unis et de les aider à obtenir des visas et des fonds afin de pouvoir leur rendre visite en prison, ajouta-t-il.

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