Constitution tunisienne : la peine de mort maintenue, le droit à la vie progresse
MENA
Les efforts des abolitionnistes menés auprès des Constituants et la pétition de 70 parlementaires pour l’introduction d’un article sur l’abolition de la peine de mort n’y auront rien fait : la nouvelle Constitution tunisienne autorise l’application de la peine capitale.
Un maintien prévisible selon Mohamed Habib Marsit, actuel président de la Coalition tunisienne contre la peine de mort : « On ne se faisait pas trop d’illusions quant aux rapports de force. » En effet, les trois formations majoritaires au sein de l’ANC – Ennahda, CPR et Ettakatol – n’ont eu de cesse de dire que la société tunisienne n’était pas encore prête à abolir la peine capitale, en s’appuyant sur une « lecture littérale et restrictive des textes coraniques ».
A défaut d’abolir, la Constitution proclame dans son article 21 : « Le droit à la vie est sacré. » Nicolas Braye est responsable du projet Afrique du Nord-Moyen Orient chez Ensemble contre la peine de mort (ECPM, membre de la Coalition mondiale), qui vient d’organiser une action éducative en Tunisie. Il estime que « la consécration du droit à la vie est une avancée dans les pays du monde arabe vis-à-vis de la question de l’abolition de la peine de mort ».
Un droit qui comporte toutefois des exceptions, comme le prévoit la deuxième partie de ce même article : « Nul ne peut lui porter atteinte, sauf dans les cas extrêmes fixés par la loi ». L’introduction de ce caractère d’exception légitime du même coup le recours à la peine de mort en Tunisie.
Progrès et actions abolitionnistes sur le terrain
Les abolitionnistes ne s’avouent cependant pas vaincus et rappellent les avancées considérables de la Tunisie sur la question de la peine de mort : aucune exécution depuis 1991, vote en décembre 2012 en faveur de la résolution de l’ONU pour un moratoire universel sur les exécutions, peines de mort commuées en peine de prison à perpétuité par le Président Moncef Marzouki.
Un tel engagement de l’Etat tunisien est positif car il pourrait inciter au mimétisme, comme le souhaite Nicolas Braye : « On espère que la position officielle de la présidence tunisienne sera un exemple pour les autres pays de la région. »
Sur le terrain, les abolitionnistes restent actifs. Ainsi, du 12 au 17 janvier, en partenariat avec l’Institut arabe des droits de l’homme, Nicolas Braye et Mohamed Habib Marsit ont participé à un périple qui les a conduits à intervenir dans quatre des sept clubs pilotes des droits de l’Homme (Tataouine, Kasserine, Tozeur, Sfax) et à rencontrer plus de 120 collégiens et lycéens.
Outre la présentation des progrès réalisés par le mouvement et les États abolitionnistes dans le monde, la pièce maîtresse de la tournée fut le témoignage d’un ancien condamné à mort marocain, Ahmed Haou.
« Il a su toucher à la fois la fibre émotive et rationnelle des élèves », déclare Mohamed Habib Marsit, qui a pu constater avec enthousiasme l’effet pédagogique immédiat de ce témoignage. Cette expérience réussie pourrait être renouvelée dans les autres clubs du nord et du centre de la Tunisie « et pourquoi pas demain dans les mosquées », aime à penser Marsit, qui estime qu’il est crucial de propager les valeurs abolitionnistes le plus largement possible dans les couches populaires.
Pour ce faire, la Coalition tunisienne contre la peine de mort compte créer des antennes locales en dehors des grandes villes. Quant à Nicolas Braye, il insiste sur l’importance d’accompagner l’Institut arabe des droits de l’homme dans la création d’outils d’éducation pour l’abolition de la peine de mort.
Photo : Samir Abdelmoumen/Wikimedia Commons