Table-ronde sur le terrorisme au 6ème Congrès mondial contre la peine de mort

Congrès mondial

Publié par Marion Gauer, le 28 juin 2016

Le panel de ce débat était constitué de Basma Khalfaoui (avocate et militante tunisienne des droits de l’homme dont le mari, l’homme politique Chokri Belaïd, a été assassiné en 2013), Guillaume Colin (membre de la FIACAT qui représentait l’avocat tchadien absent Solomon Nodjitoloum), Azam Nazeer Tarar (avocat à la Cour suprême du Pakistan) et Florence Bellivier (membre de la FIDH remplaçant la spécialiste de la région MENA à la FIDH, Claire Talon). A l’aune de leurs propres expériences en lien avec le sujet, tous se sont exprimés sur l’instrumentalisation de la peine de mort dans la lutte contre le terrorisme ainsi que sur la manière d’aborder les arguments rétentionnistes dans les affaires liées au terrorisme.

La compatibilité de la lutte antiterroriste et du combat contre la peine de mort en Tunisie

Basma Khelfaoui a réaffirmé son soutien indéfectible à l’abolition de la peine de mort dans son pays et ailleurs, malgré l’assassinat politique de son mari, probablement par un groupe radical salafiste. Elle a rappelé que le combat contre le terrorisme n’exclu en rien la lutte contre la peine de mort, ce qui ne semble pas évident dans un pays où une loi récemment adoptée prévoit la peine capitale pour des infractions liées au terrorisme. Elle a ainsi déclaré : « Je ne dis pas ‘je suis contre le terrorisme et contre la peine de mort’, mais ‘je suis contre le terrorisme, et pour cela, je suis aussi contre la peine de mort’ ».

Un élargissement problématique de l’application de la peine de mort aux actes terroristes au Tchad

Guillaume Colin s’est, exprimé sur le problématique et soudain élargissement du champ d’application de la peine de mort aux crimes de terrorisme au Tchad. Il s’est ainsi inquiété des mesures injustes contenues dans la Loi portant répression des actes terroristes, passée en juillet 2015, ainsi que de l’exécution inique, peu de temps après l’adoption de ce texte, de dix membres présumés de Boko Haram, au nom de la lutte antiterroriste. Il a aussi souligné la difficulté du plaidoyer en faveur de l’abolition de la peine de mort dans un pays considérant majoritairement cette sanction comme la plus à même d’enrayer la progression du terrorisme.

Une hausse spectaculaire des exécutions depuis la levée du moratoire au Pakistan

Azam Nazeer Tarar a exposé, de manière détaillée, les effets néfastes de la suspension du moratoire sur les exécutions, après l’attentat contre l’école de Peshawar en décembre 2014. Parmi l’inquiétante liste de chiffres cités, on retiendra que malgré la reprise des exécutions annoncée dans un but précis, celui de lutter efficacement contre le terrorisme, seule une exécution sur dix, parmi les 405 dénombrées entre décembre 2014 et juin 2016, a été réalisée suite à une condamnation pour terrorisme. La phrase, teintée de cynisme, apparemment adressée par un avocat commis d’office à l’un de ses clients, condamné pour terrorisme, résume bien la situation désespérée des personnes accusées de terrorisme au Pakistan : « Nul ne quitte le tribunal antiterroriste sans une condamnation à mort ».

Une instabilité politique résultant en l’exécution d’opposants en Egypte

En conclusion, Florence Bellivier a consacré son intervention à la situation égyptienne en matière de lutte contre le fléau terroriste au moyen de la menace de la peine de mort, en alertant sur le fait que la plupart des condamnations à mort en Egypte ont été prononcées pour des raisons politiques (ayant, par exemple, trait à l’interdiction de manifester). Ceci a eu pour conséquence problématique d’éradiquer les acteurs de la société civile et les partis d’opposition, notamment les Frères musulmans, qui sont systématiquement qualifiés de terroristes et potentiellement sujets, à ce titre, à être menacés de la peine de mort.

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Terrorisme

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