L’élection présidentielle au Congo-Brazzaville renforce la nouvelle Constitution à l’origine de l’abolition de la peine de mort

Publié par Delphine Lourtau et Marion Gauer, le 20 avril 2016

Un référendum controversé à l’origine de l’abolition de la peine de mort

En mars 2015, le président Sassou Nguesso annonce son intention de tenir un référendum portant sur l’adoption de la nouvelle constitution controversée. En effet, le texte proposé supprime les contraintes en termes d’âge et de nombre de mandats pour les candidats à l’élection présidentielle, autorisant ainsi le président à briguer un troisième mandat consécutif. Cette réforme, vue comme une tentative illégitime et dictatoriale de rester au pouvoir, déclenche alors de fortes protestations à travers le pays. Il est, toutefois, à noter que la disposition portant l’abolition de la peine a, quant à elle, été peu débattue. Après l’approbation de la constitution par référendum, celle-ci a finalement été promulguée le 8 novembre 2015.

Une peine de mort historiquement peu requise et appliquée au Congo, comme prémisse à l’abolition actuelle

Bien que la loi congolaise envisage l’application de la peine de mort pour un nombre important d’infractions, la peine capitale a été peu mise en œuvre dans la pratique au cours des trente dernières années. Du fait de l’absence d’exécutions depuis 1982 et du recul notable des condamnations à mort depuis les années 2000, la République du Congo était donc considérée jusque-là comme un Etat abolitionniste de facto. Par ailleurs, le changement d’état d’esprit en faveur de l’abolition était aussi notable au niveau international, puisque le Congo avait voté pour les cinq résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel sur la peine de mort. Etant donnée la suppression effective de la peine capitale dans le système de justice pénale, et avec les conditions favorables à l’abolition de la peine de mort, la réforme constitutionnelle a représenté une opportunité d’abolir la peine de mort de manière immédiate dans la loi congolaise. Il est à présent probable que l’Assemblée nationale introduise une loi abolissant la peine capitale dans la mouvance de réformes plus larges du Code pénal congolais.

Un futur confiant pour la consolidation de l’abolition au Congo ?

Les enjeux liés aux élections ont eu un effet certain sur la forme qu’a prise l’abolition, puisque son élévation au rang de norme constitutionnelle est largement considérée comme une stratégie politique visant à redorer le blason de cette réforme constitutionnelle polémique, notamment aux yeux de la communauté internationale. L’abolition, qui n’a toutefois pas été directement contestée lors du référendum, est promue depuis longtemps par la société civile congolaise, bénéficiant aussi du soutien de la plupart des élites politiques du pays. Les organisations de la société civile considèrent cependant que le pays aurait pu procéder à l’abolition de la peine capitale par des moyens moins polémiques que cette réforme constitutionnelle.

Si les troubles entourant le référendum constitutionnel ont soulevé des inquiétudes quant à la longévité du texte constitutionnel garantissant l’abolition, l’élection présidentielle récente, qui s’est déroulée sans violence, a donc consolidé ce nouveau cadre législatif et a entériné l’abolition de la peine de mort.

Il est à espérer que l’abolition sera suivie par des réformes plus larges du système judiciaire congolais, qui souffre encore d’un manque cruel de financement, engendrant corruption et inefficacité.

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