Une stratégie pour l’abolition au Nigeria

Afrique

Publié par Emile Carreau, le 2 décembre 2014

Présidé par Robert Badinter, ancien ministre de la Justice et père de l’abolition en France, l’événement a permis aux juristes d’Avocats sans Frontières (ASF) France et à leurs confrères nigérians de partager leur expérience et leur approches pour abolir la peine capitale dans le pays le plus peuplé d’Afrique.
Les avocats ont souligné le besoin d’une stratégie solide pour parvenir à l’abolition au Nigeria, où un moratoire sur les exécutions en vigueur depuis 2006 s’est achevé en 2013 avec quatre pendaisons.
L’avocat nigérian Oluwatosin Popoola, qui travaille pour Amnesty International, a rappelé aux participants que le président nigérian Goodluck Jonathan continue à ordonneraux gouverneurs des États du pays de « signer des [décrets d’exécution] car cela est conforme à la loi ».
Catherine Mabille d’ASF France a affirmé que le processus judiciaire au Nigeria se résume à l’enchaînement « torture, aveux et condamnation ». « Nous devons renforcer les compétences des avocats qui s’opposent à la peine de mort », a-t-elle insisté.

Des cas emblématiques devant la justice internationale

Les avocats d’ASF ont fait part des résultats positifs obtenus en portant deux affaires stratégiques devant la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
L’avocat nigérian Kolawole Ogunbiyi a expliqué que la cour avait dans le premier cas rendu une « injonction empêchant le gouvernement d’exécuter M. Thankgod », avant de prononcer un jugement « ordonnant au gouvernement nigérian de radier le nom de Thankgod des registres du couloir de la mort ».
Dans la seconde affaire, « la Cour de la Cédéao a rendu un jugement ambitieux sur la non applicabilité de la peine de mort aux mineurs », a remarqué Angela Uwandu, une autre avocate nigériane membre d’ASF.
Cécile Ostier d’ASF France a remarqué avec satisfaction que la Cour de justice de la Cédéao avait « accepté les arguments des autres cours régionales » et que ces jugements témoignaient d’un « véritable dialogue sur la peine de mort » au niveau de la cour.
« Notre objectif est d’abord d’obtenir un moratoire, puis de démontrer l’illégalité de la peine de mort », a déclaré Uwandu.

Faire campagne parallèlement aux actions en justice

Les avocats ont souligné l’importance d’une coordination stratégique avec les activités de plaidoyer.
« Faire campagne et sensibiliser le public en parallèle à des actions stratégiques en justice est très important », a estimé Jean-Sébastien Mariez d’ASF France au vu de la puissante campagne de presse menée autour des affaires portées devant la Cour de justice de la Cédéao.
À cette occasion, « les militants doivent présenter la peine de mort comme un problème de droits de l’Homme plutôt qu’une question de justice pénale », a remarqué Popoola. « Nous avons observé que nos arguments sont plus persuasifs lorsqu’ils sont basés sur les droits de l’Homme. »
« Faire pression sur les autorités au bon moment et de la bonne façon fait vraiment une différence », a ajouté Popoola.
À l’approche de l’adoption d’un Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme relatif à l’abolition de la peine de mort, les occasions d’interpeller le gouvernement nigérian ne manqueront pas.
Concluant la conférence, Robert Badinter a rappelé aux participants que « seuls les Africains peuvent abolir la peine de mort en Afrique… nous ne sommes là que pour les aider. »

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