Indonésie : les exécutions pour trafic de drogue ne sont pas une solution

Asie

Publié par Coalition mondiale contre la peine de mort, le 26 janvier 2015

Nous condamnons fermement les exécutions de six condamnés à mort qui ont eu lieu en Indonésie le 18 janvier 2015. Tous les prisonniers exécutés avaient été reconnus coupables de crimes lié au trafic de drogue : Marco Archer Cardoso Moreira (Brésil) ; Namaona Denis (Malawi) ; Daniel Enemuo alias Diarrassouba Mamadou (Nigeria) ; Ang Kiem Soei alias Kim Ho alias Ance Tahir alias Tommi Wijaya (néerlandais) ; Tran Thi Bich Hanh (vietnamien) et Rani Andriani alias Melisa Aprilia (citoyenne indonésiennne).
Le recours à la peine de mort a été utilisé par le gouvernement pour montrer sa volonté d’éradiquer les crimes liés à la drogue. Bien que l’effet dissuasif réel des exécutions sur ces crimes reste encore à démontrer, il est clair que les exécutions ont été menées en violation du droit intangible de chaque être humain, le droit à la vie.
Nous sommes très sceptiques sur le fait que les exécutions mettent effectivement un terme aux crimes liés au trafic de drogues. Au lieu de cela, le gouvernement indonésien doit prendre d’autres mesures pour briser la chaîne de la criminalité et résoudre les questions impliquant des organisations opérant dans des réseaux criminels complexes, tout en protégeant le droit à la vie de toutes les personnes tel que consacré par le droit national et international des droits de l’Homme.
Il est également regrettable que les exécutions aient eu lieu en dépit des recommandations du Comité des droits de l’Homme, qui a passé en revue la mise en œuvre par l’Indonésie du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et a conclu, entre autres, en juillet 2013 :
« (L’Indonésie) devrait rétablir le moratoire de fait relatif à la peine de mort et envisager d’abolir la peine de mort en ratifiant le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il devrait en outre veiller, si la peine de mort est maintenue, à ce qu’elle ne soit prononcée que pour les crimes les plus graves. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation afin que les infractions en matière de stupéfiants ne soient pas punies de la peine de mort. L’État partie devrait aussi envisager de commuer toutes les peines de mort prononcées contre des personnes reconnues coupables d’infractions relatives à la drogue. » (CCPR/C/IDN/ CO/1, paragraphe 10)
En fait, la recommandation ci-dessus a été choisie par le Comité des droits de l’Homme comme l’une des quatre recommandations clés à mettre en œuvre dans l’année qui suit et pour laquelle l’État partie doit donner une réponse en vertu de la procédure de suivi du Comité.Les autorités indonésiennes ont cependant non seulement échoué à remplir leur obligation en vertu du PIDCP pour mettre en œuvre la recommandation ci-dessus en temps voulu, mais aussi pris des mesures contraires. Le point de vue du Comité exprimée en 2013 a été réitéré par ses membres au cours de leur visite non officielle de suivi en Indonésie entre le 13 et le 16 janvier 2015.
Le droit à la vie de ceux qui sont dans les couloirs de la mort et de ceux qui ont été exécutés est garanti par l’article 28A de la Constitution indonésienne de 1945 et par l’article 6 du PIDCP, qui est inaliénable, et ne peut être suspendu en aucune circonstance. Le gouvernement indonésien a ratifié le PIDCP dans la loi n°12/2005, reconnaissant ainsi et acceptant l’obligation de l’Indonésie à mettre en œuvre le Pacte, y compris son article 6, qui, au paragraphe 6, promeut l’abolition de la peine de mort comme objectif pour les États qui maintiennent encore la peine de mort. Le Comité des droits de l’Homme des Nations unies a en effet indiqué dans son Observation générale n°6 du 30 avril 1982 que l’article 6 du PIDCP se réfère généralement à l’abolition dans des termes qui suggèrent sans ambiguïté que celle-ci est souhaitable. Le Comité a conclu que toutes les mesures visant à l’abolition devraient être considérées comme un progrès dans la jouissance du droit à la vie. En outre, il est également regrettable que les exécutions ait été menées par un État membre du Conseil de droits de l’Homme des Nations unies ayant pour mandat de protéger et de promouvoir les droits de l’Homme dans le monde entier.
Dans ce contexte, il est grand temps pour l’Indonésie, en tant que pays démocratique de premier plan dans la communauté régionale et internationale avec un rôle et une influence notable, de démontrer son engagement dans la défense des droits de l’Homme en abolissant la peine de mort, ou à tout le moins en imposant un moratoire officiel sur les exécutions. La peine de mort n’a pas sa place dans le monde dans un système juridique moderne.

Jakarta, le 22 janvier 2015

Amnesty International
Conectas (Brésil)
INSEC (Népal)
Neglected and Insecure Citizens’ Empowerment (Pakistan)
Indigenous perspectives (Inde)
The Commission for The Disappeared and Victims of Violence (KONTRAS)
The Centre for Civil and Political Rights
The Aboriginal Rights Coalition Australia
Communauté de Sant’Egidio (Rome, Italie)
Coalition mondiale contre la peine de mort

Photo : http://www.flickr.com/photos/comicbase/

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